Vu la requête enregistrée le 8 janvier 2013, présentée pour M. A...D..., demeurant..., par Me C...;
M. D...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0904350 du 7 novembre 2012 du tribunal administratif de Bordeaux, en tant qu'il l'a condamné à verser diverses indemnités à la commune de Bordeaux en réparation de désordres affectant la piscine municipale Tissot et à supporter une partie des dépens ;
2°) subsidiairement, de limiter le montant des réparations mises à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2014 :
- le rapport de M. Bernard Leplat ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
- les observations de Me Achou Lepage, avocat de M. D...;
- les observations de Me Le bail, avocat de la commune de Bordeaux ;
- les observations de Me Eyquem-Barriere, avocat de la SARL Brochet-Lajus-Pueyo ;
- les observations de Me Fillatre, avocat de la société Iosis Conseil ;
1. Considérant qu'en vue de la réhabilitation générale de la piscine municipale Tissot et à la suite d'un concours d'architecture lancé en 1994, la commune de Bordeaux a confié, par acte d'engagement du 17 mars 1995, la maîtrise d'oeuvre des travaux à un groupement comprenant la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo, M.D..., la société Electricité Thermique Ingénierie Services (ETHIS), se substituant à M. B...et la société OTH Sud-Ouest, devenue Iosis Sud-Ouest, aux droits de laquelle est venue la SA EGIS Bâtiment Sud-Ouest ; que la commune a confié, par divers marchés publics de travaux, l'exécution des travaux à diverses entreprises et, notamment, ceux des lots n° 12 (chauffage-traitement de l'air) et n° 13 (traitement de l'eau) à la SAS Hervé Thermique et du lot n° 5 (métallerie) à la SARL Bordeaux Serrurerie Métallerie (BSM) ; qu'après la réception des travaux, les 12 et 27 novembre 1997, plusieurs désordres sont apparus au cours de l'année 1998 ; qu'à la demande de la commune, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux à, par ordonnances des 8 février 2000, 27 novembre 2001 et 24 décembre 2003 ordonné des expertises, puis, par ordonnances du 28 février 2005 et du 12 janvier 2006, remplacé l'expert, décédé pendant les opérations de l'expertise ; que la commune a demandé, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, au tribunal administratif de Bordeaux la condamnation solidaire des constructeurs à réparer les conséquences dommageables de ces désordres ;
2. Considérant qu'en ce qui concerne les désordres, regroupés sous l'appellation " n° 7, corrosion " et affectant, d'une part, les panneaux décoratifs intérieurs en acier Corten du hall d'entrée de la piscine et, d'autre part, d'autres éléments métalliques de l'ouvrage, et plus particulièrement les grilles de ventilation du local de stockage de l'acide chlorhydrique, les luminaires fluorescents de sécurité et leurs supports, les chaînettes de suspension des éléments de correction acoustique d'ambiance du hall et les tiges filetées des contreventements, le tribunal administratif de Bordeaux a, par jugement du 7 novembre 2012, jugé que ces désordres étaient de nature à engager la responsabilité solidaire des constructeurs ; qu'il a évalué à la somme de 24 434,79 euros la réparation des désordres résultant de la corrosion des panneaux décoratifs intérieurs en acier Corten et condamné solidairement la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo et la SARL BSM a réparer ces désordres, puis statuant sur leurs appels en garantie, mis à la charge des architectes 90 % de cette réparation et 10 % à la charge de l'entrepreneur ; qu'il a évalué à la somme de 157 857,81 euros la réparation des désordres résultant de la corrosion des autres éléments métalliques et condamné solidairement M. D...et la SAS Hervé Thermique à réparer ces désordres, puis statuant sur leurs appels en garantie, mis à la charge de M. D...60 % de cette réparation et 40 % à la charge de l'entrepreneur ; qu'en ce qui concerne les désordres, regroupés sous l'appellation " n° 8, condensation " et affectant les parties de l'ouvrage situées au niveau de la rochelle, le long de la façade nord, au droit des châssis vitrés disposés sous la structure métallique, le tribunal administratif de Bordeaux a, par le même jugement, jugé que ces désordres étaient de nature à engager la responsabilité solidaire des constructeurs, évalué à la somme de 86 462,52 euros le coût de leur réparation et condamné solidairement la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo et M. D...à réparer ces désordres, puis statuant sur leurs appels en garantie, mis à la charge des architectes 60 % de cette réparation et 40 % à la charge de M. D...; que M. D...relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamné solidairement à la réparation de ces désordres et conclut, subsidiairement, à ce que le montant des condamnations mises à sa charge soit réduit ; que la commune de Bordeaux demande, par la voie de l'appel incident, que le jugement soit réformé en tant qu'il ne met pas à la charge solidaire des maîtres d'oeuvre la somme de 24 434,79 euros destinée à la réparation des désordres résultant de la corrosion des panneaux décoratifs intérieurs ; que la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo, la SAS Hervé Thermique et la SARL BSM demandent également l'annulation de ce jugement en tant qu'il prononce leur condamnation, ou la réduction du montant des indemnités allouées à la commune, ou celle des sommes mises à leur charge dans le cadre de leurs appels en garantie ;
