Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2012, présentée pour la société Institut Hélio-Marin, représentée par son mandataire-liquidateur, ayant son siège 526 avenue Louis Herbeaux à Dunkerque (59240), par MeA... ;
La société Institut Hélio-Marin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1000443 et 1000444 du 15 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2004 et des rappels de taxe à la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2004 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2014 :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
- les observations de Me Crestia, avocat de la société Institut Hélio-Marin ;
1. Considérant que, par un bail commercial conclu pour neuf ans à compter du 7 août 1997, prévoyant le retour au bailleur en fin de bail et sans indemnité des aménagements réalisés par le preneur, la société Institut Hélio-Marin a donné en location un local à la société Le Bistrot du Rond Point, qui exerçait à Pessac une activité hôtelière et de restauration ; que l'administration fiscale a estimé que l'avantage correspondant aux travaux réalisés par le locataire constituait pour la société Institut Hélio-Marin un profit imposable à l'impôt sur les sociétés et un complément de loyer soumis à la taxe à la valeur ajoutée au titre de l'année 2004, au cours de laquelle le locataire et le bailleur ont conclu un nouveau bail ; que la société Institut Hélio-Marin, représentée par son mandataire-liquidateur, fait appel du jugement du 15 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2004 et des rappels de taxe à la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2004 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que si la société requérante soutient que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le caractère erroné des dates mentionnées par l'avis de mise en recouvrement du 7 août 2008, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués, a répondu au moyen tiré de l'irrégularité de cet acte ;
3. Considérant, toutefois, qu'à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, la société requérante avait entendu se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe n° 8 de la documentation administrative de base référencée 3D 1232 à jour au 2 novembre 1996 ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ; que ce jugement doit, par suite, être annulé en tant qu'il statue sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Institut Hélio-Marin pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2004 ;
4. Considérant qu'il y a lieu de statuer par voie d'évocation sur les conclusions de la requête relatives à la taxe sur la valeur ajoutée et par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions relatives à l'impôt sur les sociétés ;
Sur l'impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne la régularité de l'avis de mise en recouvrement :
5. Considérant qu'en vertu de l'article L.256 du livre des procédures fiscales, un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature ; qu'aux termes de l'article R. 256-I du même livre dans sa rédaction alors applicable : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 (...) et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. " ;
6. Considérant qu'il ressort de l'examen de l'avis de mise en recouvrement émis le 7 août 2008 pour avoir paiement des impositions contestées qu'il contenait l'indication de la nature des imposition, des bases et des taux d'imposition, du montant des droits et pénalités assignés, y compris les intérêts de retard ; que, pour les éléments détaillés de liquidation, il se référait notamment aux propositions de rectification et aux réponses aux observations du contribuable adressées antérieurement ; que les erreurs matérielles concernant les dates de ces actes sont sans incidence sur la régularité de cet avis ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
7. Considérant qu'en vertu du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice ; que, pour l'application de cette règle dans le cas d'un immeuble appartenant à une société, que celle-ci a donné à bail et qui a fait l'objet, en cours de bail, d'améliorations réalisées par le preneur aux frais de ce dernier, l'augmentation de valeur de l'immeuble imputable à ces améliorations accroît à due concurrence la valeur d'actif de cette immobilisation et doit être réputée acquise à la date à laquelle la société a recouvré la disposition de son immeuble ; que cette augmentation de valeur constitue, par suite, un bénéfice de l'exercice en cours à cette dernière date ;
8. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la conclusion, le 7 octobre 2004, d'un nouveau bail annulant et remplaçant le bail conclu pour la période du 7 août 1997 au 6 août 2006, puisse être analysé, non comme un bail distinct, mais comme une prorogation ou une reconduction du bail conclu en 1997 ; qu'au demeurant, il est constant que la société Bistrot du Rond Point a inscrit au titre de l'exercice clos en 2004 en moins-value d'actif la valeur comptable résiduelle, d'un montant de 459 572 euros, des travaux litigieux ; que dans ces conditions, les stipulations du bail conclu en 1997, prévoyant le retour au bailleur en fin de bail et sans indemnité des aménagements réalisés par le preneur, doivent être regardées comme ayant produit leurs effets à la date du 7 octobre 2004, à laquelle a pris fin le bail initial ; que c'est donc à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la valeur de l'avantage consenti à la société Institut Hélio-Marin constituait pour elle un profit imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2004 ;
9. Considérant que l'administration a évalué le montant de l'avantage consenti à la société Institut Hélio-Marin à la valeur nette comptable des immobilisations sorties en 2004 de l'actif du preneur ; que l'état de sortie détaillé sur lequel s'appuie cette valeur n'est pas sérieusement contesté par la société requérante ; que l'administration démontre ainsi suffisamment l'exactitude de la base d'imposition retenue ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Institut Hélio-Marin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2004 ;
Sur la taxe sur la valeur ajoutée :
11. Considérant qu'en vertu de l'article 266 du code général des impôts, la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée pour les prestations de services, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers ; que lorsqu'un contrat de bail prévoit, en faveur du bailleur, la remise gratuite en fin de bail des aménagements ou constructions réalisés par le preneur, la valeur de cet avantage constitue, pour le bailleur, un complément de loyer ;
12. Considérant, toutefois, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration",
13. Considérant que la société Institut Hélio-Marin invoque le bénéfice de la doctrine exprimée dans la documentation administrative de base référencée 3D 1232 mise à jour le 2 novembre 1996 selon laquelle : " dans l'hypothèse où le bailleur est soumis au paiement de la TVA sur les loyers (à titre obligatoire ou par option), et dès lors que le preneur supporte directement et définitivement la charge financière des travaux de grosses réparations et d'améliorations concernés, il est admis que le bailleur ne comprenne pas dans ses bases d'imposition le coût des travaux, bien qu'ils lui incombent normalement et bien que, de ce fait, le coût pris en charge par le preneur s'analyse en un complément de loyer. " ; qu'il est constant qu'en l'espèce, la société Le Bistrot du Rond Point a supporté directement et définitivement le coût des travaux litigieux ; que la société Institut Hélio-Marin entre donc dans les prévisions de la doctrine précitée, qui constitue une interprétation formelle de la loi fiscale opposable à l'administration ; qu'il suit de là et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués, qu'elle est fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2004 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à la société Institut Hélio-Marin au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 15 mars 2012 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il statue sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée assignés à la société Institut Hélio-Marin pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2004.
Article 2 : La société Institut Hélio-Marin est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2004.
Article 3 : l'Etat versera la somme de 1 000 euros à la société Institut Hélio-Marin au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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No 12BX01258