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29/11/2012 | FRANCE | N°12BX00785

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 29 novembre 2012, 12BX00785


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 mars 2012 par télécopie, régularisée le 10 avril 2012, présentée pour M. Mohammed X, élisant domicile chez Me Sadek, 2, cheminement Robert Cambert, N 620, à Toulouse (31100), par Me Sadek, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104001 du 28 février 2012 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 juin 2011 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a retiré son certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de

quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'ar...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 mars 2012 par télécopie, régularisée le 10 avril 2012, présentée pour M. Mohammed X, élisant domicile chez Me Sadek, 2, cheminement Robert Cambert, N 620, à Toulouse (31100), par Me Sadek, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104001 du 28 février 2012 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 juin 2011 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a retiré son certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui restituer son certificat de résidence algérien sous astreinte de 300 euros par jours de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes

administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2012 :

- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que M. X, de nationalité algérienne, entré en France le 5 juillet 2001 sous couvert d'un visa de court séjour, a bénéficié d'autorisations de séjour le temps de soins nécessaires à son état de santé ; qu'il a fait l'objet le 8 avril 2002 d'un arrêté portant refus de titre de séjour assorti d'une invitation à quitter le territoire français ; que le 19 juillet 2005 il a épousé une ressortissante de nationalité française ; qu'à ce titre il lui a été délivré un certificat de résidence valable un an du 21 juillet 2005 au 20 juillet 2006 puis un certificat de résidence valable dix ans du 24 juillet 2007 au 20 juillet 2017 ; que M. X relève appel du jugement n° 1104001 du 28 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 juin 2011 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a retiré le certificat de résidence qui lui avait été délivré, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

Sur la légalité externe de l'arrêté :

2. Considérant en premier lieu, que l'arrêté contesté a été signé le 20 juin 2011 par Mme Souliman, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Garonne ; que par un arrêté du 2 mai 2011, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme Souliman à l'effet de signer tous arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflit ; que dès lors, et comme le tribunal administratif l'a jugé, le moyen tiré de ce que la signataire de l'arrêté attaqué n'aurait pas bénéficié d'une délégation régulière et préalablement publiée doit être écarté comme manquant en fait ; que la circonstance que le préfet n'a pas produit la décision de délégation est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;

3. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que l'arrêté vise l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment les articles L. 511-1, I et L. 513-2, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur lesquels le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé pour prendre sa décision ; qu'il mentionne également différents éléments de la situation personnelle et familiale de M. X en relevant qu'il s'est vu remettre, lors du renouvellement de son certificat de résidence et dès lors que la communauté de vie avec son épouse était effective, un certificat valable dix ans du 24 juillet 2007 au 20 juillet 2017, que cependant il ressort des informations recueillies auprès des autorités algériennes qu'il est toujours marié à une ressortissante de nationalité algérienne qu'il a épousée en premières noces le 11 août 1988 tandis qu'il déclarait, lors de sa demande d'admission au séjour déposée le 21 juillet 2005 en tant que conjoint d'une ressortissante de nationalité française, être divorcé de sa première épouse depuis janvier 2002, que sa situation matrimoniale n'est pas conforme aux lois de la République française et à l'article 147 du code civil, que par conséquent il a agi de manière constitutive d'une fraude en déclarant à l'administration en juillet 2005 être divorcé de sa première épouse dans le seul but d'obtenir un certificat de résidence en qualité de conjoint d'un ressortissant français, et qu'il n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour dès lors qu'il possède de forts liens privés et familiaux dans son pays d'origine où résident ses cinq enfants et la mère de ceux-ci ; qu'ainsi cet arrêté, dont la motivation n'est pas stéréotypée, comporte les éléments de faits propres à la situation de M. X qui ont fondé l'appréciation portée par le préfet de la Haute-Garonne pour prendre sa décision ; que la circonstance qu'il ne mentionne pas que, comme M. X le soutient, il serait présent sur le territoire français depuis plus de dix ans n'est pas de nature à établir que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé en fait au regard des exigences des articles 1er et 3 précités de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'ainsi il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. X ; que, par suite, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur de droit à ce titre ;

Sur la légalité interne de l'arrêté :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 7bis a) de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2 ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux " ; qu'aux termes de l'article 7 bis du même accord: " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a, au b, au c, et au g, : / a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2, et au dernier alinéa de ce même article (...) ; " ;

5. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 147 du code civil : "On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier" ; que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable, dans les mêmes conditions, à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'autorité compétente, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; qu'ainsi l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire peut, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, ne pas tenir compte, dans l'exercice desdites compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ;

6. Considérant que, pour justifier le retrait du certificat de résidence valable dix ans, le préfet de la Haute-Garonne a fait valoir, dans l'arrêté attaqué, que M. X est toujours marié à une ressortissante de nationalité algérienne qu'il a épousée en premières noces le 11 août 1988 tandis qu'il déclarait, lors de sa demande d'admission au séjour déposée le 21 juillet 2005 en tant que conjoint d'une ressortissante de nationalité française, être divorcé depuis janvier 2002 ; qu'il ressort des pièces du dossier que, suite à la demande de vérification de la situation de M. X que le préfet lui avait adressée, le consulat général de France à Oran a envoyé aux services de la préfecture de la Haute-Garonne une copie, établie le 14 janvier 2010, de l'acte authentique de mariage célébré devant l'officier d'état civil algérien de la ville d'Es Sénia, entre M. X et une ressortissante de nationalité algérienne le 11 août 1988, ne portant aucune mention faisant état d'un divorce ; qu'il résulte de cet extrait du registre des actes de mariage de la ville d'Es Sénia que, contrairement à ce qu'avait soutenu M. X en première instance, le mariage célébré le 11 août 1988 présente un caractère civil et ne peut être regardé comme un mariage traditionnel ou religieux dénué de toute portée juridique en France ; que les copies d'acte de naissance produits par M. X à l'appui de sa demande de certificat de résidence ne font pas davantage état d'un divorce ; que ces éléments sont de nature à établir que le certificat de résidence délivré en qualité de conjoint d'une ressortissante française a été obtenu en 2005 par M. X à la suite de dissimulations et de manoeuvres frauduleuses ;

7. Considérant qu'il résulte du principe ci-dessus rappelé que le préfet pouvait à tout moment faire échec à cette fraude même en l'absence dans l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 de stipulations le prévoyant ; que le préfet de la Haute-Garonne a pu légalement retirer le certificat de résidence obtenu par fraude alors même qu'il avait été délivré plusieurs années auparavant ;

8. Considérant que, pour la première fois devant la cour, M. X, produit la traduction d'un jugement de divorce qui aurait été prononcé le 17 juillet 2001 entre lui et sa première épouse de nationalité algérienne ; que toutefois cette traduction n'est pas accompagnée du jugement original permettant d'apprécier l'exactitude des faits énoncés et mentionne qu'elle a été établie au vu d'une copie d'un jugement dont la signature et le cachet sont illisibles ; qu'un tel document dépourvu de toute valeur probante, produit pour la première fois en appel à la suite de déclarations divergentes de M. X quant à l'existence et à la date de son divorce, n'est pas de nature à contredire les éléments avancés par le préfet de la Haute-Garonne pour justifier sa décision ; que le fait qu'une procédure de divorce soit en cours entre M. X et sa seconde épouse de nationalité française, au demeurant à la suite d'une procédure en annulation du mariage engagée par celle-ci en 2009 et sur l'issue de laquelle le requérant n'apporte aucune précision, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;

9. Considérant que M. X, qui est entré en France le 5 juillet 2001, ne peut justifier d'une présence habituelle sur le territoire de plus de dix ans à la date d'intervention de l'arrêté du 20 juin 2011 ; que la circonstance qu'il s'est maintenu sur le sol français postérieurement à l'édiction de cet arrêté est sans influence sur sa légalité qui s'apprécie au vu de la situation de droit et de fait existant à la date où il a été pris ;

10. Considérant qu'au soutien des autres moyens tirés de ce qu'il n'aurait pas été informé de l'intention du préfet de la Haute-Garonne de procéder au retrait de son titre de séjour et invité à présenter ses observations sur les motifs d'une telle décision conformément à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, que les mesures prises à son encontre portent à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises et méconnaissent tant l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, et qu'il est en droit de bénéficier des garanties prévues par le 7° de cet article dès lors qu'il est handicapé, M. X ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas les réponses apportées par le tribunal administratif ; qu'il y a lieu de les écarter par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ; qu'en conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

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No 12BX00785


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX00785
Date de la décision : 29/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : SADEK

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-11-29;12bx00785 ?
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