3. Considérant que la circonstance que la clôture de la procédure de liquidation de la SARL BSM avait été prononcée par jugement du 27 mars 2002 du tribunal de commerce de Bordeaux ne faisait pas obstacle, contrairement à ce que soutient son liquidateur, à ce que le tribunal administratif, compétent pour constater la créance de la commune de Bordeaux, la condamne à réparer certains des désordres litigieux sans se borner à la déclarer responsable de ces désordres ;
Sur la recevabilité de certaines conclusions d'appel incident :
4. Considérant que des conclusions d'appel, présentées par une autre partie que l'appelant principal après l'expiration du délai d'appel, qui soulèvent un litige distinct de celui dont le juge se trouve saisi par l'appel principal, sont irrecevables ; que l'appel principal de M. D... ne porte sur le jugement attaqué qu'en tant qu'il statue sur la réparation des désordres, regroupés sous l'appellation " n° 7, corrosion ", à l'exception de ceux affectant les panneaux décoratifs intérieurs en acier Corten du hall d'entrée de la piscine Tissot, au titre desquels aucune condamnation n'a été prononcée à son encontre, ainsi que de ceux regroupés sous l'appellation " n° 8, condensation " ; que, dès lors, les conclusions d'appel incident de la commune de Bordeaux tendant à ce que M. D...soit condamné, solidairement avec les autres maîtres d'oeuvre, à la réparation des désordres affectant les panneaux décoratifs intérieurs en acier Corten du hall d'entrée de la piscine, présentées par un mémoire enregistré le 9 août 2013, plus de deux mois après la notification qui lui a été faite du jugement, soulèvent un litige distinct de celui que l'appel principal soumet à la cour ; qu'elles sont, par suite, irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il en va de même, pour les mêmes motifs, des conclusions de la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo et de la SARL BSM tendant à être garanties par M. D... des condamnations mises à leur charge au titre de ces désordres ; qu'en particulier, il en va ainsi, en tout état de cause et alors que la circonstance que le maître de l'ouvrage n'aurait présenté aucune conclusion tendant à la condamnation d'un constructeur ne fait pas obstacle à ce que ce constructeur soit appelé en garantie par un ou plusieurs des autres constructeurs mis en cause et à ce que le tribunal puisse le condamner, des conclusions de la SARL BSM ;
Sur la responsabilité :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise effectuée en exécution des ordonnances des 8 février 2000, 27 novembre 2001, 24 décembre 2003, 28 février 2005 et 12 janvier 2006, du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, que les désordres, regroupés sous l'appellation " n° 7, corrosion ", autres que ceux affectant les panneaux décoratifs intérieurs en acier Corten du hall d'entrée de la piscine Tissot et sous l'appellation " n° 8, condensation ", sont par leur importance et par leurs conséquences de nature, même si les phénomènes de corrosion et de condensation dont ils sont la manifestation n'affectent, pour certains d'entre eux, que des éléments d'équipement de l'ouvrage, auquel ils sont, au demeurant, fixés, à compromettre une utilisation de l'ouvrage conforme à sa destination ; qu'ils sont, alors même qu'ils n'ont pas entraîné la fermeture au public de la piscine, de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, par application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil ; que, par suite et en tout état de cause, les constructeurs ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que leur responsabilité était susceptible d'être engagée, sur ce fondement, du fait de ces désordres ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise que les phénomènes de corrosion et de condensation qui viennent d'être mentionnés ont pour origine, en ce qui concerne les éléments métalliques, d'une part, une présence excessive de chlore, qui résulte de la combinaison des vapeurs de chlorure de sodium émanant des bassins et de celles de l'acide chlorhydrique émanant du local de stockage de cet acide, et, d'autre part, une implantation inadaptée de la grille de prise d'air neuf de la centrale de traitement d'air, contiguë à ce local, qui favorise une aspiration d'air chargé en vapeur d'acide chlorhydrique ; que ce désordre est dès lors imputable à la SAS Hervé Thermique, titulaire du lot n° 13 " traitement de l'eau " qui a, notamment, implanté la grille de prise d'air et à M.D..., chargé, au titre de sa mission de maîtrise d'oeuvre du traitement de l'air et du chauffage, de la recherche d'une meilleure convection thermique ; qu'ils ont pour origine, en ce qui concerne ceux regroupés sous l'appellation " n° 8 ", un vice de conception de l'isolation de l'ouvrage, seule une isolation extérieure étant de nature à éviter les phénomènes de condensation susceptibles de se produire dans un tel bâtiment ; qu'ils sont imputables à la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo et au bureau d'études de M.D..., dont l'activité a constitué cette conception ;
