Vu la requête enregistrée le 27 décembre 2011, présentée, par Me Chambolle, pour le syndicat des copropriétaires du 8 rue de la Vieille Tour à Bordeaux, ayant son siège 5 cours de la Marne à Bordeaux (33000), M. H...F..., demeurant..., Mme E...demeurant..., Mme C...D..., demeurant..., Mme I...D..., demeurant..., M. G...D..., demeurant..., M. A...B..., demeurant ... et la SCI Léni ayant son siège 36 cours du chapeau rouge à Bordeaux (33000) ;
Les requérants demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 0202037, 0202103 du 2 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation solidaire de la commune de Bordeaux, de la communauté urbaine de Bordeaux et de la société Lyonnaise des eaux à réparer les conséquences dommageables des désordres affectant les immeubles situés 6 et 8 rue de la Vieille Tour à Bordeaux ;
2°) d'ordonner une nouvelle expertise ;
3°) subsidiairement, de condamner solidairement la commune de Bordeaux et la communauté urbaine de Bordeaux, sur le terrain des dommages de travaux publics, à défaut, de condamner la commune de Bordeaux, sur le terrain de la faute, à verser au syndicat des copropriétaires une indemnité de 137 554,55 euros ainsi qu'une indemnité fixée provisoirement à 50 000 euros, à M. F...une indemnité de 157 903 euros, à Mme E...une indemnité de 151 222 euros, aux consorts D...une indemnité de 331 492,92 euros, à M. B...une indemnité de 121 959,21 euros et à la SCI I. Léni une indemnité de 182 938,82 euros ;
4°) de mettre à la charge des défendeurs, d'une part, les frais de l'expertise ordonnée le 3 juin 2004, d'autre part, la somme de 10 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2013 :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
- les observations de Me Chambolle, avocat des requérants, de Me Czamanski, avocat de la commune de Bordeaux et de Me Lacaze, avocat de la communauté urbaine de Bordeaux ;
1. Considérant qu'à la fin de l'année 1995, l'immeuble situé 8 rue de la Vieille Tour à Bordeaux a présenté des fissures et des signes d'affaissement et de basculement vers l'avant ; qu'il a fait l'objet, les 10 octobre 1997, 19 août et 1er décembre 1999 d'arrêtés municipaux de péril imminent prescrivant l'exécution de travaux d'étaiement, lesquels ont été exécutés d'office aux frais des propriétaires en décembre 1999 ; que, par une ordonnance du 24 novembre 1998, le président du tribunal administratif de Bordeaux a ordonné une expertise, dont le rapport a été déposé en mars 2001, à l'effet de déterminer les causes des désordres ; que, par un jugement avant-dire droit du 3 juin 2004, le tribunal a relevé que ces désordres provenaient du tassement du terrain d'assise, qui avait pu être aggravé par une humidité excessive, et a décidé, compte tenu des incertitudes subsistant sur les origines des désordres, pouvant être levées par des sondages en sous-sols, de procéder à un complément d'expertise, lequel a été déclaré commun à la société Lyonnaise des eaux par une ordonnance du 22 mars 2005 ; que le nouvel expert désigné par une ordonnance du 10 juin 2008 a remis son rapport en mars 2011 ; que le syndicat des copropriétaires du 8 rue de la Vieille Tour à Bordeaux, M.F..., MmeE..., M. B...et la SCI Léni, copropriétaires et les consorts D...nu-propriétaires ou usufruitiers, font appel du jugement du 2 novembre 2011 par lequel le tribunal a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation conjointe de la commune de Bordeaux, de la communauté urbaine de Bordeaux et de la société Lyonnaise des eaux à réparer les conséquences dommageables de ces désordres et demandent à la cour, à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise, subsidiairement, de condamner solidairement la ville de Bordeaux et la communauté urbaine de Bordeaux, sur le terrain des dommages de travaux publics, à défaut, la ville de Bordeaux, sur le terrain de la faute, à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit ordonné un complément d'expertise :
2. Considérant que les requérants n'ont apporté devant le tribunal aucun élément de nature à remettre en cause les constatations de l'expert commis le 3 juin 2004 ; que la cour dispose, au regard de l'ensemble des données recueillies par l'instruction, d'éléments suffisants pour statuer sur les demandes ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise ;
