Vu la requête, enregistrée le 7 août 2007, présentée pour Mme Edith A, demeurant au ..., par la SELARL Semiramoth-Visseron, société d'avocats ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0400002 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant ses demandes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 16 mai 2003 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement, ainsi que de la décision du 7 novembre 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confirmé la décision de l'inspecteur du travail ;
2°) d'annuler ces deux décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2011 :
- le rapport de M. de La Taille Lolainville, conseiller ;
- les observations de Me Bey, avocat de Mme A ;
- les conclusions de M. Katz, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donné à Me Bey, avocat de Mme A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 514-2 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées : L'exercice des fonctions de conseiller prud'homme et la participation aux activités mentionnées aux articles L. 514-1 et L. 514-3 ne sauraient être une cause de rupture par l'employeur du contrat de travail. / Le licenciement par l'employeur d'un salarié exerçant les fonctions de conseiller prud'homme ou ayant cessé ses fonctions depuis moins de six mois est soumis à la procédure prévue par l'article L. 412-18 du présent code (...) ; qu'aux termes de l'article L. 412-18 du même code, dans sa version applicable au litige : Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ou de l'autorité qui en tient lieu (...) ;
Considérant que par une lettre du 24 mars 2003, la directrice régionale pour le Sud-Ouest de la société Orpéa a informé Mme A, employée par cette société depuis le 1er février 2002 à Agen et par ailleurs conseiller prud'homme dans cette même ville, de ce que, en raison de sa responsabilité dans la détérioration du climat social de la maison de retraite Les Magnolias , dont elle avait la direction, la clause de mobilité prévue à son contrat de travail serait mise en oeuvre et que, par conséquent, elle devrait quitter ses fonctions pour prendre la direction d'une autre maison de retraite, située à Clamart dans les Hauts-de-Seine ; que devant le refus de l'intéressée et sur le fondement des dispositions précitées du code du travail, la société Orpéa a sollicité le 6 mai 2003 de l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder à son licenciement ; que cette autorisation lui a été accordée le 16 mai 2003, avant d'être confirmée par le ministre chargé du travail le 7 novembre suivant ; que Mme A relève appel du jugement du 19 juin 2007 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant que le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute ; que l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié le changement, doit, sauf à y renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement ; que dans ce cas, l'autorité administrative doit, après s'être assurée que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé, apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en oeuvre et de ses effets, tant au regard de la situation personnelle du salarié que des conditions d'exercice de son mandat ;
Considérant en premier lieu que les stipulations du contrat de travail conclu entre la société Orpéa et Mme A prévoyaient que pour des raisons touchant à l'organisation et au bon fonctionnement de l'entreprise, la société pourra être amenée à modifier le lieu de travail de Mme Moings-Vayssières qui pourra ainsi être mutée dans l'une quelconque des résidences du groupe Orpéa ; que ces stipulations prévoyaient également la possibilité d'un licenciement en cas de refus de l'intéressée ;
Considérant en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que dès les premiers temps de sa présence à la tête de la maison de retraite Les Magnolias en février 2002, Mme A s'est trouvée en conflit ouvert avec son adjointe, ces deux personnes manifestant publiquement leur animosité réciproque ; que loin de se résoudre, ce conflit au sein de l'équipe de direction s'est envenimé, les salariés et les résidents ou leur famille étant invités à prendre parti pour l'une ou pour l'autre et à dresser à cet effet attestations et doléances, tandis que Mme A prenait à témoin son supérieur hiérarchique, la directrice régionale pour le Sud-Ouest de la société Orpéa, en lui écrivant que son adjointe se révélait être une semeuse de troubles empreinte d'un mauvais esprit notoire [perturbant] l'ensemble de l'équipe ; qu'en février 2003, les intéressées ont même déposé plainte l'une contre l'autre au commissariat de police, Mme A pour harcèlement et fausses déclarations, son adjointe pour agression physique ; qu'il ressort également des pièces du dossier que les relations professionnelles de Mme A avec la directrice régionale se sont rapidement empreintes de défiance, Mme A reprochant à celle-ci dès août 2002 qu'entre elles tout [était] suspicion, mensonge, menaces ; que l'inspecteur du travail, dans un rapport établi à destination de son directeur régional, a fait état de ce que cette situation engendrait une grande tension au sein du personnel de la maison de retraite, les salariés se plaignant auprès de l'inspection du travail des pressions subies de la part des deux camps en présence ; qu'à l'issue d'une mission effectuée le 4 février 2003 dans la maison de retraite, à l'occasion de laquelle ont été relevées notamment l'absence, dans les faits, de toute direction cohérente et la multiplication des harcèlements, le contrôleur du travail chargé du dossier s'est estimé contraint de signaler au procureur de la République une situation qu'il jugeait dangereuse tant pour les salariés que pour les résidents ; que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société Orpéa, dans le compte-rendu de sa visite du 17 février 2003, a constaté lui aussi des ordres contradictoires et des salariés terrorisés ; qu'il a attribué à ce climat délétère le faible rendement économique de la maison de retraite, laquelle n'accueillait alors que vingt résidents pour quatre-vingt-cinq places ; que ces circonstances de fait corroborent en tout point le motif invoqué par la société Orpéa, dans sa lettre du 24 mars 2003, pour justifier la mutation imposée à Mme A et que celle-ci a refusée ; que notamment, par cette mutation, la société Orpéa n'a entendu sanctionner ni un hypothétique refus de l'intéressée d'intervenir dans un litige pendant devant le conseil des prud'hommes, ni le fait qu'elle ait surpris un rendez-vous galant de son adjointe dans les murs de la maison de retraite ;
Considérant en troisième lieu, que cette mutation, décidée en vertu de la clause de mobilité contenue à l'article 8 de son contrat de travail, aurait conduit Mme A à être affectée dans les fonctions de directrice - équivalentes à celles qu'elle avait précédemment occupées à Agen - d'une autre maison de retraite du groupe Orpéa située à Clamart dans les Hauts-de-Seine ; qu'il s'agissait par suite d'un simple changement dans ses conditions de travail ; qu'en le refusant, Mme A a commis une faute ;
Considérant enfin que Mme A fait valoir que la société Orpéa aurait pu l'affecter dans une maison de retraite plus proche d'Agen, où elle continuait d'exercer son mandat de conseiller prud'homme ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la détérioration des relations de Mme A avec la directrice régionale de la société Orpéa pour le Sud-Ouest rendait impossible son maintien en tant que directrice d'établissement dans cette région ; qu'il n'est ni démontré, ni même allégué, que les conditions matérielles de mise en oeuvre de cette mutation auraient été déloyales, ou que cette décision aurait eu pour objet de faire obstacle à l'exercice du mandat de conseiller prud'homal, alors que par ailleurs la société Orpéa s'était engagée à rembourser à l'intéressée les allers-retours à Agen rendus nécessaires par la poursuite de ce mandat ; que dans ces conditions, la faute commise par Mme A était d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du 16 mai et du 7 novembre 2003 par lesquelles l'inspecteur du travail et le ministre chargé du travail ont autorisé la société Orpéa à la licencier ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme A de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
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N° 11BX00742