Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 5 avril 2012, présentée pour Mme Bijou X épouse Y, demeurant ..., par la SCP Artur-Bonneau-Caliot, avocats ;
Mme Y demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102589 du 15 mars 2012 du tribunal administratif de Poitiers rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2011 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de statuer dans un délai d'un mois et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 48 heures, dans les deux cas, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2012 :
- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
1. Considérant que Mme X, de nationalité congolaise, a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 29 janvier 2009 ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 juin 2010, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 6 avril 2011 ; que le 15 janvier 2011, elle a épousé M. Y, de nationalité congolaise, qui avait obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire le 10 avril 2010 ; que par arrêté du 28 octobre 2011, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que Mme Y relève appel du jugement n° 1102589 du 15 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur le refus de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
3. Considérant que l'arrêté du 28 octobre 2011 vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment les articles L. 313-11 7°, L. 313-13 et L. 314-11, sur lesquels le préfet de la Vienne s'est fondé, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il mentionne également différents éléments de la situation personnelle et familiale de Mme Y en relevant qu'elle a sollicité son admission au séjour pour demander l'asile et n'a pas obtenu le statut de réfugié, qu'elle a présenté sa demande de titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant congolais bénéficiaire de la protection subsidiaire, que le refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dans la mesure où son père et son frère résident dans son pays d'origine, qu'elle ne remplit aucune des conditions prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour être admise au séjour en France, et ce à quelque titre que ce soit, et qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi l'arrêté comporte l'exposé des motifs de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le préfet de la Vienne pour rejeter la demande présentée par Mme Y ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle, particulièrement au regard des critères prévus par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et aurait pour ce motif entaché son arrêté d'une erreur de droit en ne recherchant pas si sa situation lui permettrait de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", seul fondement qu'elle avait invoqué dans sa demande ; que le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur de droit en examinant le droit au séjour de Mme Y au regard d'autres articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'elle ne les avait pas invoqués dans sa demande, avant de considérer qu'elle ne remplissait pas les conditions pour être admise au séjour en France à quelque titre que ce soit ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ; que, pour l'application des stipulations et des dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;
5. Considérant que, pour soutenir que le refus opposé par le préfet de la Vienne à sa demande de titre de séjour porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, Mme Y Afait valoir qu'elle est mariée et vit avec un compatriote bénéficiant de la protection subsidiaire en France, où elle est intégrée aussi bien socialement que professionnellement malgré sa situation précaire, et qu'elle n'a plus de liens familiaux avec son pays d'origine dès lors que sa mère et son père sont décédés et qu'elle n'a plus de nouvelles de son frère ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme YA, entrée en France à l'âge de trente-cinq ans, n'est pas dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses trois enfants mineurs ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du caractère récent de son entrée en France et de son mariage à la date de l'arrêté attaqué, le refus de séjour opposé à Mme Y ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait entaché son appréciation d'une erreur manifeste au regard des conséquences de cette décision sur la situation de Mme YA ;
6. Considérant qu'au soutien des autres moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté, de l'absence de consultation préalable de la commission du titre de séjour et de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme Y ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas les réponses apportées par le tribunal administratif ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges ;
Sur l'obligation de quitter le territoire :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les Etats membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les Etats membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours " ; que le 7) de l'article 3 de la même directive définit ce risque de fuite comme le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite ; qu'aux termes de l'article 8 de la même directive, intitulé éloignement : " 1. Les Etats membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. / 2. Si un Etat membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. / 3. Les Etats membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) " ; que l'article 12, paragraphe 1, de la même directive dispose que : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ; que les articles 7 et 12 de la directive, dont le délai de transposition imparti aux Etats membres expirait, en vertu du paragraphe 1 de son article 20, le 24 décembre 2010, énoncent des obligations en termes non équivoques, qui ne sont assorties d'aucune condition et ne sont subordonnées dans leur exécution ou dans leurs effets à aucun acte des institutions de l'Union européenne ou des Etats membres ; que toutefois les dispositions de cette directive ne font pas obstacle à ce qu'une obligation de quitter le territoire français soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dès lors que cette mesure est assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance (...) d'un titre de séjour à un étranger (...), pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) " ; qu'en application de ces dispositions, l'obligation de quitter le territoire français qui assortit un refus de titre de séjour constitue, avec ce refus, une décision unique de retour au sens de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 et n'a pas, par suite, à faire l'objet d'une motivation distincte de celle que comporte ce refus, à moins notamment qu'un délai de départ volontaire plus court que le délai de principe n'ait été accordé à l'étranger ;
9. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être exposé, l'arrêté du 28 octobre 2011 contient l'exposé des motifs de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le préfet de la Vienne pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme YX ; que par suite, celle-ci ne peut soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté méconnaîtrait les dispositions de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ; que, lui ayant accordé un délai de départ volontaire d'un mois, le préfet de la Vienne n'avait pas à motiver spécifiquement cet aspect de sa décision dès lors qu'aucun élément du dossier ne justifiait un allongement de ce délai ; que dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vienne aurait omis d'examiner la situation personnelle de Mme Y Xau regard des dispositions précitées ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
11. Considérant que Mme Y, dont la demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile, ne produit aucun document précis et probant de nature à établir la réalité des violences qu'elle aurait subies du fait de son engagement politique en République Démocratique du Congo et des risques auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Y n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ; qu'en conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme Y est rejetée.
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No 12BX00876