Sur la responsabilité :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'immeuble en cause, édifié au dix-huitième siècle sur l'emprise des fossés des remparts de la ville gallo-romaine, repose sur des fondations superficielles, à 0,34 mètre au-dessous du dallage de la cave, constituées de pierres sèches et de moellons calcaires et assises sur des remblais instables pouvant atteindre une profondeur de sept mètres, composés de plusieurs couches de matériaux hétérogènes et, notamment de matières organiques putrescibles ; que, compte tenu de l'absence de chaînage stabilisant de cette construction par appareillage simple de pierres, la tenue latérale de l'immeuble dépend uniquement de son appui sur les constructions mitoyennes ; que, dans ce contexte de résistance mécanique insuffisante des sols, la moindre rupture de l'équilibre précaire de la construction est susceptible d'affecter progressivement, par un effet " dominos ", l'ensemble des éléments de structure ; que plusieurs immeubles présentant en façade des modifications caractérisant l'existence de mouvements ondulants des sols d'assise ont d'ailleurs été répertoriés dans le même secteur ; qu'ainsi que l'a relevé l'expertise complémentaire, les importantes modifications structurelles successivement apportées à l'immeuble, c'est-à-dire l'ajout d'un étage, puis d'un attique et, en 1978 et 1979, l'élargissement de deux ouvertures en façade et la dépose des cloisons des deuxième et quatrième étages suffisent à expliquer la modification des tensions sur la structure de l'immeuble ; qu'au surplus, il est constant qu'une des pannes faîtières était gravement endommagée, ce qui a pu entraîner une flexion des éléments de la charpente ; que si le sondage effectué en mars 2010 a mis en évidence une baisse de pression sur le réseau d'alimentation en eau pouvant révéler un défaut d'étanchéité de l'ouvrage, et à supposer même, ce qui ne résulte pas de l'instruction, que ce défaut ait pu exister lorsque les désordres se sont manifestés en 1996, les fuites n'ont pu aggraver l'instabilité du sous-sol dans une mesure suffisante pour engager la responsabilité des collectivités ; qu'en effet, d'une part, le taux maximum de 25 % d'humidité relevé par sondage ne permet pas de conclure à une saturation en eau du sous-sol, ce qui est corroboré par le taux non excessif d'humidité relevé dans la cave, d'autre part, les désordres, dont l'importance décroît à partir du dernier étage, révèlent, non un affaissement vertical de la construction dû au creusement du sol d'assise par l'action de l'humidité, mais un mouvement de basculement par dévers autour de la base de la façade ; qu'enfin, le sondage susmentionné n'a permis de déceler aucun défaut majeur du réseau d'évacuation des eaux usées ; que ni le premier rapport d'expertise établi en 2001, qui se bornait à émettre de simples hypothèses nécessitant le recours à un complément d'expertise, ni les rapports de l'Apave établis les 30 mai 2011 et 30 juillet 2012, ni la circonstance que l'existence de nombreux réseaux souterrains aurait limité les investigations du sapiteur à un unique sondage au point culminant de la ruelle ne permettent de mettre en cause ces appréciations ; que, par suite, à défaut d'établir l'existence d'un lien de causalité direct et déterminant entre la présence ou le fonctionnement d'un ouvrage public et les désordres affectant l'immeuble, les requérants ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité solidaire de la commune de Bordeaux, de la communauté urbaine de Bordeaux et de la société Lyonnaise des eaux ;
4. Considérant que si les requérants soutiennent qu'au cours des travaux d'étaiement exécutés d'office en application des arrêtés de péril imminent, les services techniques de la commune de Bordeaux, qui disposaient pourtant du plan d'implantation des sondages, ont fait poser des pieux d'étaiement sans consulter l'expert, qui n'aurait pu, de ce fait, se livrer aux investigations nécessitées par sa mission, les désordres affectant l'immeuble ne sont pas la conséquence directe et immédiate de ces agissements ; que si les requérants ont entendu rechercher la condamnation de la commune de Bordeaux à réparer la perte de chance de déceler la véritable origine des désordres, il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'ils ne sauraient se prévaloir d'aucun préjudice de ce chef ; qu'en tout état de cause, ce préjudice serait entièrement imputable à l'inaction des propriétaires, qui n'ont pas engagé les travaux prescrits dans le délai imparti par les arrêtés susmentionnés ; que, par suite, la ville de Bordeaux n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat des copropriétaires du 8 rue de la Vieille Tour à Bordeaux, M.F..., MmeE..., les consortsD..., M. B...et la SCI Léni ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande ;
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens :
6. Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte application des dispositions de l'article R.761-1 du code de justice administrative, en mettant à la charge des requérants les frais de l'expertise ordonnée le 3 juin 2004, liquidés et taxés à la somme de 10 368,84 euros TTC ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bordeaux et de la communauté urbaine de Bordeaux, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la ville de Bordeaux et la communauté urbaine de Bordeaux ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du Syndicat des copropriétaires du 8 rue de la Vieille Tour à Bordeaux, de M.F..., de MmeE..., des consortsD..., de M. B...et de la SCI Léni est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Bordeaux et de la communauté urbaine de Bordeaux présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N°11BX03409 - 2 -