Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 juin 2010 sous le n° 10BX01329, présentée pour la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, représentée par son président en exercice, par Me Lacaze, avocat ;
La COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700868 en date du 10 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée, solidairement avec la société Travaux Publics, à verser la somme de 122.685 euros à la compagnie Assurances générales de France IART et la somme de 4.357, 16 euros à la société Bal, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 20 février 2007 et eux-mêmes capitalisés, en réparation des dommages causés par la rupture d'une canalisation d'eau ;
2°) de condamner les sociétés Lyonnaise des eaux et Travaux Publics ainsi que Me P. Bayle, commissaire à l'exécution du plan de cette dernière société, à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre ;
3°) de rejeter les demandes présentées par la compagnie Assurances générales de France IART, la société Bal, Me Bayle, agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Travaux publics et Me Noël, agissant en qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la société Travaux publics, devant le Tribunal administratif de Bordeaux ;
4°) de condamner la société travaux publics, Maître Bayle, agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Travaux Publics, la société Lyonnaise des eaux, la compagnie AGF et la société Bal à lui verser une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances de l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 17 mars 2011 :
- le rapport de Mme Girault, président ;
- les observations de Me Thibaud, avocat de la société Bal et AGF ;
- les observations de Me Bechaud, avocat de la société Lyonnaise des eaux ;
- les observations de Me Lacoste Lareymondie, avocat de la société ;
- et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Thibaud, avocat de la société Bal et AGF, Me Bechaud, avocat de la société Lyonnaise des eaux et Me Lacoste Lareymondie, avocat de la société ;
Considérant que le 5 juin 2002, vers 15 heures, une pelle mécanique appartenant à la société Travaux Publics, qui effectuait des travaux de réalisation du tramway sur le cours de l'Intendance à Bordeaux pour le compte de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, maître d'ouvrage, a rompu une canalisation générale du service d'alimentation en eau, concédé à la société Lyonnaise des eaux ; que le débit important de cette canalisation, qui a rapidement noyé la tranchée établie au milieu de la rue, a provoqué une inondation dans les caves des immeubles riverains, qui a notamment affecté les locaux de la société Business XX et de la société Bal, situés aux n° 4-6 et 14 du cours de l'Intendance ; que la compagnie Assurances Générales de France (AGF) IART, subrogée dans les droits de la société Business XX et de la société Bal, et la société Bal ont recherché la condamnation solidaire de la société Travaux Publics et de la communauté urbaine de Bordeaux à réparer leur préjudice ; que, par le jugement attaqué n° 0700868 du 10 mars 2010, le Tribunal administratif de Bordeaux a condamné solidairement la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX et la société Travaux Publics à verser la somme de 122.685 euros à la société Assurances Générales de France IART, devenue la compagnie Allianz et la somme de 4.357,16 euros à la société Bal ; que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX a également été condamnée à garantir la société Travaux Publics à hauteur de deux tiers des condamnations solidaires susmentionnées, tandis que la société Travaux Publics a été condamnée à garantir la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX à hauteur du tiers desdites condamnations ; qu'enfin, la société Lyonnaise des eaux a été condamnée à garantir la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX et la société Travaux Publics à hauteur de 20 % de ces condamnations solidaires ; que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX interjette appel de ce jugement et demande qu'aucune condamnation ne soit prononcée à son encontre ou qu'elle soit totalement garantie ; que, par la voie de l'appel incident, la société Lyonnaise des eaux demande à la cour de réformer le jugement en tant qu'il a considéré qu'elle devait garantir la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX (ci-après CUB) et la société Travaux Publics à concurrence de 20 % des condamnations qu'il a prononcées ; que, par la voie de l'appel incident, Me Bayle et Me Noël, agissant en qualité de mandataires de la société Travaux Publics, concluent à l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre elle, et en tout état de cause de celles présentées par la compagnie d'assurance AGF devenue compagnie Allianz subrogée aux droits de la société Business XX en tant qu'elles sont supérieures à la somme de 84.949 euros ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que si Me Bayle et Me Noël, agissant respectivement en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Travaux Publics et représentant des créanciers au redressement judiciaire de ladite société, font grief au tribunal administratif de n'avoir pas répondu à leur fin de non recevoir tirée de ce que la société Assurances Générales de France n'était pas subrogée dans les droits de la société Business XX au-delà de la somme de 84.949 euros, le surplus ayant été payé à la société AGF par la société AXA, assureur de la CUB, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont estimé que la production de quittances subrogatives à hauteur de la totalité des sommes réclamées suffisait à justifier la recevabilité de la demande et la compétence de la juridiction administrative ; que, quelle que soit la pertinence de ce motif, le jugement ne peut ainsi être regardé comme entaché d'un défaut de motivation de nature à en affecter la régularité ;
