Vu la requête enregistrée le 6 janvier 2011 au greffe de la cour, présentée pour M. Michel , administrateur légal sous contrôle judiciaire de M. Gilles B, par Me Chambolle ;
M. demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 0701706 du 9 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la régie personnalisée de l'opéra national de Bordeaux à lui verser la somme de 175 210 euros au titre de ses préjudices actuels ainsi qu'une somme mensuelle de 2 928 euros au titre de l'assistance par une tierce personne ;
2°) de condamner la régie personnalisée de l'opéra national de Bordeaux à lui verser la somme de 429 305,20 euros au titre de ses préjudices actuels ainsi qu'une somme mensuelle de 6 375 euros au titre de l'assistance par une tierce personne ;
3°) de condamner la régie personnalisée de l'opéra national de Bordeaux à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu l'ordonnance fixant en dernier lieu la clôture de l'instruction le 28 novembre 2011 à 12H00 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2012 :
- le rapport de M. Jean-Emmanuel Richard, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ;
- les observations de Me Deneaux substituant Me Chambolle, avocat de M. , de Me Lacaze avocat de la régie personnalisée de l'opéra national de Bordeaux et de la commune de Bordeaux et de Me Parreno, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde ;
Considérant que M. B, né le 17 janvier 1954, a été victime le 10 novembre 2003 d'une chute dans la fosse d'orchestre du grand théâtre ; que cet accident lui a causé un déficit fonctionnel temporaire total du 10 novembre 2003 au 1er février 2006 puis un déficit fonctionnel temporaire partiel de 80% du 1er février 2006 au 1er janvier 2007, date de consolidation, puis un déficit fonctionnel permanent au taux de 70% ; que, par jugement du 30 septembre 2008, le tribunal administratif de Bordeaux a déclaré la régie personnalisée de l'opéra national de Bordeaux responsable de l'accident pour défaut d'entretien de l'ouvrage public et a estimé que le manque de vigilance de M. B était de nature à exonérer la collectivité de sa responsabilité à concurrence de moitié ; que, par un second jugement après expertise du 9 novembre 2010, le tribunal administratif a condamné la régie personnalisée de l'opéra national de Bordeaux à verser à M. , administrateur légal sous contrôle judiciaire de M. B la somme de 175 210 euros au titre de ses préjudices actuels ainsi qu'une somme mensuelle de 2 928 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde la somme de 91 364,28 euros au titre de ses frais et débours actuels et de l'indemnité de gestion, ainsi qu'au titre des frais futurs une somme de 23 891,29 euros, si mieux n'aime la régie s'en libérer par le versement d'un capital de 273 770,29 euros ; que, M. , administrateur légal sous contrôle judiciaire de M. B demande en appel la réformation de ce jugement ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde fait appel incident de ce même jugement ;
Sur les conclusions tendant à la désignation d'un sapiteur en neurologie :
Considérant qu'il ressort de son rapport d'expertise que le docteur C a invité les personnes qui ont participé à sa réunion du 17 décembre 2008 à lui faire parvenir leurs dires avant le 31 décembre 2008, ce qu'à fait le conseil de l'administrateur légal sous contrôle judiciaire de M. B le 5 janvier 2009, en produisant notamment une attestation du docteur Edwige D spécialiste en neurologie en date du 24 décembre 2008 quant à l'incapacité totale de M. B à vivre seul, à organiser sa vie, à prendre une bonne décision en cas de danger, à communiquer de façon compréhensible avec l'environnement humain, et à la nécessité pour lui de bénéficier 24h/24 d'une présence humaine ; que le médecin conseil de la compagnie AXA assureur de la régie personnalisée de l'opéra national de Bordeaux, présent à l'expertise s'est abstenu de formaliser un dire à expert ; que si la régie sollicite la désignation d'un sapiteur neurologue aux côtés de l'expert, il résulte du rapport d'expertise déposé au greffe du tribunal administratif par ledit expert, particulièrement compétent, le 9 janvier 2009, qu'il n'a pas jugé utile de s'adjoindre les services d'un tel sapiteur dont la nécessité ne ressort pas des circonstances de l'espèce ; que les conclusions susmentionnées doivent dès lors être rejetées ;
