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05/07/2016 | FRANCE | N°15BX03433

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 05 juillet 2016, 15BX03433


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Les Colonnades a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la commune de Goyave à lui verser une indemnité de 5 159 189 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme pré-opérationnel délivré par le maire de cette commune le 21 octobre 2004, prorogé par décision du 22 août 2005 et du refus de permis de construire du 18 avril 2005.

Par un jugement n° 0800662 du 15 mars 2012

, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Les Colonnades a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la commune de Goyave à lui verser une indemnité de 5 159 189 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme pré-opérationnel délivré par le maire de cette commune le 21 octobre 2004, prorogé par décision du 22 août 2005 et du refus de permis de construire du 18 avril 2005.

Par un jugement n° 0800662 du 15 mars 2012, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12BX01322 du 14 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, condamné la commune de Goyave à verser à la SCI Les Colonnades la somme de 23 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la demande par le service instructeur d'une étude hydraulique au soutien de sa demande de permis de construire, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2008 et de la capitalisation de ces intérêts à la date du 10 octobre 2011, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, d'autre part, réformé le jugement en ce qu'il avait de contraire à l'arrêt de la cour et mis à la charge de la commune de Goyave la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par une décision n° 375538 du 5 novembre 2014, le Conseil d'Etat n'a admis les conclusions du pourvoi de la SCI Les Colonnades tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 14 novembre 2013 qu'en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des préjudices de cette société résultant de la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif par le maire de Goyave.

Par une décision n° 375538 du 14 octobre 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur le pourvoi de la SCI Les Colonnades, a annulé l'arrêt du 14 novembre 2013 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il se prononce sur les conclusions de la SCI Les Colonnades tendant à l'indemnisation des préjudices ayant résulté pour elle de la délivrance du certificat d'urbanisme positif du 4 août 2004 et renvoyé l'affaire, dans la limite de la cassation prononcée, devant la cour.

Procédure devant la cour :

La décision n° 375538 du 14 octobre 2015 du Conseil d'Etat a été enregistrée au greffe de la cour le 19 octobre 2015 sous le n° 15BX03433.

Par des mémoires, enregistrés les 30 novembre 2015, 29 février 2016 et 7 mars 2016, la SCI Les Colonnades, représentées par la SCP CGCB et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800662 du 15 mars 2012 en tant que le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Goyave à réparer le préjudice subi du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme délivré le 21 octobre 2004 ;

2°) de condamner la commune de Goyave à lui verser une indemnité de 540 690,77 euros, ou, à titre subsidiaire de 408 304 euros, en tout état de cause augmentée des intérêts légaux à compter de la date de réception par l'administration de la réclamation préalable, soit à compter du 14 avril 2008, avec capitalisation des intérêts dus en application de l'article 1154 du code civil ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Goyave le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SCI Les Colonnades, et de Me B..., représentant la commune de Goyave.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Les Berges de la Rose, devenue SCI Les Colonnades, a sollicité le 23 juin 2004 auprès du maire de la commune de Goyave (Guadeloupe) un certificat d'urbanisme sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, pour la construction d'un immeuble commercial d'une surface hors oeuvre nette (SHON) de 7 500 mètres carrés. Par décision du 4 août 2004, le maire a délivré un certificat positif. La SCI ayant acquis le terrain par un acte notarié du 21 octobre 2004, elle a sollicité un permis de construire auprès du maire de Goyave, lequel, par arrêté du 18 avril 2005, le lui a refusé sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison de risques d'inondation. La SCI a recherché la responsabilité de la commune de Goyave tant pour lui avoir délivré un certificat d'urbanisme positif, que pour avoir refusé de lui délivrer le permis après lui avoir demandé de réaliser des études complémentaires. Par un arrêt du 14 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a fait droit à ses conclusions indemnitaires qu'en tant qu'elles tendaient au remboursement des frais liés à la demande de renseignements complémentaires. Après avoir admis, par une décision du 5 novembre 2014, le pourvoi de la SCI dirigé contre cet arrêt en tant qu'il concerne le rejet des conclusions tendant à obtenir réparation des conséquences dommageables de la délivrance du certificat d'urbanisme positif, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, par une décision du 14 octobre 2015, annulé l'arrêt susmentionné de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il se prononce sur lesdites conclusions et renvoyé l'affaire devant la cour, dans la limite de la cassation prononcée.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Goyave :

2. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le certificat d'urbanisme indique les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsque la demande précise l'opération projetée, en indiquant notamment la destination des bâtiments projetés et leur superficie de plancher hors oeuvre, le certificat d'urbanisme précise si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération. / Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme et, notamment, des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat d'urbanisme est négative. / Dans le cas où la constructibilité du terrain ou la possibilité de réaliser une opération déterminée est subordonnée à l'avis ou à l'accord des services, autorités ou commissions relevant du ministre chargé des monuments historiques ou des sites, le certificat d'urbanisme en fait expressément la réserve. / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier et en particulier de l'étude hydraulique réalisée par la SCI Les Colonnades pour l'instruction de sa demande de permis de construire, que le terrain d'assiette du projet, situé dans une région à épisodes cycloniques fréquents sur la rive gauche de la rivière La Rose, présente un risque d'inondation fort en cas de crue de type centennale, avec une vitesse d'écoulement élevée pouvant dépasser un mètre par seconde et une hauteur de submersion pouvant atteindre deux mètres sur l'extrémité nord ouest de la parcelle. Il ressort des écritures d'appel de la commune de Goyave que celle-ci a pu constater le caractère totalement inondable de la parcelle à la suite du passage de l'ouragan Lenny en 1999. Si la commune de Goyave fait valoir que le risque d'inondation n'était pas de nature à rendre le terrain totalement inconstructible, elle n'établit pas, ainsi que l'a déjà relevé l'arrêt susmentionné de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 14 novembre 2013 non infirmé sur ce point, que des prescriptions spéciales, propres à assurer la sécurité des personnes et des biens, auraient permis d'adapter le projet de construction à l'ensemble des contraintes du site. Avant d'acquérir le 21 octobre 2004 le terrain en cause, la SCI Les Colonnades avait, le 4 mai précédent, reçu une réponse positive du maire de Goyave à sa demande de certificat d'urbanisme en vue d'y édifier un immeuble commercial. Ce certificat, qui mentionnait dans son cadre 9 que " le terrain peut être utilisé pour la réalisation de l'opération projetée ", précisait seulement que " l'attention du pétitionnaire est attirée sur les risques naturels pouvant se produire sur ce terrain (zone inondable) ". Dans ces conditions, et alors que le maire de Goyave était tenu, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, de délivrer à la SCI Les Colonnades un certificat d'urbanisme négatif, en indiquant dans le certificat d'urbanisme du 4 août 2004 que le terrain pouvait être utilisé pour la construction d'un immeuble commercial d'une surface hors oeuvre nette (SHON) de 7 500 mètres carrés, le maire de la commune de Goyave a commis une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la commune vis-à-vis de la SCI Les Colonnades. Si la requérante est fondée à soutenir que cette illégalité l'a privée de la possibilité de renoncer à l'acquisition d'un terrain exposé à des risques incompatibles avec son projet de construction d'un immeuble commercial, elle a, en négligeant de s'assurer du risque d'inondation sur lequel elle avait été informée par le certificat d'urbanisme susmentionné, commis une imprudence justifiant que soit laissée à sa charge une part de responsabilité. En revanche, la commune de Goyave n'est pas fondée à soutenir que la SCI Les Colonnades, qui n'avait l'expérience d'aucune autre opération foncière, aurait commis une autre imprudence fautive en se portant acquéreur du terrain sans adjoindre à l'acte notarié d'acquisition du terrain de condition suspensive relative à l'obtention du permis de construire. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des responsabilités respectives en laissant à la charge de la SCI Les Colonnades la moitié des préjudices indemnisables.

En ce qui concerne les préjudices :

4. L'illégalité d'un certificat d'urbanisme délivré par une commune n'ouvre droit à indemnité que dans la mesure où le requérant justifie, à la date à laquelle le juge statue, de préjudices directs et certains.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que La SCI Les Colonnades est fondée à soutenir que l'illégalité du certificat d'urbanisme qui lui a été délivré l'a privée de la possibilité de renoncer à l'acquisition d'un terrain exposé à des risques incompatibles avec le projet de construction d'un immeuble commercial. Le préjudice matériel résultant pour elle de la différence entre le prix d'acquisition de ce terrain et sa valeur réelle à la date d'acquisition trouve ainsi son origine directe dans la faute retenue à l'encontre de la commune de Goyave. Il résulte de l'instruction que la requérante a fait l'acquisition de la parcelle en cause pour un montant, comprenant les frais d'agence, de 426 744 euros et qu'en raison de son caractère inondable, sa valeur résiduelle ne peut excéder celle de terres agricoles. Dans les circonstances de l'espèce, il sera dès lors fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à 413 511 euros. Compte tenu du partage de responsabilité retenu au point 3, il y a lieu de condamner la commune de Goyave à verser à la SCI Les Colonnades une somme de 206 755 euros en réparation de son préjudice matériel.

