Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2012, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie des Iles de la Guadeloupe venant aux droits de la chambre de commerce et d'industrie de Pointe-à-Pitre, dont le siège est rue Félix Eboué BP 64 à Pointe-à-Pitre Cedex (97152), par Me Lasserre, avocat ;
La chambre de commerce et d'industrie des Iles de la Guadeloupe demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100920 du 20 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a procédé à la liquidation de l'astreinte qu'il avait prononcée à l'encontre de la chambre de commerce et d'industrie de Pointe-à-Pitre par son jugement du 21 octobre 2010, en condamnant la chambre de commerce et d'industrie des Iles de la Guadeloupe à verser la somme de 93 750 euros à la société Colas et la même somme au budget de l'Etat ;
2°) à titre principal de rejeter la demande de la société Colas Guadeloupe ;
3°) à titre subsidiaire de supprimer ou de modérer l'astreinte qui sera mise à sa charge ;
4°) de mettre à la charge de la société Colas Guadeloupe une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2014 :
- le rapport de M. Olivier Gosselin, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
- et les observations de Me Krebs, avocat de chambre de commerce et d'industrie des Iles de la Guadeloupe et celles de Me Janvier, avocat de la société Sogetra ;
1. Considérant que, par jugement du 21 octobre 2010, le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé la décision rejetant l'offre faite par la société Colas Guadeloupe pour le marché de renforcement des bretelles Echo et Delta des pistes de l'aéroport du Raizet et les décisions de la présidente de la chambre de commerce et d'industrie de Pointe-à-Pitre, devenue Chambre de commerce et d'industrie des Iles de la Guadeloupe, d'attribuer ce marché à la société SGEC et de signer avec elle ; que ce jugement a estimé qu'au regard de la gravité des vices relevés dans la procédure de passation du contrat, la nullité de celui-ci impliquait, nonobstant la circonstance que le marché avait été entièrement exécuté en 2007, l'injonction de justifier que la compagnie consulaire avait " obtenu de la société SGEC la résolution amiable du marché litigieux " sous astreinte de 300 euros par jour de retard ; que la cour de céans a rejeté le 8 décembre 2011 l'appel de la chambre de commerce et d'industrie et que le Conseil d'Etat n'a pas admis le pourvoi qu'elle a formé contre cet arrêt, par une décision du 18 décembre 2012 ; qu'à la demande de la société Colas Guadeloupe, le tribunal administratif de Basse-Terre a procédé, par le jugement attaqué n° 1100920 du 20 septembre 2012, à la liquidation de l'astreinte qu'il avait prononcée et condamné la chambre de commerce et d'industrie des Iles de la Guadeloupe à verser la somme de 93 750 euros à la société Sogetra venant aux droits de la société Colas Guadeloupe et la somme de 93 750 euros au budget de l'Etat ; que la chambre de commerce et d'industrie des Iles de la Guadeloupe relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-7 du même code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. " ;
3. Considérant en premier lieu, que si la chambre de commerce et d'industrie des Iles de la Guadeloupe soutient que le tribunal administratif de Basse-Terre n'avait pas compétence pour procéder à la liquidation de l'astreinte, il résulte des dispositions précitées que le tribunal administratif qui, par le même jugement, a fait droit aux conclusions d'excès de pouvoir dont il était saisi et a enjoint à la chambre de commerce et d'industrie de prendre sous peine d'astreinte les mesures qu'impliquait nécessairement ce jugement était, dès lors, compétent pour statuer sur les conclusions tendant à ce que cette astreinte soit liquidée, alors même que son jugement avait été, comme en l'espèce, frappé d'appel ; qu'en l'absence dans le dispositif de l'arrêt de la cour du 8 décembre 2011 d'une réformation de l'injonction, la chambre de commerce et d'industrie n'est pas fondée à soutenir que la compétence pour liquider l'astreinte relevait de la cour administrative d'appel ;
4. Considérant en second lieu, que si la chambre de commerce et d'industrie reproche au tribunal d'avoir insuffisamment motivé sa décision en se bornant à constater qu'il y avait lieu de liquider l'astreinte au taux qu'il avait fixé, il ressort du dossier de première instance que le tribunal n'était saisi d'aucune argumentation tendant à modérer le taux de l'astreinte ; que par suite le jugement attaqué n'est pas davantage entaché d'irrégularité sur ce point ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'exécution du jugement du 21 octobre 2010 :
