Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le permis de démolir un immeuble voisin de sa propriété délivré le 27 février 2012 par le maire de Pontours au nom de l'Etat au département de la Dordogne.
Par un jugement n° 1201661 du 1er avril 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ce permis de démolir.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée sous le n° 14BX01555 le 23 mai 2014, et des mémoires, enregistrés le 29 mai 2015 et le 7 août 2015, le département de la Dordogne, représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er avril 2014 ;
2°) de rejeter la demande de M. B...devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) de mettre à la charge de M. B...le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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II - Par une requête, enregistrée sous le n° 15BX01811 le 28 mai 2015, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1201661 du 1er avril 2014 ;
2°) de rejeter la demande de M. B...devant le tribunal administratif de Bordeaux.
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Vu :
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Mège,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant le département de la Dordogne, et de MeD..., représentant M. A...B....
Considérant ce qui suit :
1. Le département de la Dordogne a acquis en 2009 les parcelles cadastrées section B n° 33 et 34, situées dans la commune de Pontours. Le maire de cette commune lui a, par arrêté du 27 février 2012, délivré au nom de l'Etat un permis de démolir la construction édifiée sur ces parcelles voisines de la propriété de M.B.... Par les requêtes enregistrées respectivement sous le n° 1401555 et 1501811, le département de la Dordogne et le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité relèvent appel du jugement n° 1201661 du 1er avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ce permis de démolir. Ces requêtes tendent à l'annulation du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de (...) démolir (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; / (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code : " La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ". En vertu de l'article R. 431-4 du même code, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations limitativement énumérées aux articles R. 431-5 à R. 431-33. L'article R. 423-38 du même code dispose que l'autorité compétente réclame à l'auteur de la demande les seules pièces exigées en application du livre IV de ce code que le dossier ne comprend pas. Aux termes de l'article A. 428-4 du code de l'urbanisme : " Le permis est délivré sous réserve du droit des tiers : il vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme. Il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s'estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d'autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d'urbanisme. ". Il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées par l'article R. 423-1 du même code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Les tiers ne sauraient utilement invoquer, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l'attestation requise, la circonstance que l'administration n'en aurait pas vérifié l'exactitude. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une telle demande vient à disposer, au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande pour ce motif. Il en est notamment ainsi lorsque l'autorité saisie de la demande est informée que le juge judiciaire a remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire avait présenté sa demande. Il résulte également de ces dispositions, notamment du b) de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, qu'une demande d'autorisation d'urbanisme concernant un terrain en indivision peut être régulièrement présentée par un seul co-indivisaire, alors même que les travaux en cause pourraient être contestés par les autres propriétaires devant le juge judiciaire. Il appartient au seul juge judiciaire, le cas échéant, de se prononcer sur le bien-fondé d'une telle contestation, qui ne peut, en tout état de cause, caractériser, par elle-même, une fraude du pétitionnaire.
3. Le dossier de demande de permis de démolir présentée par le département de la Dordogne à la commune de Pontours comportait l'attestation prévue par les dispositions de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme selon laquelle le pétitionnaire remplissait les conditions définies par l'article R. 423-1 du même code. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une décision du juge judiciaire ait reconnu, à la date du permis de démolir contesté, le caractère mitoyen du mur de la construction promise à la démolition situé en limite de la propriété de M. B...lequel n'établit ni même n'allègue d'ailleurs qu'il avait saisi le juge judiciaire à cette fin. Dans ces circonstances le fait pour le département de la Dordogne d'avoir attesté, dans sa demande de permis de démolir, satisfaire aux conditions posées par l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ne caractérise pas en elle-même une fraude de la part du pétitionnaire. Il en est de même de l'emploi, dans la note de présentation du projet, de la locution " murs en position mitoyenne " pour désigner les murs de la construction vouée à la démolition situés en limite de propriété qui ne traduit pas la reconnaissance par le département de la Dordogne de l'existence d'un droit de propriété indivis de M. B...sur lesdits murs. Enfin, l'emploi des termes de murs mitoyens dans l'avis de l'architecte des bâtiments de France et dans le constat d'huissier ne saurait non plus ni établir la qualité de co-indivisaire de M. B...ni la reconnaissance de cette qualité par le département. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment du recours pour excès de pouvoir introduit par M. B...à l'encontre d'un premier permis de démolir, que la commune de Pontours avait connaissance de la revendication par M. B... de sa qualité de co-indivisaire mais également de l'existence d'une contestation sérieuse de cette qualité de la part du département de la Dordogne. La commune de Pontours n'était ainsi pas en situation de regarder la demande de permis de démolir comme émanant d'un pétitionnaire ne disposant, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer. Par suite, le département de la Dordogne et le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la délivrance du permis de démolir contesté avait méconnu les dispositions précitées de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Bordeaux.
5. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de démolir peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti, des quartiers, des monuments et des sites. ". Le premier alinéa de l'article R. 111-1 du même code, dans sa version alors en vigueur, dispose : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux constructions, aménagements, installations et travaux faisant l'objet d'un permis de construire, d'un permis d'aménager ou d'une déclaration préalable ainsi qu'aux autres utilisations du sol régies par le présent code ". Il résulte de ces dispositions que ni l'article R. 111-2 ni l'article R. 111-3 du même code ne sont opposables aux projets de démolitions et que l'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique et l'exposition au bruit ne sont pas au nombre des motifs pouvant légalement fonder un refus de permis de démolir. Par suite, le moyen tiré de l'existence de troubles qui résulteraient de la démolition autorisée n'est, en tout état de cause, pas fondé.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Dordogne et le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1201661 du 1er avril 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le permis de démolir qui lui été délivré le 27 février 2012 par le maire de Pontours au nom de l'Etat au département de la Dordogne.
7. Le présent arrêt qui rejette la demande d'annulation du permis de démolir présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Bordeaux n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de M. B...tendant à ce qu'il soit enjoint au département de remettre le mur en son état antérieur doivent être rejetées.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Dordogne et de la commune de Pontours, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 500 euros à verser au même titre au département de la Dordogne.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1201661 du tribunal administratif de Bordeaux du 1er avril 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
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Nos 14BX01555, 15BX01811