Vu la requête, enregistrée le 20 octobre 2014, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me C...;
Mme B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400586 du 26 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 7 février 2014 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée, ainsi que de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Haute-Vienne sur son recours gracieux ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour et de travail, subsidiairement de prendre une décision et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans l'intervalle, dans un délai d'un mois ;
4°) subsidiairement, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle tendant à savoir si la déclaration d'entrée constitue au sens des dispositions européennes une condition de régularité de l'entrée ou du séjour ;
5°) subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cours de justice de l'Union européenne dans les affaires n° C 166/13 et C 249/13, ou, avant dire droit, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur l'applicabilité et la portée du contradictoire préalable et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne quant aux mesures d'obligation de quitter le territoire français et de fixation du pays de renvoi ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, les sommes de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 1 920 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, et notamment son Préambule ;
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
Vu le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
Vu l'accord du 9 octobre 1987 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2015 :
- le rapport de M. Antoine Bec, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- les observations de MeC..., pour MmeB... ;
1. Considérant que MmeB..., ressortissante marocaine née en 1975, déclare être entrée en France, via l'Espagne, au cours du mois de février 2008, sous couvert d'un visa Schengen de trente jours délivré par les autorités espagnoles ; que, par un jugement du 8 juillet 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête introduite contre un arrêté du 23 février 2011 par lequel le préfet du Val d'Oise avait refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'avait obligée à quitter le territoire français ; que Mme B...a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 7 février 2014, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer le titre demandé, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que MmeB..., demande à la cour d'annuler le jugement du 26 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux ;
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ; que l'article L. 211-2-1 du même code dispose : " (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire est subordonnée non seulement aux conditions énoncées par le 4° précité de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais également à la justification d'une entrée régulière sur le territoire français ;
3. Considérant que si Mme B...a quitté le Maroc le 20 février 2008, en compagnie de son père, à bord d'un autocar assurant la liaison Oujda-Paris, elle n'est pas en mesure d'établir être entrée sur le territoire français avant l'expiration de la durée de validité du visa Schengen dont elle bénéficiait, faute notamment de s'être fait connaître des autorités de police lors de son arrivée en France, comme l'article R. 221-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui en fait l'obligation ; que l'absence de contrôle à la frontière ne pouvait la dispenser de se conformer à cette obligation qui, bien que souvent ignorée, n'en est pas pour autant caduque ; qu'ainsi l'intéressée ne justifiant pas de son entrée régulière en France, le préfet a pu rejeter sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-11-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans la faire bénéficier des dispositions de l'article L. 211-2-1 ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée ; : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; que les différentes circonstances prévues par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et justifiant l' ingérence de l'Etat dans l'exercice de ce droit ne constituent pas des critères dont il appartiendrait à l'autorité administrative de justifier ; que c'est à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale qu'il revient d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le mariage de Mme B...avec M. B...n'est antérieur que de quatorze mois à la date de la décision attaquée ; que si la requérante fait valoir qu'elle vit avec M. B...depuis le mois de mai 2012, elle ne l'établit pas ; que la circonstance que Mme B...n'ait pu mener ses grossesses à terme est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...serait dépourvue de toute attache personnelle dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans ; que, dans ces conditions, le refus de titre opposé à Mme B... n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le préfet de la Haute-Vienne n'a méconnu ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la violation de l'article 23 du pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques ainsi, en tout état de cause, que celui tiré de la violation du Préambule de la Constitution de 1946, doivent être écartés ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif au fonctionnement de la commission du titre de séjour : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que MmeB..., ainsi qu'il est dit précédemment, ne remplissait pas, à la date de la décision attaquée, les conditions de délivrance d'un titre de séjour prévues par les dispositions du 4° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'elle invoque ; que la requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Vienne était tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit " ; que la décision litigieuse, qui refuse seulement à Mme B...l'autorisation de s'installer en France, n'a pas porté atteinte à son droit de se marier et de fonder une famille ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartées ;
8. Considérant que les stipulations des articles 8 et 8 A du traité instituant la communauté européenne, ainsi que les dispositions de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 régissent la situation des membres de la famille d'un ressortissant de l'Union se rendant ou séjournant dans un autre Etat que celui dont il a la nationalité ; que cette directive ne prévoit un droit au séjour qu'au profit des seuls ressortissants de pays tiers, membres de la famille d'un ressortissant communautaire et séjournant légalement dans un Etat membre, à l'occasion de leur déplacement dans un autre Etat membre ; que dans ces conditions, l'impossibilité pour Mme B...dès lors qu'elle ne séjourne pas régulièrement en France, d'accompagner son mari dans un autre Etat membre ne constitue pas à l'encontre de M. B...une discrimination " à rebours " contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à l'article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 et au principe d'égalité garanti par le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
9. Considérant que par les mêmes motifs que ceux retenus précédemment, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'entrée régulière sur le territoire et de l'atteinte à son droit à mener une vie familiale normale ;
10. Considérant que MmeB..., qui ne pouvait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle était exposée à une mesure d'éloignement, avait la faculté de faire connaître à l'administration ses observations sans que l'autorité administrative soit tenue de les susciter expressément ; que Mme B...ne fait état d'aucun élément qui n'aurait pas été porté à la connaissance de l'administration ; qu'il y a lieu par suite d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu, résultant du principe général énoncé à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent en conséquence être également rejetées ;
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
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N° 14BX02940