Vu la requête enregistrée le 21 février 2012 présentée pour Mme Shella X, demeurant ... par Me Germany, avocat ;
Mme X demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1101035 du 11 janvier 2012 du président du tribunal administratif de Fort-de-France qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 septembre 2011 par lequel le préfet de la Martinique a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire national dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour provisoire ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2012 :
- le rapport de Mme Florence Demurger, premier conseiller,
- les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ;
Considérant que Mme X, de nationalité haïtienne, interjette appel de l'ordonnance par laquelle le président du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 23 septembre 2011, par lequel le préfet de la Martinique a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que, par un arrêté du 1er avril 2011, complété le 23 janvier 2012, le préfet de la Martinique a donné délégation de signature à M. Vacher, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer les " obligations de quitter le territoire français " ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de M. Vacher pour signer l'arrêté litigieux doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant que l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger (...) qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) " ;
Considérant que, si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice desdites compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'a pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, dès lors, si la reconnaissance d'un enfant par un ressortissant français est opposable aux tiers et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'elle n'a pas été annulée par le juge judiciaire, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi de façon certaine lors de l'examen d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-11 6°, que la reconnaissance d'un enfant est intervenue dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser à l'intéressé, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, le titre de séjour ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, de nationalité haïtienne, est entrée irrégulièrement en Martinique, le 4 octobre 2009 selon ses déclarations ; que sa demande tendant au bénéfice de la qualité de réfugiée a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 29 septembre 2010, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 25 novembre 2010 ; que, si son enfant Ducarmel Y X, né le 11 novembre 2010, a été reconnu le 8 juillet 2010 par M. Serge Y, ressortissant français, il ressort des déclarations faites par la requérante et M. Y devant un officier de police judiciaire que cette reconnaissance est intervenue dans le but exclusif que la requérante obtienne un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ; que le préfet a ainsi légalement pu estimer que Mme X ne pouvait obtenir un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X a conservé des attaches familiales dans son pays d'origine, où ses trois premiers enfants, nés en 1990, 1994 et 1995, résident avec leurs pères ; qu'elle ne démontre pas être dans l'impossibilité d'emmener avec elle son dernier enfant, âgé de dix mois à la date de l'arrêté litigieux et qui, eu égard à ce qui a été dit plus haut, ne peut être regardé comme de nationalité française ; que, par suite, l'arrêté contesté ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté litigieux, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme X ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
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N° 12BX00421