La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2016 | FRANCE | N°16BX00408

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 23 juin 2016, 16BX00408


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté en date du 3 juillet 2015 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1503987 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2016, M. B..

.représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté en date du 3 juillet 2015 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1503987 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2016, M. B...représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 novembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 3 juillet 2015 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de procéder au réexamen de sa situation, sous astreinte de 80 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens, ainsi qu'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Catherine Girault a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant marocain, est entré dans l'espace Schengen en Italie le 17 avril 2013 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de long séjour italien d'une durée de cent vingt jours, avant d'arriver en France le 22 avril 2013 selon ses déclarations. Le 20 octobre 2014, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté en date du 3 juillet 2015, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B...relève appel jugement n° 1503987 du 26 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur la légalité de l'arrêté du 3 juillet 2015 :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. La décision portant refus de titre de séjour vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde. Cette décision rappelle que lors d'un précédent séjour en France l'intéressé a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 18 mars 2008, confirmée par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 11 juin 2008, qu'il a quitté la France en 2010, que la demande de regroupement familial présentée par son épouse a été rejetée le 25 janvier 2011, et qu'il est entré dans l'espace Schengen en Italie le 17 avril 2013 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa italien d'une durée de cent vingt jours, avant d'arriver en France le 22 avril 2013. Le préfet indique également qu'il est en instance de divorce, que ses enfants sont nés en France, qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine où résident sa mère et ses trois frères et soeurs, qu'il justifie seulement de deux années de présence en France, où il ne démontre aucune intégration particulière et où il est sans ressources propres. Le préfet ajoute enfin que M. B...ne peut être regardé comme justifiant de motifs exceptionnels ou de circonstances humanitaires et qu'il n'établit pas encourir un risque personnel, réel et actuel pour sa vie en cas de retour au Maroc. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ce refus de titre de séjour doit, par conséquent, être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. Si M. B...fait valoir qu'il vit depuis l'année 2013 en France, où résident son épouse et leurs deux enfants, et qu'il est bien inséré dans la société française, il ressort des pièces du dossier qu'il a quitté le territoire national entre 2010 et 2013 sans son épouse et sa fille aînée née en 2010. Si la communauté de vie entre les époux a repris lors de son retour en France en 2013 et qu'un enfant est né en 2014, toutefois les époux sont en instance de divorce. M.B..., qui n'établit pas avoir noué d'autres liens privés et familiaux sur le territoire national, s'est maintenu irrégulièrement en France pendant deux ans alors qu'il faisait l'objet d'un refus de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français en 2008. L'intéressé ne justifie pas d'une participation ancienne, stable et continue à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants, lesquels résident chez leur mère. M. B...dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident sa mère et ses trois frères et soeurs. L'intéressé n'est par suite pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus qui lui ont été opposés. Les mêmes circonstances ne sont pas de nature à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ce refus de séjour sur sa situation personnelle.

5. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d' institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. M. B...n'établit ni qu'il vivrait avec ses enfants, ni qu'il assumerait effectivement ses obligations de parent. En l'absence de liens réels et avérés, la décision portant refus de titre de séjour ne méconnaît pas non plus les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant.

7. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ". Aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" éventuellement assortie de restrictions géographiques et professionnelles. / Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". L'article R. 5221-20 du même code précise : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail (...) " . Les dispositions des articles R. 5221-3, 6°, R. 5221-11, R. 5221-15 et R. 5221-17 du code du travail prévoient que la demande d'autorisation de travail est présentée par l'employeur et que pour un étranger déjà présent sur le territoire national, elle doit être adressée au préfet.

8. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir une carte de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à l'égard d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

9. Il ressort des termes de l'arrêté que le préfet a, d'une part, examiné la demande de M. B...au regard de l'article 3 de l'accord franco-marocain et, d'autre part, que, après avoir écarté l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a recherché, au titre de son pouvoir de régularisation, si la demande du requérant répondait à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. Après examen de l'ensemble de la situation de l'intéressé, et eu égard notamment à sa situation familiale et à son ancienneté de présence, le préfet a estimé que M. B...ne pouvait être regardé comme justifiant, par les éléments qu'il fait valoir, de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour. Dès lors, il n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit.

10. S'agissant de la délivrance d'un titre de séjour au titre d'une activité salariée, il résulte de ce qui a été énoncé au point 8 que M. B...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, le requérant n'établit pas que son employeur potentiel ait adressé aux services de la préfecture un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi. Dès lors, le préfet de la Gironde a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain ni les dispositions du code du travail, refuser de lui délivrer un titre de séjour pour défaut de présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour contesté, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

12. Pour les motifs précédemment exposés au point 4, M. B...n'établit pas que la décision du préfet portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

13. En l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français contestés, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions de sa requête, y compris celles tendant à ce que des injonctions soient adressées au préfet de la Gironde et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

''

''

''

''

6

No 16BX00408


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 16BX00408
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP AMBRY-BARAKE-ASTIE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-06-23;16bx00408 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award