Sur le préjudice indemnisable :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du III de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 applicable aux évènements ayant occasionné des dommages et n'ayant pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée et, par suite, à la présente affaire : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conservent contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. / Conformément à l'article 1152 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. / Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice (...) " ;
Considérant qu'en application de ces dispositions le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et de recours subrogatoires d'organismes de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
Considérant, en premier lieu, que la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde justifie avoir pris en charge des frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation, de transport et de rééducation, en relation avec l'accident du 10 novembre 2003 pour un montant de 180 818,56 euros ; que compte tenu du partage de responsabilité par moitié entre la victime et la régie, elle a droit, comme l'ont à bon droit apprécié les premiers juges, au remboursement par celle-ci de la somme de 90 409,28 euros ;
Considérant, en deuxième lieu, que la caisse a droit, comme l'ont à bon droit apprécié les premiers juges, au remboursement au fur et à mesure de leur engagement des frais futurs qui représentent une charge annuelle de 46 353,98 euros + 1 428,60 euros = 47 782,52 euros, à concurrence de la moitié soit 23 891,29 euros ; qu'à moins qu'elle ne préfère s'en libérer par le versement d'un capital représentatif (sur la base d'un prix de 11 459 euros pour un euro de rente), de 547 540,59 euros à diviser par deux soit 273 770,29 euros, la régie municipale de l'opéra national de Bordeaux devra procéder au remboursement de ces dépenses au fur et à mesure qu'elles seront exposées ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. B a subi des pertes de revenus au cours de ces périodes d'invalidité temporaire ; qu'au cours de la période du 13 novembre 2003 au 26 avril 2004 pendant laquelle il présentait un déficit fonctionnel temporaire total, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde lui a servi pendant 166 jours des indemnités journalières pour un montant total de 1 920,62 euros ; que celle-ci ne serait fondée à obtenir le remboursement de la moitié de cette somme soit 960,31 euros que dans la mesure où, par application de l'article L. 376-1 du code précité, M. B aurait été totalement désintéressé de ses prétentions du même chef ; qu'il ne ressort pas des pièces figurant au dossier, en l'absence notamment des déclarations de revenus de l'intéressé, que ses pertes de gains professionnels actuels aient été supérieurs au revenu mensuel moyen qu'il percevait soit 700 euros multipliés par les 37 mois et demi antérieurs à la consolidation ; que M. B ne saurait utilement se prévaloir de son embauche par la COMA, association de spectacles, qui ne présentait qu'un caractère ponctuel, pour la seule période du 24 juin 2003 au 6 novembre 2003, et n'assurait pas à l'intéressé un engagement pour l'ensemble des représentations prévues ; que la régie personnalisée de l'opéra national de Bordeaux n'établit pas que les revenus mensuels de l'intéressé n'auraient pas dépassé 260 euros par mois ; que, dans ces conditions, M. B est fondé, comme l'ont apprécié à bon droit les premiers juges, à obtenir à ce titre, par préférence à la caisse une somme de 13 125 euros représentant la moitié de ce produit ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. B du fait des séquelles de son accident ne pourra plus avoir aucune activité professionnelle ; que, même s'il a été reconnu travailleur handicapé le 16 juin 2004 et perçoit à ce titre une allocation adulte handicapé ainsi que la prestation de compensation du handicap, l'indemnisation de ce préjudice lui est due ; qu'il sera fait une juste appréciation de son préjudice professionnel incluant sa perte de chance d'obtenir des revenus plus importants en l'évaluant, compte tenu de revenus mensuels de 700 euros, et du montant de l'euro de rente à l'âge de 54 ans, date de la consolidation, à la somme de 143 170 euros (700 euros x 12 x 17,044) ; que M. B est en droit, comme l'ont apprécié à bon droit les premiers juges, d'obtenir le versement par la régie personnalisée de l'opéra de Bordeaux de la moitié de cette somme en réparation de ce préjudice soit 71 585 euros ;
Considérant, en cinquième lieu, que, compte tenu de la circonstance que M. B ne travaillait dans le milieu du spectacle que depuis deux ans lors de son accident, et compte tenu du caractère précaire et ponctuel du contrat le liant à l'association COMA, il y aura lieu d'indemniser le préjudice d'incidence professionnelle de M. B à hauteur de 20 000 euros ; qu'il y aura lieu, par suite, de réformer le jugement sur ce point ;