5. Considérant en premier lieu, que la compagnie consulaire soutient avoir exécuté le jugement, dès lors qu'elle avait demandé à la société SGEC la résolution amiable du marché litigieux par courrier du 17 décembre 2010, dans le délai de deux mois qui lui avait été imparti ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit, l'article 2 du jugement enjoignait à la chambre de commerce et d'industrie de justifier dans les deux mois de sa notification " qu'elle a obtenu de la société SGEC la résolution amiable du marché litigieux " ; que cette injonction devait être interprétée à la lecture des motifs du jugement, qui relevaient " qu'il appartiendra à la CCI de rechercher prioritairement une résolution amiable et de ne saisir le juge du contrat qu'au cas d'échec de cette solution " ; que c'est bien ainsi que l'a compris la chambre de commerce et d'industrie, qui indiquait dans la lettre précitée à son cocontractant qu'à défaut d'accord pour une transaction sur une résolution amiable du contrat, elle saisirait le juge du contrat afin d'obtenir une résolution judiciaire du marché public en cause ; qu'il est constant qu'elle s'en est néanmoins abstenue, et a attendu qu'il soit statué sur son appel dirigé contre le jugement du 21 octobre 2010, assorti d'une demande de sursis à exécution du jugement, puis sur son pourvoi contre l'arrêt du 8 décembre 2011 confirmant ledit jugement ;
6. Considérant que si la chambre de commerce et d'industrie des Iles de la Guadeloupe fait valoir devant la cour qu'elle s'est finalement conformée à l'injonction, il ressort de sa demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Basse-Terre le 18 décembre 2012, soit plus de deux ans au-delà du délai qui lui était imparti, qu'elle s'est bornée à solliciter du tribunal qu'il se prononce sur " la poursuite de l'exécution du contrat ou sa résiliation pour l'avenir " ; que ces conclusions ne répondent en rien, alors qu'au demeurant de telles dispositions sont sans objet s'agissant d'un contrat entièrement exécuté, à l'injonction prononcée à son encontre ; que dans ces conditions, à la date du présent arrêt, la chambre de commerce et d'industrie n'a toujours pas pris toutes les mesures propres à assurer l'exécution complète du jugement du 21 octobre 2010 ;
En ce qui concerne le point de départ de la période de liquidation de l'astreinte :
7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, le dispositif de l'arrêt de la cour du 8 décembre 2011 ne comporte pas de modification de l'astreinte prononcée par le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre ; que la circonstance que la réserve indiquée dans ses motifs n'ait pas entendu faire obstacle à la conclusion d'un accord de transaction entre la chambre de commerce et d'industrie et la SGEC pour tirer les conséquences de la nécessaire résolution, amiable ou judiciaire, du contrat est sans incidence sur le point de départ de la période de liquidation, qui doit être fixé à l'expiration du délai de deux mois accordé par le tribunal ;
En ce qui concerne la modération du taux de l'astreinte :
8. Considérant que la chambre de commerce et d'industrie des Iles de la Guadeloupe soutient que le premier juge a méconnu ses pouvoirs en s'estimant lié par le jugement d'annulation des décisions d'attribution et de signature du marché et en renonçant à son pouvoir de modérer le taux de l'astreinte ; que si la chambre de commerce n'avait pas demandé au premier juge, qui n'était pas tenu de le faire d'office, de modérer ou de supprimer l'astreinte, et n'avait invoqué aucune circonstance de nature à justifier une appréciation bienveillante de son comportement, elle souligne devant la cour que le montant élevé de la liquidation grève lourdement son budget et que la procédure d'exécution du jugement ne saurait suppléer une action en indemnité de l'entreprise Colas ; que, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu de l'ensemble des intérêts en présence, il y a lieu de ramener le taux de l'astreinte provisoire de 300 à 50 euros par jour et de fixer par conséquent la liquidation provisoire de l'astreinte pour la période du 5 janvier 2011 au 20 septembre 2012 à la somme de 31 250 euros ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'affecter les 9/10èmes du montant de l'astreinte à l'Etat ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la chambre de commerce et d'industrie des Iles de la Guadeloupe est seulement fondée à demander dans cette mesure la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Basse-Terre ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La chambre de commerce et d'industrie des Iles de la Guadeloupe versera à la société Sogetra une somme de 3 125 euros et à l'Etat une somme de 28 125 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre pour la période du 5 janvier 2011 au 20 septembre 2012.
Article 2 : Le jugement n° 1100920 du tribunal administratif de Basse-Terre du 6 septembre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N°12BX02863