7. Considérant que la circonstance que M. D...n'aurait commis aucune faute lors de la réalisation des missions dont il était chargé n'est pas de nature à l'exonérer, même partiellement, de l'obligation de garantie que les constructeurs doivent au maître de l'ouvrage en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil, du seul fait de leur participation aux travaux effectués ; que par suite, M. D...ne saurait utilement se prévaloir, pour contester la mise en jeu, sur ce fondement, de sa responsabilité solidaire vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de ce qu'il a rempli sa mission de conseil en alertant l'architecte sur les risques de condensation liés à l'insuffisance d'une isolation par l'extérieur ; que, de même, la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo ne peut pas utilement invoquer, aux mêmes fins, la circonstance qu'elle n'a pas pris part au choix de la qualité de l'acier inoxydable composant certains des éléments métalliques de l'ouvrage ;
8. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les désordres résultant de la corrosion de certains éléments métalliques de l'ouvrage pourraient trouver, même en partie, leur origine dans des manquements du maître de l'ouvrage à ses obligations en matière de maintenance de l'ouvrage, d'utilisation du local de stockage de l'acide chlorhydrique ou à celle de veiller au respect des règles d'hygiène par les usagers de la piscine ; que, par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que sa responsabilité serait atténuée du fait d'une faute commise par le maître d'ouvrage ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal administratif a condamné M.D..., la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo et la SAS Hervé Thermique, sur le fondement de la garantie décennale, par application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil ;
Sur le préjudice :
10. Considérant que les sommes de 157 857,81 euros TTC et de 86 462,52 euros TTC, mentionnées au point 2 et destinées à la réparation des désordres correspondants, ont été déterminées par les premiers juges, sur la base du rapport de l'expertise, en éliminant les demandes de travaux qui aboutiraient à une amélioration de l'ouvrage, notamment ceux d'un remplacement des toiles sous les plafonds ou de la réalisation d'une nouvelle centrale d'air et en ne retenant que ceux nécessaires à la réparation de la piscine pour la mettre en état d'être utilisée conformément à sa destination ; qu'aucun des constructeurs n'apporte d'éléments de nature à remettre en cause ces évaluations ;
Sur les appels en garantie ;
11. Considérant que le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ; que, malgré la communication qui leur a été fait du moyen d'ordre public relatif à cette question, ni la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo ni M.D..., ingénieur thermicien, n'ont contesté qu'ils sont liés, en tant que membres du groupement constitué pour assurer la maîtrise d'oeuvre des travaux litigieux, par un contrat de droit privé ; que, dès lors, c'est à tort que le jugement attaqué a statué sur leurs conclusions ayant pour objet la répartition entre eux de la charge définitive de la condamnation à réparer les désordres regroupés sous l'appellation " n° 8, condensation " alors que la juridiction administrative n'est pas compétente pour en connaître ; qu'ainsi, l'article 12 du jugement attaqué doit être annulé ; que les conclusions de M. D...et de la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo tendant à ce que la cour modifie cette répartition ne peuvent, pour le même motif, qu'être rejetées ;
12. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo et la SARL BSM, la SAS Hervé Thermique avait, par son mémoire enregistré le 5 octobre 2012, demandé au tribunal administratif la condamnation de M. D...et de la SARL BSM à la garantir de toute condamnation ; que dès lors, les conclusions à fin d'appel en garantie présentées devant la cour par la SAS Hervé Thermique ne sont irrecevables, comme présentées pour la première fois en cause d'appel, qu'en tant qu'elles sont dirigées contre la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise, que les premiers juges auraient fait une inexacte appréciation des fautes respectives de M. D...et de la SAS Hervé Thermique en fixant à 60 % et 40 % la partie de la condamnation devant rester à leur charge au titre de la réparation des désordres regroupés sous l'appellation " désordre n° 7, corrosion ", ni qu'ils auraient méconnu d'éventuels manquements de la SARL BSM en ne faisant pas droit aux conclusions l'appelant en garantie ; que par suite, M. D...et la SAS Hervé Thermique ne sont pas fondés à demander que les parts de responsabilité leur incombant soient modifiées ; que, dans ces conditions, M. D...n'est pas davantage fondé à soutenir que la fraction des frais et honoraires de l'expertise mise à sa charge par le jugement attaqué devrait être diminuée ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué ne doit être annulé qu'en tant qu'il statue, par son article 12, sur les appels en garantie réciproque présentées par M. D...et par la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties tendant à l'application de cet article ;
DECIDE
Article 1er : L'article 12 du jugement du 7 novembre 2012 du tribunal administratif de Bordeaux, qui statue sur les appels en garantie présentées par M. D...et la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo l'un envers l'autre, est annulé.
Article 2 : Les conclusions mentionnées à l'article 1er sont rejetées comme présentées devant une juridiction administrative incompétente pour en connaître.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...D...et de la SARL d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo et les conclusions de la commune de Bordeaux, de la SAS Hervé Thermique, de SA Novello et de la SARL BSM, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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No 13BX00056