Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Bétons de Bordeaux a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 février 2012 par lequel le maire de Bordeaux, agissant au nom de l'Etat, a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la réalisation d'entrepôts et de bureaux sur un terrain situé 6 quai de la Souys.
Par un jugement n° 1201394 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juin 2014, la société Bétons de Bordeaux, représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 avril 2014 ;
2°) d'annuler le refus de permis de construire contesté ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
..........................................................................................................
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant la société Bétons de Bordeaux.
Considérant ce qui suit :
1. La société Bétons de Bordeaux a déposé le 27 juin 2011 une demande de permis de construire ayant pour objet la réalisation d'entrepôts et de bureaux sur un terrain situé 6 quai de la Souys à Bordeaux, en vue de l'édification d'une centrale de production à béton prêt à l'emploi. Par arrêté du 20 février 2012, le maire de Bordeaux, agissant au nom de l'Etat, a rejeté cette demande. La société Bétons de Bordeaux interjette appel du jugement du 3 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 20 février 2012.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme : " Par exception aux dispositions du a de l'article L. 422-1, l'autorité administrative de l'Etat est compétente pour se prononcer sur un projet portant sur : / (...) c) Les travaux, constructions et installations réalisés à l'intérieur des périmètres des opérations d'intérêt national mentionnées à l'article L. 121-2 ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 422-1 du même code : " Lorsque la décision est prise au nom de l'Etat, elle émane du maire, sauf dans les cas mentionnés à l'article R. 422-2 où elle émane du préfet. ". Aux termes de l'article R. 422-2 du même code : " Le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable dans les communes visées au b de l'article L. 422-1 et dans les cas prévus par l'article L. 422-2 dans les hypothèses suivantes : / (...) e) En cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction mentionné à l'article R. 423-16./ (...) ".
3. La société Bétons de Bordeaux fait valoir que les premiers juges auraient dû, compte tenu du désaccord existant entre le maire de Bordeaux et les services de la direction départementale des territoires et de la mer sur la demande de permis de construire en cause, relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence du maire, en application des articles précités, à prendre, au nom de l'Etat, l'arrêté contesté. Toutefois, si la mairie de Bordeaux (service de l'aménagement) a émis le 1er août 2011 un avis favorable sur le projet alors que les services de la communauté urbaine de Bordeaux ont émis un avis défavorable le 23 janvier 2012, il ne ressort pas des pièces du dossier que les services de l'Etat s'y seraient opposés et, en conséquence, que le préfet aurait, en application de l'article R. 422-2 précité, été compétent pour prendre la décision. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait à ce titre entaché d'une irrégularité doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 et 4, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté au profit du préfet doit être écarté.
5. Par arrêté du 21 novembre 2008, le maire de Bordeaux a " en cas d'absence ou d'empêchement de M. Ludovic Bousquet, conseiller municipal délégué " accordé à Mme D...A..., adjoint du maire délégué au logement, à l'aménagement urbain et aux transports, qui a signé l'arrêté contesté, " délégation de [sa] signature pour les permis de construire ". Contrairement à ce qui est soutenu par la société Bétons de Bordeaux, la matière des permis de construire ainsi déléguée doit être analysée comme incluant tant les autorisations que, tel qu'en l'espèce, les refus. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...n'aurait pas été absent ou empêché lors de la signature de l'arrêté litigieux. Par suite, et nonobstant le temps restant à courir avant l'expiration du délai d'instruction de la demande de permis de construire en cause, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté doit être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. Un décret en Conseil d'Etat précise les cas dans lesquels un permis tacite ne peut être acquis. ". Aux termes de l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Aux termes de l'article R. 423-22 du même code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". Aux termes de l'article R. 423-23 dudit code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. ". Aux termes de l'article R. 423-28 du même code : " Le délai d'instruction prévu par le b et le c de l'article R. 423-23 est également porté à six mois : / (...) b) Lorsqu'un permis de construire ou d'aménager porte sur un immeuble situé dans le périmètre de protection d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou sur un immeuble adossé à un immeuble classé au titre des monuments historiques (...). ". Enfin, l'article R. 423-16 du même code dispose : " Lorsque la décision doit être prise au nom de l'Etat, l'instruction est effectuée : (...) b) Par le service de l'Etat dans le département chargé de l'urbanisme pour les autres déclarations préalables ou demandes de permis. " ;
