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26/07/2013 | FRANCE | N°12BX02686

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 26 juillet 2013, 12BX02686


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés respectivement le 16 octobre 2012 et le 20 novembre 2012, présentés pour Mme E...D..., demeurant..., par Me C...;

Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201360 du 20 septembre 2012 du président du tribunal administratif de Cayenne qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Guyane du 12 décembre 2011 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixation le pays de renvoi et prononçant une in

terdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;...

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés respectivement le 16 octobre 2012 et le 20 novembre 2012, présentés pour Mme E...D..., demeurant..., par Me C...;

Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201360 du 20 septembre 2012 du président du tribunal administratif de Cayenne qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Guyane du 12 décembre 2011 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixation le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2013 :

- le rapport de M. Bernard Chemin, président ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeD..., de nationalité haïtienne, est entrée irrégulièrement en France en 2001, selon ses dires, s'est mariée en 2002 avec un compatriote en situation irrégulière et a donné naissance à trois enfants en 2003, 2006 et 2010 ; que par un arrêté du 12 décembre 2011, le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ; que Mme D...fait appel de l'ordonnance du 20 septembre 2012 du président du tribunal administratif de Cayenne qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (....) " ; que l'article R. 421-1 du même code dispose : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " ; que selon l'article R. 421-5: " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ; qu'enfin, aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 pris pour l'application de la loi du 10 juillet relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, (...), l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : / a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; / b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. " ;

3. Considérant que l'aide juridictionnelle a été accordée à Mme D...par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de la Guyane du 25 mai 2012 ; qu'il résulte de la mention portée sur cette décision qu'un avocat a été désigné le 12 juin 2012 pour l'assister ; que, toutefois, cette décision a été notifiée postérieurement à l'intéressée par lettre simple envoyée le 13 juillet 2012, ainsi que l'indique la copie de l'enveloppe versée au dossier ; qu'il n'est pas établi que cette décision d'admission à l'aide juridictionnelle, qui a fait courir un nouveau délai de recours après sa notification, ait été notifiée à Mme D...plus de deux mois avant que celle-ci ne formule son recours enregistré le 19 septembre 2012 ; que le délai du recours contentieux n'étant dès lors pas expiré, c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Cayenne a rejeté la demande comme manifestement irrecevable ; que, par suite, cette ordonnance doit être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présenté par Mme D...devant le tribunal administratif de Cayenne ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

5. Considérant que par un arrêté n° 1555/SG/2D/3B du 20 septembre 2011, publié à la deuxième édition spéciale du mois de septembre 2011 du recueil des actes administratifs de la préfecture de la Guyane le 26 septembre 2011, M. A...B...a reçu délégation du préfet de la région Guyane pour signer tous arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Guyane, et relatifs au refus de séjour, à l'obligation de quitter le territoire français et aux reconduites à la frontière ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté manque en fait ;

6. Considérant que l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, notamment les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il précise les éléments relatifs à la situation personnelle de Mme D..., en particulier le fait qu'elle est entrée irrégulièrement en France et s'y est maintenue, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dans la mesure où son époux, ressortissant de même nationalité, est en situation irrégulière sur le territoire français, qu'elle est mère de trois enfants mineurs et que la cellule familiale a vocation à se reconstituer dans son pays d'origine, qu'elle ne peut prouver de lien stable en Guyane, et enfin qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que le préfet de la Guyane a ainsi suffisamment motivé, en droit et en fait, son arrêté ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

8. Considérant que Mme D...fait valoir que le centre de sa vie privée et familiale se situe en France où elle réside depuis 2001, où elle s'est mariée et a eu trois enfants nés en 2003, 2006 et 2010, que la famille de son mari séjourne régulièrement en Guyane et qu'elle est parfaitement insérée dans la société française ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante est entrée irrégulièrement et s'est maintenue sur le territoire français depuis 2001 sans jamais détenir de titre de séjour ; qu'elle ne produit aucune justification quant à sa situation sociale et la scolarité de ses enfants ; qu'elle ne saurait dès lors sérieusement soutenir qu'elle justifie d'une insertion parfaite dans la société française ; qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans en Haïti où elle n'établit pas qu'elle n'aurait plus d'attaches familiales ; que son mari, ressortissant de la même nationalité qu'elle, est également en situation irrégulière ; que si elle soutient que sa belle-famille réside en Guyane, elle n'apporte aucune justification à l'appui de cette allégation ; que, dès lors, rien ne s'oppose à la poursuite de sa vie privée et familiale avec son conjoint et ses trois enfants dans le pays dont ils sont originaires ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

9. Considérant que Mme D...ne saurait utilement invoquer les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'appui de sa contestation des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français, qui sont distinctes de la décision fixant le pays de renvoi ; qu'elle n'apporte au demeurant aucun élément de nature à établir la réalité des risques qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Guyane du 12 décembre 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme D..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Guyane de réexaminer sa demande ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la requérante demande le versement à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : L'ordonnance n° 1201360 du président du tribunal administratif de Cayenne du 20 septembre 2012 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Cayenne et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

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No 12BX02686


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX02686
Date de la décision : 26/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Bernard CHEMIN
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SEMONIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-07-26;12bx02686 ?
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