Vu la requête, enregistrée le 17 septembre 2012, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., par Me C... ;
M. et Mme A...demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101282-1101209 du 19 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 à 2008 et des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à M. A...au titre de la période courant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2014 :
- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
- les observations de Me Labatut, avocat de M. et MmeA... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 octobre 2014, présentée pour M. et MmeA... ;
1. Considérant que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 19 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a, après les avoir jointes, rejeté leurs demandes tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 à 2008, d'autre part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à M. A...au titre de la période courant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ; que le présent arrêt statue sur les conclusions de M. et Mme A...relatives à l'impôt sur le revenu, les conclusions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée ayant été enregistrées sous le n° 12BX02513 ;
2. Considérant que, compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu et de celle de la taxe sur la valeur ajoutée, et quels qu'aient été en l'espèce les liens de fait et de droit entre ces impositions, les premiers juges devaient statuer par deux jugements séparés à l'égard de deux contribuables distincts, M. et MmeA..., d'une part, M.A..., en tant que seul redevable des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti à raison de l'exercice d'une activité occulte, d'autre part ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal administratif de Bordeaux a statué par un même jugement ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête relatifs à la régularité du jugement, ce jugement doit être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions relatives à l'impôt sur le revenu ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme A...devant le tribunal administratif de Bordeaux relative à l'impôt sur le revenu, les conclusions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée ayant été enregistrées sous le n° 12BX02513 ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale (...) " ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 73 et L. 68 du livre des procédures fiscales, peut être évalué d'office le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée malgré l'envoi au contribuable d'une mise en demeure de régulariser sa situation ;
5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que dans l'exercice de son droit de communication auprès des autorités judiciaires, le vérificateur a obtenu certaines pièces de la procédure pénale diligentée à l'encontre de M.A..., faisant apparaître que l'intéressé avait été mis en examen le 27 novembre 2011 pour contrefaçons en bande organisée par édition ou reproduction d'oeuvres de l'esprit au mépris du droit des auteurs, escroquerie en bande organisée, association de malfaiteurs constituée en vue de permettre la préparation des délits de contrefaçons en bandes organisée, et recel de ces délits ; que les nombreux procès-verbaux d'audition cités par l'administration révèlent que le père du requérant avait mis en place un trafic de contrefaçons d'oeuvres d'art, en faisant réaliser des copies de sculptures et d'objet d'art d'Alexandre Noll et Charlotte Perriand par des ouvriers ukrainiens, trafic que M. A...a repris au décès de son père, en faisant fabriquer de nouveaux objets selon les mêmes procédés ; que l'administration a également constaté sur les comptes bancaires de M. A...et de son épouse des remises de chèques provenant de personnes qui se sont révélées être des acheteurs lors de l'instruction pénale, pour des montants de 46 000 euros en 2006, 289 400 euros en 2007 et 163 990,26 euros en 2008, correspondant à onze ventes ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration a considéré que les cessions d'objets d'art en cause avaient été réalisées à des fins lucratives, qu'elles n'avaient pas un caractère occasionnel et que leur produit devait être par suite regardé comme un bénéfice industriel et commercial devant être mentionné dans la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts ;
6. Considérant, d'autre part, que l'administration a envoyé le 16 septembre 2009 les mises en demeure de produire les déclarations, dont M. A...a accusé réception le 17 septembre ; que le moyen tiré du défaut de mise en demeure préalablement à la mise en oeuvre de l'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux doit par suite être écarté ;
7. Considérant, enfin, que si les requérants font valoir que M. A...a souscrit des déclarations " modèle n° 2091 " prévues par l'article 150 VM du code général des impôts, relatif à la taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité, il est constant qu'ils n'ont pas souscrit la déclaration de bénéfices industriels et commerciaux correspondant à la nature exacte de l'activité exercée ; que, par suite, l'administration a pu à bon droit constater qu'ils n'avaient pas produit les déclarations qu'ils étaient tenus de souscrire et évaluer d'office, après envoi d'une mise en demeure, le bénéfice en application de l'article L.73 du livre des procédures fiscales ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;
