Vu, I, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 25 mars 2010 sous le n° 10BX00826, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ; il demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 0902973 du 11 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, annulé son arrêté en date du 2 décembre 2009 portant refus d'admettre au séjour M. Moussa A, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à celui-ci un certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Poitiers ;
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Vu, II, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 juillet 2010 sous le n° 10BX01741, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ; il demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1000623 du 16 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a annulé son arrêté en date du 27 janvier 2010 portant refus de délivrance d'un certificat de résidence, lui a enjoint de délivrer à M. A un certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, l'a condamné à verser au conseil de M. A une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Poitiers ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France de ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2011 :
- le rapport de Mme Madelaigue, premier conseiller ;
- les observations de M. A ;
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;
La parole ayant à nouveau été donnée aux parties ;
Considérant que M. A, de nationalité algérienne, titulaire d'un titre de séjour obtenu en Italie, est entré en France pour la première fois le 23 juillet 2001 et y est revenu à plusieurs reprises ; qu'il s'est marié le 8 novembre 2008 avec une ressortissante française et a demandé à bénéficier d'un certificat de résidence en qualité de conjoint de Française ; que le PREFET DE LA VIENNE a rejeté sa demande par un arrêté en date du 2 décembre 2009 au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français fixant le pays de destination ; que, par un arrêté en date du 27 janvier 2010, le PREFET DE LA VIENNE a, d'une part, retiré cet arrêté et, d'autre part, rejeté à nouveau, pour le même motif, la demande de certificat de résidence de M. A ; que M. A a demandé au Tribunal administratif de Poitiers l'annulation de ces deux arrêtés et qu'il soit enjoint au PREFET DE LA VIENNE de lui délivrer un certificat de résidence ; que les premiers juges ont fait droit à ses demandes ; que, par deux requêtes distinctes portant les n°s 10BX00826 et 10BX01741, le PREFET DE LA VIENNE relève appel de ces jugements ; que ces requêtes présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 20 décembre 1968 modifié : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 2°) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ;
Considérant qu'aucune stipulation de l'accord précité ne prive l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour d'un ressortissant algérien en se fondant sur la circonstance que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public ;
Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que M. A s'est rendu coupable, le 30 mai 2005, d'une agression sexuelle imposée à une personne vulnérable ; que ces faits ont été constatés par le Tribunal correctionnel de Poitiers et ont donné lieu à une condamnation à six mois d'emprisonnement avec sursis le 15 mai 2008 ; que, compte tenu de la nature du délit commis par M. A et de son caractère récent à la date de l'arrêté attaqué, et alors même que cette condamnation n'a pas été assortie d'une peine d'interdiction du territoire français, le PREFET DE LA VIENNE n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la présence de M. A sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public faisant obstacle à la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de conjoint d'une personne de nationalité française ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas pris en compte l'ensemble des éléments caractérisant le comportement de l'intéressé ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que les refus de délivrance du certificat de résidence en litige étaient entachés d'une erreur d'appréciation ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A à l'encontre des arrêtés attaqués ;
Sur l'arrêté du 2 décembre 2009 :
Considérant que, par un arrêté du 27 janvier 2010, postérieur à la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Poitiers tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2009, le PREFET DE LA VIENNE a retiré cet arrêté ; que ce retrait, qui n'a pas été contesté dans le délai de recours contentieux, est devenu définitif ; que, par suite, les conclusions présentées par M. A à son encontre sont devenues sans objet ;
Sur l'arrêté du 27 janvier 2010 :
Considérant, en premier lieu, que M. Jean Philippe Setbon, signataire de l'arrêté du 27 janvier 2010, justifie d'une délégation de signature du PREFET DE LA VIENNE, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Vienne par arrêté du 3 novembre 2008 ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire dudit arrêté ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision par laquelle le PREFET DE LA VIENNE a refusé à M. A un certificat de résidence en qualité de conjoint de Français expose les circonstances de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle vise notamment l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et rappelle les conditions de l'entrée et du séjour en France de l'intéressé, notamment la circonstance qu'il a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour agression sexuelle imposée à une personne vulnérable le 30 mars 2005 ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision manque en fait et ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique et au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que, pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;
Considérant que M. A fait valoir qu'il partage avec la ressortissante française, qu'il a épousée en novembre 2008, une vie commune stable depuis le mois de juillet 2007, qu'il s'occupe des deux enfants de celle-ci nés d'une précédente union, qu'ils ont eu ensemble une petite fille née le 28 janvier 2010, soit un jour après l'intervention de l'arrêté en litige et qu'il n'a plus aucun lien avec l'Algérie qu'il a quittée en 2001 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a résidé en Italie où il travaillait jusqu'au mois d'août 2008 et que ses parents et ses sept frères et soeurs résident en Algérie ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances sus-énoncées, et notamment au caractère récent de son séjour en France et de son mariage, ainsi que de son comportement, le PREFET DE LA VIENNE n'a pas, en refusant à M. A la délivrance d'un certificat de résidence, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs, la décision de refus de séjour en litige n'est entachée d'aucune erreur dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle du requérant ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que la décision de refus de séjour n'a pas en elle-même pour effet de séparer tant les enfants de Mme A issus de sa première union que l'enfant née de l'union de M. et Mme A, de ce dernier ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA VIENNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a annulé son arrêté en date du 27 janvier 2010 et lui a enjoint de délivrer à M. A un certificat de résidence d'un an ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que demande M. A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements du 11 mars 2010 et du 16 juin 2010 du Tribunal administratif de Poitiers sont annulés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A dirigées contre l'arrêté du 2 décembre 2009 du PREFET DE LA VIENNE.
Article 3 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Poitiers tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 janvier 2010 ainsi que les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qu'il a présentées devant la cour sont rejetées.
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N°s10BX00826 et 10BX01741