Sur l'étendue de la subrogation de la société Assurances Générales de France (AGF) :
Considérant que l'article L. 121-12 du code des assurances dispose dans son premier alinéa : L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l' assureur ; que si l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions législatives peut justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré, il ne saurait exercer les droits de celui-ci que s'il en a conservé la jouissance ;
Considérant que la société Travaux Publics fait valoir que la somme de 28.737 euros dont la société Business XX a donné quittance à la société AGF le 8 avril 2004 ne correspond pas aux garanties souscrites, mais à l'application d'un accord transactionnel passé entre la société AXA, assureur de la CUB et la société AGF, aux termes duquel celle-ci a reçu d'AXA cette somme, correspondant au solde du préjudice de la société Business XX non couvert par la garantie d'AGF, en s'engageant à la reverser à la victime du dommage ; qu'il ressort, en outre, de cet accord de règlement du 22 mars 2004 qu'AXA France IARD est subrogée par ce paiement dans les droits et actions de la société AGF ; que dans ces conditions, la société AGF ne pouvait exercer aucune action pour solliciter de tiers, de surcroît avec intérêts, le remboursement de cette somme qu'elle avait déjà perçue et pour laquelle elle avait subrogé la société AXA dans ses droits, alors même qu'elle s'est fait délivrer quelques jours après la quittance subrogative susmentionnée de la part de son assuré, et qu'elle s'était engagée à rétrocéder ladite somme à la compagnie AXA en cas de succès de son action contentieuse, mais à condition toutefois qu'elle ait elle-même obtenu satisfaction totale sur ses propres réclamations ; que par suite, la société AGF, qui ne peut utilement se prévaloir de l'effet relatif des contrats pour faire obstacle à la contestation de son intérêt pour agir par la société Travaux Publics, n'est pas recevable à solliciter au titre des dommages subis par la société Business XX une somme supérieure à 84.949 euros, total des sommes qu'elle lui a versées au seul titre des garanties de sa police ;
Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX :
Considérant qu'aux termes de l'article 7, alinéa 1er, de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ;
Considérant que le président de la communauté urbaine, ou l'adjoint qu'il délègue à cet effet, a seul qualité pour opposer la prescription quadriennale au nom de la communauté urbaine ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Bordeaux a jugé que la prescription, invoquée par la communauté urbaine dans une défense qui ne portait que la signature de son avocat, n'a pas été régulièrement opposée ;
Considérant que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Bordeaux, qui a déclaré engagée la responsabilité de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX à l'égard des tiers victimes de l'inondation, s'est prononcé sur le fond ; que, dès lors, la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, qui n'a pas régulièrement opposé la prescription devant les premiers juges et ne critique pas le motif pour lequel ils ont écarté la prescription, ne saurait utilement se prévaloir de cette prescription devant la cour, au demeurant sans davantage justifier d'une décision régulière ;
Sur la responsabilité :
Considérant que, même en l'absence de faute, la collectivité maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'architecte et l'entrepreneur chargés des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ;
Considérant que les premiers juges ont condamné solidairement la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, en qualité de maître d'ouvrage des travaux de construction du tramway, et la société Travaux Publics, titulaire du lot de voirie et de plateformes à l'occasion duquel est survenu l'accident en litige, au motif que la rupture de la canalisation d'alimentation en eau, à l'origine de l'inondation ayant causé les dommages en cause, est le fait de l'engin utilisé par la société Travaux Publics ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Bordeaux, le 2 septembre 2002 que la pelle mécanique manoeuvrée sur le chantier par la société Travaux Publics est incontestablement à l'origine des dommages ; que les victimes, tiers au regard des travaux publics de réalisation du tramway, étaient en droit d'engager la responsabilité sans faute du maître de l'ouvrage de ces travaux ;
Considérant que la cause du dommage résidant ainsi dans les travaux du tramway, comme les premiers juges l'ont suffisamment souligné dans la motivation du jugement, la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX ne peut utilement se prévaloir, pour être déchargée de toute condamnation, des dispositions du traité de concession signé avec la compagnie Lyonnaise des eaux en 1991, dont l'article 4 prévoyait que : le concessionnaire sera seul responsable vis-à-vis des tiers et des usagers de tout accident et dommage de toute nature trouvant leur cause dans un ouvrage et/ou dans le service objet de la présente concession , lesquelles sont inopposables aux tiers ;
Considérant que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX invoque enfin, pour s'exonérer de sa responsabilité, la faute des victimes, exploitants des commerces de vêtements ; que si le local pris à bail par la société Business XX comportait des canalisations abandonnées et démunies du clapet anti-retour exigé par les dispositions de l'article 15 du règlement sanitaire départemental, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que ces dispositifs n'auraient pas été de nature, dans les circonstances de l'espèce, eu égard au volume important d'eau déversé et à l'incertitude sur son cheminement, à faire obstacle efficacement à une montée des eaux dans le sous-sol ; qu'ainsi en tout état de cause la responsabilité du locataire de l'immeuble ne pouvait être retenue ; que par ailleurs, si la société Bal a entreposé des cartons à même le sous-sol qui lui servait de réserve, il n'est pas établi qu'elle aurait pu les déplacer en temps utile et prévenir une partie des dommages subis par les vêtements ainsi stockés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX n'est pas fondée à soutenir que, c'est à tort, que les premiers juges ont retenu son entière responsabilité, solidairement avec l'entreprise effectuant les travaux de réalisation du tramway ;
