La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/11/2015 | FRANCE | N°15BX01866

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 12 novembre 2015, 15BX01866


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...et son épouse, Mme F...D..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux requêtes distinctes :

1°) d'annuler les arrêtés du 16 octobre 2014 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ou un titre de séjour à compter de la notif

ication du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...et son épouse, Mme F...D..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux requêtes distinctes :

1°) d'annuler les arrêtés du 16 octobre 2014 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ou un titre de séjour à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par deux jugements n° 1405878 et n° 1406082 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs requêtes.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 juin et 25 août 2015 sous le n° 15BX01866, M. E...A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1405878 du tribunal administratif de Toulouse en date du 26 mars 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 16 octobre 2014;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

II°) Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juin et 25 août 2015 sous le n° 15BX01867, Mme F...D...épouseA..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1406082 du tribunal administratif de Toulouse en date du 26 mars 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 16 octobre 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud,

- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et MmeA..., ressortissants malgaches, sont entrés en France accompagnés de leurs deux enfants le 24 mars 2013 sous couvert de visas de court séjour. M. A...a alors sollicité la délivrance d'un titre de séjour en sa qualité d'accompagnant d'enfant malade eu égard à l'état de santé de son fils aîné. Le préfet de la Haute-Garonne lui a délivré le 11 septembre 2013 une autorisation provisoire de séjour qui a été régulièrement renouvelée jusqu'au 11 septembre 2014. Mme A...a sollicité à son tour, le 30 janvier 2014, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade tandis que son mari a, le 15 mai 2014, sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Le préfet de la Haute-Garonne a, par deux arrêtés en date du 16 octobre 2014, rejeté ces demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par deux requêtes enregistrées sous le n° 15BX01866 et n° 15BX01867, M. et Mme A...relèvent respectivement appel des jugements du tribunal administratif de Toulouse du 26 mars 2015 rejetant leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Garonne en date du 16 octobre 2014.

2. Les requêtes n° 15BX01866 et n° 15BX01867 présentées pour M. et Mme A...présentent à juger des questions semblables portant sur la situation de personnes mariées. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité des arrêtés du 16 octobre 2014 :

En ce qui concerne les refus de titre de séjour :

3. D'une part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étranger de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...) L'autorisation provisoire de séjour (...) est délivrée par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...)". Il en résulte que l'état de santé de l'étranger mineur doit nécessiter, en application du 11° de l'article L. 313-11 : " une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée(...) ". Il résulte de ces dispositions et stipulations que le refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à un étranger au motif que l'état de santé de son enfant mineur ne justifie pas son maintien sur le territoire français constitue une décision concernant un enfant au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Dans son avis en date du 28 février 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé du fils de M. et MmeA..., né en 2007, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le traitement requis, qui devait, en l'état actuel, être poursuivi pendant un an, n'est pas disponible dans son pays d'origine. Dans l'avis émis le 16 juillet 2014, qui fonde les décisions contestées, le médecin de l'agence régionale de santé estime désormais que si l'état de santé du fils de M. et Mme A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le traitement requis existe à Madagascar. Il ressort des pièces du dossier que le jeune B...souffre notamment de paralysie cérébrale infantile, manifestée sous la forme d'une quadriplégie dystonique dyskinétique, nécessitant un suivi ainsi qu'une prise en charge rééducative pluridisciplinaire complète et des injections biannuelles de toxine botulique, ainsi que d'une épilepsie, soignée par un traitement à base de Depakine et nécessitant un suivi biannuel, et de troubles de la déglutition résultant d'une malposition cardio-tubérositaire avec reflux gastro-oesophagien pour laquelle une intervention chirurgicale a été réalisée en 2014. Il ressort des certificats médicaux concordants de praticiens hospitaliers des pôles neurologie, pneumologie-allergologie, gastroentérologie et nutrition-pédiatrie de l'hôpital des enfants de Toulouse, produits pour la première fois en appel, que, d'une part, l'alimentation entérale requise nécessite des dispositifs médicaux et des poches d'alimentation qui ne sont pas disponibles à Madagascar et que, d'autre part, les injections de toxine botulique, qui permettent d'améliorer la posture et de limiter les risques de reflux gastro-oesophagien, vitaux pour l'enfant, ainsi que l'appareillage et le soutien rééducatif nécessaires ne sont pas davantage disponibles à Madagascar. A supposer même que, comme le soutient le préfet de la Haute-Garonne, en se prévalant d'un article disponible sur Internet, la toxine botulique soit effectivement disponible à Madagascar, aucune pièce versée aux dossiers, autre que les avis du médecin de l'agence régionale de santé, ne permet de remettre en cause les appréciations portées par les praticiens hospitaliers sur l'absence à Madagascar du matériel et du personnel nécessaires pour une alimentation entérale et pour le soutien rééducatif requis par l'état de santé du fils de M. et MmeA..., alors qu'il ressort des certificats produits que le défaut de ces traitements serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressé. Dès lors, l'état de santé du fils de M. et Mme A...doit être regardé comme remplissant les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Compte tenu de la gravité de son handicap, il est dans son intérêt que ses deux parents restent auprès de lui. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, refuser de délivrer à chacun des parents un titre de séjour.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des refus de titre de séjour opposés par le préfet de la Haute-Garonne le 16 octobre 2014 ainsi que, par voie de conséquence, des obligations de quitter le territoire français et des décisions fixant le pays de renvoi prises le même jour.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

8. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que soient délivrés à M. et Mme A...des titres de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

9. M. et Mme A...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 7 mai 2015. Par suite, leur conseil peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que leur conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : Les jugements n° 1405878 et n° 1406082 du tribunal administratif de Toulouse en date du 26 mars 2015 ainsi que les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne en date du 16 octobre 2014 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. et Mme A...un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. et Mme A...une somme globale de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dans les deux dossiers.

''

''

''

''

2

Nos 15BX01866, 15BX01867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 15BX01866
Date de la décision : 12/11/2015
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET ATY AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-11-12;15bx01866 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award