7. Il ressort des pièces du dossier que le projet se situe dans le périmètre de l'opération d'intérêt national Bordeaux-Euratlantique. Dès lors, en vertu de l'article précité L. 422-2 du code de l'urbanisme, la décision sur la demande de permis de construire en cause devait être prise au nom de l'Etat après instruction par le service de l'Etat dans le département chargé de l'urbanisme, soit la direction départementale des territoires et de la mer de la Gironde. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la société Bétons de Bordeaux, le directeur de ce service a pu compétemment, par courrier du 5 juillet 2011, tant notifier à la société requérante une prolongation du délai d'instruction de six mois compte tenu de la nécessité de solliciter l'accord de l'architecte des bâtiments de France en application de l'article R. 423-28 précité, que lui demander de compléter son dossier par les pièces manquantes pour l'instruction de sa demande. Alors que ce courrier est intervenu dans le délai d'un mois à compter du dépôt, le 27 juin 2011, du dossier de demande de permis de construire prévu à l'article R. 423-22 du code de l'urbanisme, la société requérante n'a fourni les pièces complémentaires que le 2 septembre 2011. Il en résulte que le délai d'instruction de six mois, qui a commencé à courir à cette dernière date, n'était pas expiré à la date de l'arrêté contesté du 20 février 2012. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la délivrance, le 27 septembre 2011, d'un permis tacite que l'arrêté contesté aurait, par non-respect de la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, illégalement retiré.
8. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dont il n'est pas contesté en appel qu'il constitue le premier fondement du refus de permis de construire contesté : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
9. Le premier motif de l'arrêté contesté tient en ce que la sortie directe des véhicules sur le quai de la Souys présente un risque pour la sécurité de ses utilisateurs et des usagers de la voie. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier d'un plan joint à la demande de permis, que le projet de centrale à béton prêt à l'emploi est conçu avec une entrée des poids-lourds dans le site par la rue d'Artagnan qui est la voie publique du lotissement dans lequel est inclus le terrain d'assiette, une circulation dans le site par une voie interne à sens unique, puis une sortie directe des poids-lourds sur le quai de la Souys à cent mètres du croisement entre le quai et la rue d'Artagnan. Dans son avis émis le 23 janvier 2012, la communauté urbaine de Bordeaux indique que la sortie sur le quai de la Souys " engendrerait un problème de sécurité avec la nouvelle voie bus/vélos créée après la réalisation du lotissement ", ainsi qu'" un flux important de camions qui pourrait générer un risque pour les usagers ". A ce titre, le préfet de la Gironde fait valoir sans être contredit, d'une part, que cette sortie coupe la voie de bus et vélos, d'autre part, que le quai de la Souys connaît déjà un taux moyen journalier de 7 602 véhicules, dont 8 % de poids lourds et que le projet en cause engendrerait un accroissement annuel de circulation évalué entre 3 000 et 7 500 poids lourds. Si la société Bétons de Bordeaux soutient que le permis de construire aurait pu lui être accordé avec une prescription spéciale imposant l'utilisation en sortie, de l'accès existant rue d'Artagnan, il ressort des pièces du dossier qu'une telle modification nécessiterait de revoir dans son ensemble l'aménagement du projet, actuellement seulement conçu pour une circulation à sens unique, en rotation autour de la centrale à béton. Dans ces conditions, en refusant d'accorder le permis de construire à raison des exigences de la sécurité publique, le maire de Bordeaux, agissant au nom de l'Etat, n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
10. Le second motif de l'arrêté contesté tient en ce que le plan de masse, qui ne mentionne pas la présence de deux canalisations d'assainissement de diamètre 300 et 1 800 gérées par la communauté urbaine de Bordeaux, ne permet pas de vérifier que le projet ne nuit pas à la protection et à l'entretien de ces ouvrages. A supposer que ce second motif soit erroné, le maire de Bordeaux, agissant au nom de l'Etat, aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur l'atteinte à la sécurité publique résultant de l'implantation de la sortie du site sur le quai de la Souys. Par suite, la société Bétons de Bordeaux n'est pas fondée à soutenir que ce second motif de refus du permis de construire sollicité ne serait pas justifié.
11. Enfin, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bétons de Bordeaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bordeaux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Bétons de Bordeaux demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Bétons de Bordeaux est rejetée.
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N° 14BX01657