Vu le recours, enregistré le 8 juin 2007, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0101406 du 29 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à verser à M. Jean-Michel Brunet une somme de 880 882,52 euros hors taxes, assortie des intérêts légaux à compter du 29 décembre 2000 ;
2°) de rejeter la demande de M. Brunet devant le Tribunal administratif de Pau ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2009 :
- le rapport de M. Normand, conseiller,
- les observations de Me Piedbois, pour M. Brunet,
- les conclusions de M. Lerner, rapporteur public,
- et les observations complémentaires de Me Piedbois ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 mars 2009, présentée pour M. Brunet, par Me Piedbois ;
Considérant que, par un jugement en date du 19 octobre 2004, confirmé par un arrêt en date du 15 mai 2007 de la Cour de céans, le Tribunal administratif de Pau, après avoir estimé que l'administration avait commis une faute en procédant à la destruction de bocaux de conserves de foie gras appartenant à M. Brunet, commerçant en foies gras, a, d'une part, déclaré l'Etat responsable du préjudice subi par celui-ci et, d'autre part, avant de statuer sur le montant de l'indemnité à laquelle il pouvait prétendre, ordonné une expertise ; que, par jugement en date du 29 mars 2007, le Tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à verser à M. Brunet une somme de 806 882,52 euros hors taxes en réparation du préjudice subi par lui en raison de la destruction du stock précité ; que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE soutient que les premiers juges n'auraient pas suffisamment motivé leur jugement en n'expliquant pas pour quelle raison le retraitement des produits concernés n'aurait pas eu pour conséquence d'abaisser leur prix de vente, voire de laisser invendue une partie du stock ; que, toutefois, ledit jugement s'est référé, en s'en appropriant le contenu, à l'expertise ordonnée par le jugement avant-dire droit du 19 octobre 2004, laquelle donnait les éléments permettant d'écarter l'hypothèse d'un prix plus faible et d'une mévente des foies gras reconditionnés ; qu'il ne saurait, par conséquent et en tout état de cause, être regardé comme entaché d'une insuffisance de motivation ;
Au fond :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'expertise ordonnée par jugement avant-dire droit du 19 octobre 2004, susmentionné, visait à déterminer si un retraitement des produits concernés, afin de les rendre conformes aux normes d'hygiène applicables lors de leur saisie, était de nature à réduire leur prix de vente ; qu'en conséquence et eu égard également à la destruction par l'administration de la totalité du stock saisi par elle, ladite expertise ne pouvait porter, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE, que sur des produits fournis par l'intimé ; qu'il résulte également de l'instruction que les tests opérés par l'expert l'ont été sur quatre bocaux et non deux comme l'affirme le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE et que leur stérilisation a été correctement réalisée avec un équipement aux normes européennes ; que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ne conteste pas les conditions dans lesquelles les propriétés organoleptiques des conserves reconditionnées ont été comparées aux conserves de M. Brunet non retraitées ainsi qu'à des conserves fabriquées par une autre entreprise ;
Considérant, en deuxième lieu, que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la valeur du stock de M. Brunet ne pouvait qu'être réduite par le retraitement subi par les produits concernés ; que, toutefois, il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise ordonnée par le jugement avant-dire droit du 19 octobre 2004, que le retraitement des bocaux de foie gras d'oie dont s'agit n'était pas de nature à modifier sensiblement la qualité de ces produits et, de ce fait, à justifier qu'ils ne soient pas vendus sous l'appellation fabrication à l'ancienne ; qu'ainsi et comme l'ont estimé les premiers juges, ledit retraitement ne pouvait être regardé comme entraînant une minoration du prix de vente ou comme faisant obstacle à la vente de la totalité du stock ; qu'en outre, et ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, l'administration n'a pas contesté en première instance les prix de vente d'origine de ces produits ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort du jugement précité du 19 octobre 2004 et de l'arrêt de la Cour de céans du 15 mai 2007 qui l'a confirmé, qu'aucun élément n'autorisait l'administration à déclarer impropre à la consommation le stock de marchandises de M. Brunet ; que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ne saurait davantage soutenir que le prix de vente, tel qu'évalué par le jugement querellé, soit 121 euros le kilogramme, serait excessif en se bornant à se référer aux prix de vente moyens de foies gras d'oie non transformés tels que constatés sur certains marchés du Gers entre les mois d'octobre 1986 et de mars 1987 alors que les foies gras d'oie du stock de M. Brunet étaient, pour leur part, conditionnés en bocaux de conserves ; que si le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE se réfère également aux déclarations de M. Brunet consignées dans un procès-verbal dressé le 28 avril 1986 par les services de police selon lesquelles le prix moyen d'un pot de foie gras, au titre des années 1983, 1984 et 1985, pourrait être évalué à 280 francs (42,69 euros), ce seul élément n'est pas de nature à démontrer le caractère exagéré du prix retenu par les premiers juges en l'absence, notamment, de toute indication sur le poids du produit concerné ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé la valeur du stock à 5 384 997 francs hors taxes ; qu'il sera fait une juste appréciation du montant du préjudice subi par M. Brunet en lui attribuant la somme de 650 000 euros correspondant à la valeur du stock de 5 384 997 francs hors taxes, diminuée, d'une part, de la somme de 92 194 francs hors taxes relative au coût du retraitement nécessaire à la stérilisation des pots et, d'autre part, des coûts inhérents à la mise sur le marché tels que les frais de transports, de publicité ou de distribution de ces pots ;
Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que l'intimé était redevable d'une dette fiscale, d'ailleurs non précisée, est sans influence sur l'évaluation du préjudice qu'il a subi du fait de la destruction du stock de bocaux de conserves de foie gras d'oie saisi par l'administration ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à payer à M. Brunet une indemnité excédant la somme de 650 000 euros hors taxes ;
Sur les intérêts :
Considérant que, par la voie de l'appel incident, M. Brunet soutient que le point de départ des intérêts sur la somme qui lui est due doit être fixé au 12 avril 1988, date de réception de sa première demande d'indemnisation, formée le 5 avril 1988 ; que, toutefois, il résulte de l'instruction qu'à cette date les produits saisis par l'administration n'avaient pas encore été détruits ; que, par voie de conséquence, il n'existait aucun préjudice né de la destruction desdits produits ; que la demande présentée le 5 avril 1988 ne peut donc être regardée comme la première demande tendant à obtenir la réparation dudit préjudice ;
Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que, par sommation d'huissier en date du 12 juillet 1995, M. Brunet a demandé à l'administration de lui verser une somme correspondant, selon lui, à la valeur du stock de produits saisis ; qu'à cette date, ceux-ci avaient déjà été détruits ; que, dans ces conditions, il a droit, ainsi qu'il le demande à titre subsidiaire, aux intérêts au taux légal sur la somme qui lui est due à compter du 12 juillet 1995, ces intérêts étant capitalisés au 11 juin 2002 comme prévu dans le jugement attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. Brunet de la somme de 1 500 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 806 882,52 euros hors taxes que l'Etat a été condamné à verser à M. Brunet par le jugement du Tribunal administratif de Pau du 29 mars 2007 est ramenée à 650 000 euros hors taxes.
Article 2 : La somme de 650 000 euros hors taxes au paiement de laquelle l'Etat est condamné portera intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 1995, ces intérêts étant capitalisés au 11 juin 2002.
Article 3 : Le jugement n° 0101406 du Tribunal administratif de Pau du 29 mars 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 ci-dessus.
Article 4 : L'Etat versera à M. Brunet la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 07BX01206