Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 février 2010, présentée pour la COMMUNE DE BERGERAC, par la SCP Boulloche ;
La COMMUNE DE BERGERAC demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre les arrêtés interministériels des 25 août 2004, 11 janvier, 22 novembre et 20 décembre 2005, en ce qu'ils l'ont exclue de la liste des communes reconnues en état de catastrophe naturelle ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés interministériels des 25 août 2004, 11 janvier, 22 novembre et 20 décembre 2005, en ce qu'ils l'ont exclue de la liste des communes reconnues en état de catastrophe naturelle ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, au ministre de l'économie et au ministre du budget de constater qu'elle est en état de catastrophe naturelle pour des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation du sol de juillet à septembre 2003, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans le délai d'un mois après la notification de l'arrêt ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 2011 :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller;
- les conclusions de M. Gosselin, rapporteur public ;
Considérant que la COMMUNE DE BERGERAC fait appel du jugement du 17 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre les arrêtés interministériels des 25 août 2004, 11 janvier, 22 novembre et 20 décembre 2005, en ce qu'ils l'ont exclue de la liste des communes reconnues en état de catastrophe naturelle ;
Sur les conclusions dirigées contre les arrêtés des 25 août 2004, 11 janvier et 22 novembre 2005 :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) ; qu'aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances : (...) L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation. (...) ;
Considérant que si les dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances font obligation au ministre de déterminer les zones et les périodes où s'est située la catastrophe naturelle, le défaut de mention de l'une des communes ne fait pas naître de décision implicite et ne dessaisit pas l'autorité compétente, qui reste tenue de reconnaître ou non le classement de chaque commune en état de catastrophe naturelle ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un arrêté interministériel doit intervenir pour statuer expressément sur les demandes de toutes les communes ; que, dans ces conditions, la publication d'arrêtés comportant des listes de communes pour lesquelles est reconnu l'état de catastrophe naturelle ne constitue pas une décision implicite de rejet de la demande des communes qui n'y figurent pas et que l'expiration d'un certain délai à partir de la demande de la commune ne fait pas naître une décision implicite de rejet ; que, dès lors, les conclusions de la requête dirigées contre les arrêtés interministériels du 25 août 2004, du 11 janvier et du 22 novembre 2005, qui ont reconnu l'état de catastrophe naturelle pour des listes de communes, sont irrecevables en tant qu'elles sont dirigées contre un prétendu refus implicite de reconnaître l'état de catastrophe naturelle pour la COMMUNE DE BERGERAC ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 20 décembre 2005 :
Considérant que les arrêtés constatant l'état de catastrophe naturelle constituent des actes de nature réglementaire qui n'ont pas à être motivés en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ni à faire l'objet d'une procédure contradictoire préalable ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances n'impliquent pas nécessairement que les ministres compétents statuent par un seul et même arrêté sur l'ensemble des demandes dont ils ont été saisis au titre de l'intensité anormale d'un même agent naturel ; qu'il s'ensuit que la circonstance que l'arrêté du 20 décembre 2005 comporte seulement une liste de communes dont la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est rejetée est sans incidence sur la légalité de cet acte ;
Considérant que les règles de constitution, de validation et de transmission des dossiers de demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, posées par la circulaire du 19 mai 1988, n'interdisaient pas à l'administration de subordonner la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle au respect de conditions non prévues par ce texte, dès lors que le contenu des conditions imposées n'était pas contraire aux dispositions précitées de l'article L. 125-1 du code des assurances ; que, dès lors, le moyen tiré de l'illégalité des critères posés par l'administration au seul motif qu'ils n'étaient pas prévus par la circulaire du 19 mai 1998 ne peut être accueilli ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances n'impliquent pas nécessairement que les ministres compétents statuent par un seul et même arrêté sur l'ensemble des demandes dont ils ont été saisis au titre de l'intensité anormale d'un même agent naturel ; qu'il s'ensuit que la circonstance que l'arrêté du 20 décembre 2005 comporte seulement une liste de communes dont la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est rejetée est sans incidence sur la légalité de cet acte ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances, dans sa rédaction, applicable au présent litige, issue de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile : (....) Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. / L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation. L'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'Etat dans le département est supérieure à deux mois, l'arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile. (...) ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 125-1 du code des assurances que l'état de catastrophe naturelle n'est constaté par arrêté interministériel que dans le cas où les dommages qui résultent de cette catastrophe ont eu pour cause déterminante l'intensité anormale de l'agent naturel en cause ; qu'en se fondant sur les critères dits du réservoir hydrique et de l'occurrence statistique retenus par la commission interministérielle relative à l'indemnisation des victimes de catastrophe naturelle, et qui ont été établis en tenant compte des particularités présentées par la sécheresse intervenue au cours de l'été 2003 par rapport aux années précédentes ainsi que des précipitations et des phénomènes d'évaporation et d'évapotranspiration, et en définissant des seuils de sécheresse en deçà desquels une commune ne peut être regardée comme ayant connu une sécheresse d'une intensité anormale, l'administration n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant que les ministres n'ont pas ignoré la nature argileuse des sols de la commune mais ont estimé qu'une étude des sols plus approfondie n'était pas nécessaire dès lors que les critères des réserves et réservoirs hydriques et de l'occurrence statistique n'étaient pas, en l'espèce, remplis ; qu'en fondant leur appréciation de l'intensité de la sécheresse dans la COMMUNE DE BERGERAC sur l'étude de Météo France et sur les données météorologiques locales, notamment sur les moyennes des réserves et réservoirs hydriques au cours des dernières années, les ministres ont retenu des critères appropriés pour leur permettre de constater le caractère anormal de l'intensité du phénomène, sans qu'il ait été nécessaire d'ordonner des études géotechniques supplémentaires ; que la circonstance que les ministres concernés n'aient pas disposé des études réalisées en février 2006 et mai 2007 de la société Sol-Hydro-Environnement, portant notamment sur le phénomène du retrait-gonflement des sols argileux, phénomène déjà pris en compte par les pouvoirs publics, n'est pas de nature à démontrer que les critères appliqués par l'administration n'étaient pas appropriés pour apprécier l'intensité anormale du phénomène ; qu'il suit de là que la COMMUNE DE BERGERAC n'est pas fondée à soutenir que les autorités ministérielles auraient commis une erreur de droit dans l'application des dispositions précitées du code des assurances ;
Considérant, enfin, que l'administration a considéré que l'intensité anormale du phénomène n'était avérée que lorsque la moyenne de la réserve hydrique du troisième trimestre de l'année 2003 était inférieure à 21 % de la réserve hydrique normale ; que la station météorologique de Bergerac, à laquelle la COMMUNE DE BERGERAC a été rattachée, présentait une réserve hydrique de 28,21 % ; que la survenance le 7 septembre 2003 d'un orage localisé à Bergerac n'a pas été de nature à fausser les mesures météorologiques effectuées ou à en altérer l'interprétation ; que, dès lors, et alors même que le réservoir hydrique aurait été évalué à 0 pendant huit décades au cours de la période 1989-2003, la COMMUNE DE BERGERAC n'établit pas que les désordres constatés sur son territoire auraient eu pour origine, nonobstant leur importance, l'intensité anormale du phénomène climatique constitué par la sécheresse de l'été 2003 ; qu'ainsi, en estimant, au vu des chiffres établis pour la station de référence de Bergerac et en fonction des critères ci-dessus rappelés, que l'intensité anormale d'un agent naturel dans la survenance des mouvements de terrains différentiels n'était pas établie pour la COMMUNE DE BERGERAC, les ministres concernés n'ont pas commis une erreur d'appréciation des faits de l'espèce ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, la COMMUNE DE BERGERAC n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 17 décembre 2009, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés ministériels susvisés des 25 août 2004, 11 janvier, 22 novembre et 20 décembre 2005 ;
Sur les conclusions à fins d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fins d'annulation présentées par la commune appelante, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fins d'injonction doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la COMMUNE DE BERGERAC, une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE BERGERAC est rejetée.
''
''
''
''
2
No 10BX00529