6. Les frais de géomètre, de nettoyage du terrain en cause et de pose de grillage, qui restent utiles au terrain dont la SCI Les Colonnades demeure propriétaire, ainsi que les frais d'acquisition et de pose de panneau de chantier sont dépourvus de tout lien avec le certificat d'urbanisme illégal. Par suite, la requérante ne peut prétendre à une indemnisation de ces chefs de préjudice.

7. A l'appui de sa demande d'indemnisation, la SCI Les Colonnades fait état de frais d'architecte, pour la justification desquels elle produit diverses factures. Toutefois, s'agissant de la note d'honoraires d'architecte, portant sur un " deuxième projet " de construction d'un centre commercial, d'un montant de 21 710 euros et datée du 30 juin 2007, soit postérieurement au refus de permis de construire opposé le 18 avril 2005, les frais en cause ne présentent pas de lien de causalité direct avec l'illégalité du certificat d'urbanisme du 4 août 2004, lesdits frais ayant été exposés pour la réalisation d'un projet immobilier distinct de celui déclaré réalisable par le certificat d'urbanisme en litige. Par ailleurs, les factures antérieures au certificat d'urbanisme en cause, datées des 22 juin 2004 et 29 juillet 2004 des montants de 3 685 euros et 1 050 euros ne peuvent être regardées comme lui étant imputables. Parmi les factures que la requérante produit, directement liées au projet déclaré réalisable par le certificat d'urbanisme en cause, l'intéressée ne justifie s'être effectivement acquittée que de la somme de 23 555,95 euros TTC due à son architecte et réglée le 25 février 2010. Dès lors que l'intéressée ne justifie pas qu'elle n'aurait pas été en mesure de déduire, de répercuter ou de se faire rembourser le montant intégral de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette facture, ce préjudice doit être calculé hors taxes, soit 21 710 euros. Compte tenu du partage de responsabilité retenu au point 3, il y a lieu de condamner la commune de Goyave à verser à la SCI Les Colonnades une somme de 10 855 euros en réparation de ce préjudice.

8. Si la société demande l'indemnisation des frais de constitution du dossier d'autorisation de création d'un ensemble commercial auprès de la commission départementale d'équipement commercial, elle ne justifie pas avoir effectivement procédé à un règlement à ce titre. S'agissant des frais de parution d'annonce légale, le 12 mai 2005, relativement à l'autorisation accordée à la société requérante de créer un tel ensemble commercial, ces frais ne sont pas directement imputables au certificat d'urbanisme illégal en cause.

9. Si la requérante fait état de frais de petit outillage et de frais de papeterie, elle n'établit pas que ces frais seraient en lien avec le certificat d'urbanisme illégal.

10. Enfin, les frais d'avocat engagés dans le cadre de la présente action ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une indemnisation autre que celle résultant de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Les Colonnades est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il ne lui a pas accordé une indemnité de 217 610 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

12. La SCI Les Colonnades a droit aux intérêts sur la somme de 217 610 euros mentionnée au point 11 à compter du 14 avril 2008, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation par la commune de Goyave. Elle a demandé la capitalisation des intérêts échus pour la première fois dans un mémoire enregistré le 10 octobre 2011. En application de l'article 1154 du code civil, la capitalisation de ces intérêts sera prononcée à cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Les Colonnades, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la commune de Goyave demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune défenderesse le versement à la société requérante d'une somme de 2 500 euros en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Goyave est condamnée à verser la somme de 217 610 euros à la SCI Les Colonnades, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2008 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 10 octobre 2011.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 15 mars 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Goyave versera à la SCI Les Colonnades la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la commune de Goyave présentés sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 15BX03433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX03433
Date de la décision : 05/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-05 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : VISSERON

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-05;15bx03433 ?
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