Considérant en sixième lieu qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. B qui a besoin d'une aide pour la marche présente une aphasie d'expression, d'élocution et de compréhension, et ne peut exécuter que des actions guidées, doit être assisté pour les actes de la vie quotidienne ; que son déficit fonctionnel permanent de 70 % nécessite l'aide d'une tierce personne 24h/24 pour une présence active la journée et passive la nuit ; qu'alors même que cette aide est actuellement fournie à M. B dans le cadre d'un logement collectif mis à sa disposition par une association des familles de traumatisés crâniens, l'indemnisation de ce préjudice est due en totalité à M. B, indépendamment des modalités de son hébergement ; que, dans ces conditions, M. B est fondé à demander l'allocation à ce titre d'une rente mensuelle d'un montant, après partage de responsabilité, de 4 975,50 euros calculé sur la base d'une assistance de 24 heures à un tarif horaire de 17 euros de jour et de 10 euros de nuit ; qu'il y aura lieu, par suite, de réformer le jugement sur ce point ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. B a subi, avant la date de consolidation de son état de santé, fixé au 2 janvier 2007, date de sortie du centre de rééducation de Cénac, une invalidité temporaire totale de 26 mois et demi et une invalidité temporaire partielle à 80 % de 11 mois ; que les premiers juges ont à bon droit évalué à 8 000 euros après partage de responsabilité les troubles temporaires ainsi subis par M. B dans ses conditions d'existence ;
Considérant, en second lieu, que les souffrances endurées par M. B sont évaluées à 6 sur une échelle de 1 à 7 ; qu'il demeure atteint d'un préjudice esthétique évalué à 3,5/7 en relation avec le maintien en fauteuil roulant et d'une invalidité permanente partielle de 70 % ; que son préjudice d'agrément au regard de sa perte d'autonomie est très important ; qu'en conséquence, les premiers juges ont à juste titre fixé à 85 000 euros après partage l'indemnité qui devra lui être allouée au titre de son préjudice esthétique, de ses souffrances ainsi que des troubles d'existence et du préjudice d'agrément incluant le préjudice sexuel et d'établissement qui résulte de son invalidité permanente partielle, et déduit de cette somme la provision de 2 500 euros allouée par le jugement du 30 septembre 2008, ramenant ainsi à 90 500 euros le montant des préjudices à caractère personnel demeurant à indemniser ;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde tendant au versement d'une indemnité de gestion :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident peut demander une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie dont le montant est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu par la caisse dans les limites d'un montant maximum fixé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ;
Considérant que par le jugement du tribunal administratif, confirmé sur ce point par le présent arrêt, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde obtient la condamnation de la régie municipale de l'opéra national de Bordeaux a lui verser la somme de 90 409,28 euros en remboursement de ses dépenses de santé et la somme de 23 891,29 euros au titre de ses frais annuels futurs ; que par suite elle a droit, comme l'ont apprécié les premiers juges, au montant maximum de l'indemnité forfaitaire de gestion prévu par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, fixé à 955 euros par l'arrêté interministériel du 11 décembre 2008 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu de fixer à 1 500 euros les frais irrépétibles qui devront être remboursés à M. par la régie personnalisée de l'opéra national de Bordeaux ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de même nature présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde ;
DECIDE
Article 1er : La régie personnalisée de l'opéra national de Bordeaux versera à M. ès qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire de M. Gilles B la somme de 195 210 euros au titre de ses préjudices actuels ainsi qu'une somme mensuelle de 4 975,50 euros au titre de l'assistance par une tierce personne.
Article 2 : Le jugement du 9 novembre 2010 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La régie personnalisée de l'opéra national de Bordeaux versera à M. ès qualité une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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No 11BX00040