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19/02/2013 | FRANCE | N°11BX00292

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 19 février 2013, 11BX00292


Vu, enregistrée le 28 janvier 2011 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 2 février 2011, la requête présentée pour la communauté urbaine de Bordeaux, ayant son siège Esplanade Charles de Gaulle à Bordeaux (33076), par Me Seban ;

La communauté urbaine de Bordeaux demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0702538, 0702540, 0702716 et 0702717 du 23 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée sur les virements inte

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Vu, enregistrée le 28 janvier 2011 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 2 février 2011, la requête présentée pour la communauté urbaine de Bordeaux, ayant son siège Esplanade Charles de Gaulle à Bordeaux (33076), par Me Seban ;

La communauté urbaine de Bordeaux demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0702538, 0702540, 0702716 et 0702717 du 23 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée sur les virements internes de son budget principal aux budgets annexes de gestion des parcs de stationnement de l'agglomération et de la zone d'aménagement concerté du Haut-Madère auxquels elle a procédé en 2001, 2002 et 2003, à la restitution des proratas de taxe non déduite en 2003 dans le cadre de la gestion de la zone d'aménagement concerté du Tasta et en 2001, 2002 et 2003 pour les opérations de lotissement, d'autre part, à la condamnation de l'Etat au paiement des intérêts moratoires sur ces sommes et sur les montants ayant fait l'objet d'un dégrèvement, subsidiairement à l'allocation d'une indemnité portant intérêts au taux légal, correspondant à la taxe acquittée ;

2°) de lui accorder la restitution de ces taxes et de lui allouer les intérêts moratoires demandés, subsidiairement de condamner l'Etat à lui verser l'indemnité sollicitée avec intérêts capitalisés ;

3°) de condamner 1'Etat à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de la justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive CEE n° 77/388 du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur la valeur ajoutée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 octobre 2005 Commission c/ République française (C- 243/03) et Commission c/ Royaume d'Espagne (C- 204/03) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2013 :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que, pour conserver l'intégralité de ses droits à déduction de taxe sur la valeur ajoutée, la communauté urbaine de Bordeaux, qui gérait les parcs de stationnement de l'agglomération et avait réalisé l'opération d'aménagement de la zone d'aménagement concerté du Haut-Madère, a, en application de la doctrine administrative, soumis à la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005 les virements qui ont été opérés de son budget principal aux budgets annexes en vue d'équilibrer ces derniers ; que, par ailleurs, elle a, conformément aux dispositions de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, inclus au seul dénominateur du prorata de déduction prévu en matière de taxe sur la valeur ajoutée les virements internes opérés dans le cadre de la gestion de la zone d'aménagement concerté du Tasta et de la réalisation d'opérations de lotissement ; que, par une réclamation du 1er décembre 2006 et trois réclamations du 21 décembre 2006, se fondant sur l'illégalité de ladite doctrine, elle a sollicité la restitution de montants de taxe s'élevant à 1 073 975,88 euros pour l'année 2001, à 813 094,18 euros pour l'année 2002, à 764 611,57 euros pour l'année 2003, à 431 809,37 euros pour l'année 2004 et à 197 029,31 euros pour l'année 2005 ; que le directeur des services fiscaux a accordé, au titre des années 2004 et 2005, la restitution de 628 878,74 euros correspondant aux soldes débiteurs des déclarations mensuelles et a rejeté pour tardiveté le surplus de la réclamation, portant sur la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ; que la communauté urbaine de Bordeaux fait appel du jugement du 23 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à titre principal à la restitution des montants de 1 073 975,88 euros pour l'année 2001, 813 094,18 euros pour l'année 2002, 764 611,57 euros pour l'année 2003, et à l'allocation des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sur l'ensemble des sommes ayant fait l'objet des réclamations, et, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat, sur le terrain de la faute, à lui verser les sommes de 1 073 975,88 euros pour l'année 2001, 813 094,18 euros pour l'année 2002 et 764 611,57 pour l'année 2003 avec intérêts au taux légal capitalisés ;

Sur les conclusions tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée :

2. Considérant qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce, issue de l'article 28 de l'ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004 : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées (...) ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue " ; qu'en vertu du c) de l'article R. 196-1 du même livre, pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant la réalisation de l'événement qui motive la réclamation ;

3. Considérant que seules les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'en principe, tel n'est pas le cas d'arrêts de la Cour de justice concernant la législation d'un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révélerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français ;

4. Considérant que, par deux arrêts du 6 octobre 2005 Commission c/ République française et Commission c/ Royaume d'Espagne, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que des dérogations au droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée n'étaient permises que dans les cas expressément prévus par la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

5. Considérant que l'instruction 3 CA-94 du 8 septembre 1994 prévoyait l'application de la règle du prorata de déduction prévue à l'article 212, alors en vigueur, de l'annexe II au même code en vigueur jusqu'au 1er janvier 2008, non seulement aux redevables qui ne réalisaient pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction mais également aux redevables dont la totalité du chiffre d'affaires était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et qui, par ailleurs, percevaient des subventions placées hors du champ d'application de cette taxe ; que, selon cette doctrine, ces subventions devaient être incluses au dénominateur du prorata, ce qui limitait le droit de déduction de ces redevables ; que toutefois, il était admis que, s'agissant des virements financiers internes, il était possible, aux fins d'éviter la limitation des droits de déduction, d'opter pour l'assujettissement de ces virements à la taxe ;

6. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 1, que la communauté urbaine de Bordeaux a soumis à la taxe les virements financiers internes de son budget général aux budgets annexes des parcs de stationnement et à celui de la " ZAC du Haut-Madère ", usant ainsi de la faculté offerte par l'instruction 3 CA-94 ; qu'elle a, par ailleurs, inscrit les virements internes de son budget général aux budgets annexes " lotissements " et " ZAC du Tasta " au dénominateur du prorata de déduction conformément à l'article 212 de l'annexe II tel qu'interprété par la doctrine susmentionnée ; que cette doctrine constitue, au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, une règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition ; que les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 octobre 2005, condamnant, à titre général, tout mécanisme, direct ou indirect, de limitation des droits à déduction non prévus par la sixième directive, révèlent la non-conformité des dispositifs français litigieux de taxation volontaire et de déduction appliqués par la collectivité, à une règle de droit supérieure au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; qu'ils constituent donc un événement au sens du c de l'article R. 196-1 du même livre, qui autorisait la communauté urbaine de Bordeaux, en application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 190, à demander, comme elle l'a fait par ses réclamations présentées les 5 et 21 décembre 2006, la restitution des sommes indûment versées au Trésor en 2001, 2002 et 2003 ; que le ministre, qui ne saurait se prévaloir de sa propre doctrine, ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer le paragraphe 15 de l'instruction 3 A-7-06 du 16 juin 2006 prévoyant l'application des seules dispositions du b de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté comme irrecevable pour tardiveté, l'ensemble des conclusions à fin de restitution présentées par la communauté urbaine au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ; que, dès lors, le jugement doit, dans cette mesure, être annulé ;

7. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions à fin de restitution relatives à la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 présentées par la communauté urbaine de Bordeaux devant le tribunal administratif ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les virements que la communauté urbaine a opérés au cours de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 de son budget général aux budgets annexes des parcs de stationnement et de l'opération d'aménagement de la zone d'aménagement concerté du Haut-Madère n'avaient pas à être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, et que les virements du budget général aux budgets annexes " lotissements " et " ZAC du Tasta " n'avaient pas à figurer au dénominateur du prorata de déduction ; que, toutefois, la communauté urbaine n'a droit à restitution que dans la double limite des soldes nets de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a effectivement versés au Trésor public au cours de ladite période et des montants qu'elle a sollicités dans ses réclamations préalables ; que, dans ces conditions, et compte tenu des déclarations de taxe produites devant la cour le 10 décembre 2012, les restitutions auxquelles elle a droit s'élèvent, pour le budget de gestion des parcs de stationnement, à 1 038 348,72 euros au titre de l'année 2001 et à 59 447 euros au titre de l'année 2002 et, pour les autres activités en litige, à 35 627,16 euros au titre de l'année 2001, 49 851 euros au titre de l'année 2002 et 15 084 euros au titre de l'année 2003 ; que, s'agissant du surplus de la taxe ayant grevé les virements internes ou de la taxe insuffisamment déduite, il appartient à la communauté urbaine d'exercer ses droits à déduction, et, le cas échéant, de formuler, dans les conditions fixées par les articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts, une demande de remboursement de l'excédent de taxe déductible ;

Sur les conclusions tendant à l'allocation des intérêts moratoires :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : "(...) quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires (...) " ;

10. Considérant qu'en application des articles L. 208 et R. 208-1 du livre des procédures fiscales, les intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du même livre sont payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable ; qu'en l'absence de litige né et actuel avec le comptable chargé de la restitution des sommes dues en exécution du présent arrêt, les conclusions de la communauté urbaine de Bordeaux tendant à l'allocation des intérêts moratoires sur ces sommes ne peuvent être accueillies ;

11. Considérant que la communauté urbaine de Bordeaux s'est, en première instance, désistée de ses conclusions tendant à l'allocation des intérêts moratoires dont avait été assortie la restitution de la somme de 299 980 euros correspondant à la taxe indûment acquittée au titre de l'année 2004 sur les virements au budget annexe " parcs de stationnement " ; que, s'agissant des autres budgets annexes, par décision du 13 avril 2007, l'administration fiscale a validé des compléments de taxe déductible respectifs de 131 829 euros et de 197 029,31 euros au titre des années 2004 et 2005 ; que la requérante doit ainsi être regardée comme sollicitant l'allocation des intérêts afférents à ces montants ; que le surplus des sommes ayant fait l'objet des réclamations ne peut correspondre qu'à des compléments de taxe déductible ne pouvant, par eux-mêmes, donner lieu au paiement des intérêts moratoires ; que seul l'éventuel remboursement de crédit de taxe auquel aurait droit la communauté urbaine après avoir formulé une réclamation dans les formes prévues aux articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts serait susceptible de donner lieu au versement de tels intérêts ;

Sur les conclusions subsidiaires tendant à la condamnation de l'Etat pour faute :

12. Considérant que les conclusions tendant à l'obtention d'une indemnité d'un montant égal à la taxe sur la valeur ajoutée dont la communauté urbaine demandait la restitution, qui ont en réalité le même objet qu'une demande à fin de restitution de la taxe sur la valeur ajoutée payée, ne peuvent être présentées que dans les formes et les délais prévus par la loi fiscale ; qu'elles ne sont, par suite, pas recevables ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à la communauté urbaine de Bordeaux au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 novembre 2010 est annulé.

Article 2 : L'Etat restituera à la communauté urbaine de Bordeaux les sommes de 1 073 975,88 euros, 109 298 euros et 15 084 euros au titre respectivement des années 2001, 2002 et 2003.

Article 3 : L'Etat versera à la communauté urbaine de Bordeaux la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la communauté urbaine de Bordeaux est rejeté.

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