9. Considérant que la proposition de rectification du 7 décembre 2009 indique très précisément l'origine et la teneur des procès-verbaux des auditions réalisées dans le cadre de la mise en examen de M. A...sur lesquels elle s'est fondée pour établir les impositions litigieuses ; que l'administration fait valoir que les pièces recueillies lors de l'exercice du droit de communication ont été transmises aux requérants à la suite de leur demande, le 23 avril 2010 ; que les requérants, qui se bornent à soutenir que l'administration a eu communication de pièces de la procédure pénale qu'elle n'a pas soumis au débat, sans donner la moindre précision sur ces pièces, ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L.76 B du code général des impôts ;
10. Considérant, en troisième lieu, que M.A..., qui n'a jamais fait valoir auprès des tiers ou de l'administration qu'il exerçait son activité de trafic de contrefaçons d'oeuvres d'art au sein d'une société de fait composée des membres de sa famille, n'est par suite pas fondé à soutenir, en tout état de cause, que l'administration aurait dû, en application des dispositions de l'article 238 bis L du code général des impôts, diligenter la procédure et établir les impositions selon les règles prévues pour les sociétés en participation ;
11. Considérant, en quatrième lieu, que le principe de la présomption d'innocence, garanti par les articles 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'a vocation à s'appliquer qu'en matière répressive ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'en établissant les impositions litigieuses au vu de la procédure pénale diligentée à l'encontre de M.A..., avant toute condamnation, l'administration aurait méconnu la présomption d'innocence ;
12. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du I de l'article 150 VI dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels, sont soumises à une taxe forfaitaire dans les conditions prévues aux articles 150 VJ à 150 VM les cessions à titre onéreux ou les exportations, autres que temporaires, hors du territoire des Etats membres de la Communauté européenne : / 1° De métaux précieux ; / 2° De bijoux, d'objets d'art, de collection ou d'antiquité " ; qu'il ressort de ces dispositions que la taxe qu'elles instituent ne trouve à s'appliquer que sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A...doit être regardé comme ayant exercé, à titre professionnel, l'activité de fabrication et de vente de copies d'oeuvres d'art ; qu'il ne peut dès lors utilement soutenir que les cessions étaient exclusivement soumises à la taxe forfaitaire des articles 150 VI à 150 VM du code général des impôts ;
13. Considérant, en sixième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, il résulte de l'instruction que M. A...a exercé, pendant les années en cause, une activité lucrative de fabrication et de vente de contrefaçons d'objets d'art, qui n'avait pas de caractère occasionnel, et dont les gains doivent dès lors être imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application de l'article 34 du code général des impôts ;
14. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande. " ; qu'aux termes de l'article L. 205 du même code : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. " ;
15. Considérant que M. et Mme A...demandent, à titre subsidiaire, que la taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité, qu'ils ont acquittée à l'occasion des ventes litigieuses en vertu des dispositions des articles 150 VI à 150 VM du code général des impôts, vienne en compensation du supplément d'impôt sur le revenu résultant du rehaussement litigieux ; qu'il résulte de ces dispositions que la réclamation préalable des requérants demandait déjà cette compensation à titre subsidiaire, et que ladite taxe ne constitue qu'une modalité particulière d'imposition des plus-values réalisées par les particuliers lorsque la vente porte sur certains biens meubles ; qu'elle ne peut donc pas être regardée comme une imposition distincte de l'impôt sur le revenu ; que le refus de faire droit à la compensation demandée aboutirait à une double imposition de la même opération ; que, par suite, en vertu de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, la demande de compensation doit être satisfaite ; qu'il s'ensuit que les droits supplémentaires résultant du rehaussement litigieux doivent être réduits de la somme acquittée par les intéressés au titre de cette taxe ;
16. Considérant, en huitième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de (...) 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai " ;
17. Considérant que comme il a été dit au point 4, l'administration a envoyé aux contribuables des mises en demeure de produire leurs déclarations le 16 septembre 2009, avec accusé de réception le 17 septembre 2009 ; qu'ils ne sont dès lors pas fondés à soutenir que du fait de l'absence de mise en demeure la majoration de 40 % ne serait pas applicable ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme A... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 juillet 2012 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions relatives à l'impôt sur le revenu.
Article 2 : La somme acquittée par M. et Mme A...au titre de la taxe prévue à l'article 150 VI du code général des impôts doit venir en déduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui leur sont réclamées au titre des années 2006 à 2008.
Article 3 : M. et Mme A...sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 à 2008 à concurrence de la différence entre les cotisations mises à leur charge et celles résultant de l'article 1er.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A...est rejeté.
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N° 12BX02538