Sur les préjudices :
Considérant que l'évaluation des préjudices des sociétés Business XX et Bal n'est pas contestée ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la société AGF est fondée à demander la condamnation solidaire de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX et de la société Travaux Publics à lui verser la somme de 84.949 euros au titre de la subrogation dans les droits de la société Business XX et la somme de 9.000 euros au titre de la subrogation dans les droits de la société Bal, et que cette dernière est fondée à demander la condamnation solidaire des mêmes à lui verser la somme de 4.357, 16 euros restée à sa charge ;
Sur les appels en garantie :
Considérant que les premiers juges ont condamné, d'une part, la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX à garantir à hauteur des deux tiers la société Travaux Publics de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre, d'autre part, la société Travaux Publics à garantir la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX à hauteur du tiers de cette condamnation solidaire, enfin, la société Lyonnaise des eaux, à garantir la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX et la société Travaux Publics à hauteur de 20% de la condamnation solidaire prononcée contre elles;
Considérant que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX soutient qu'elle a fourni à son entrepreneur toutes les informations nécessaires au bon accomplissement de sa mission, et produit pour la première fois en appel des demandes de sondages sur les réseaux existants dans le cours de l'Intendance, objet d'un ordre de service en date du 12 avril 2002 adressé à la société Travaux Publics ; que toutefois, elle ne donne aucune information sur l'exécution dudit ordre de service et n'établit pas qu'elle aurait accompli toutes les diligences pour que la localisation de la canalisation soit assurée avant l'exécution des travaux ; qu'ainsi la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX a commis une faute qui a participé à la réalisation des dommages ; que toutefois, l'entreprise qui connaissait l'existence de réseaux sous le cours de l'Intendance alors même qu'elle en ignorait la localisation exacte, a manifestement manqué de précautions en manoeuvrant l'engin, dont l'importance justifiait un usage particulièrement vigilant ; qu'il sera fait une juste appréciation des fautes respectives en condamnant la société Travaux Publics à garantir la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX à hauteur des deux tiers de la condamnation solidaire et la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX à garantir la société Travaux Publics à hauteur d'un tiers de la même condamnation ;
Considérant que la société Lyonnaise des eaux, concessionnaire de la distribution de l'eau, informée vers 14 heures 45 par la société Travaux Publics de l'atteinte portée à la canalisation d'eau de son réseau, n'a pu couper entièrement l'alimentation en eau que vers 19 heures 45 après avoir procédé à diverses interventions qui ont notamment permis de réduire, après la fermeture d'une première vanne vers 16 heures 35, le débit d'écoulement de l'eau ; que, toutefois, les délais d'intervention des services de cette société, pourtant alertée par plusieurs appels téléphoniques de la société Travaux Publics, qui n'a pas immédiatement déclenché la procédure dite d'urgence, ont contribué à aggraver les dommages résultant de cet accident ; que la société Lyonnaise des eaux ne peut utilement soutenir que les bouches à clé étaient enfouies sous les gravats, alors qu'elle aurait dû s'assurer de leur emplacement exact ; que, dans ces circonstances, les premiers juges ont fait, nonobstant l'incertitude relevée par l'expert sur la portée des conséquences du retard à fermer les vannes sur l'ampleur des dégâts causés aux riverains, une juste appréciation de la faute commise par la société Lyonnaise des eaux en la condamnant à garantir la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX et la société Travaux Publics à hauteur de 20% des condamnations prononcées contre elles ; que par suite, tant les conclusions de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX que celles de la société Lyonnaise des eaux tendant à la réformation du jugement sur ce point doivent être rejetées ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, de la société Lyonnaise des eaux, de la compagnie Allianz, et de la société Travaux Publics représentée par Me Bayle et Me Noël tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La somme que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX et la société Travaux Publics ont été condamnées solidairement à verser à la société Assurances Générales de France (AGF) IART est ramenée à 93.949 euros.
Article 2 : La COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX est condamnée à garantir la société Travaux Publics à hauteur d'un tiers des condamnations solidaires prononcées à leur encontre. La société Travaux Publics est condamnée à garantir la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX à hauteur des deux tiers des mêmes condamnations.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 10 mars 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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