Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le centre hospitalier intercommunal de Marmande-Tonneins a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la SELARL d'architecture Jean-FrançoisD..., M. F... H..., le cabinet d'architecture Luc C...-B... JR et AlainG..., la société Jacobs Serete BET, la société Jacqmin et la société Spie Sud-Ouest à lui verser une indemnité de 1 657 900 euros avec intérêts au taux légal en réparation des pertes d'exploitation résultant des retards d'exécution des travaux de réhabilitation et d'extension du centre hospitalier.
Par un jugement n° 1000588 du 23 juin 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné, respectivement au titre des pertes d'exploitation et des frais d'expertise, la société Jacobs France à verser les sommes de 20 681,60 euros et de 16 646,65 euros, la société Spie Sud-Ouest à verser les sommes de 10 340,80 euros et de 8 323,33 euros, la SELARL d'architecture Jean-François D...à verser les sommes de 3 446,93 euros et de 2 774,44 euros MM. H...et C...-B... à verser les sommes de 6 893,87 euros et de 5 548,88 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 août 2014, la société par actions simplifiée (SAS) Spie Sud-Ouest, représentée par MeN..., demande à la cour :
1°) à titre principal, de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 juin 2014 en tant qu'il l'a condamnée à verser une somme de 10 340,80 euros au centre hospitalier intercommunal de Marmande-Tonneins et une somme de 8 323,33 euros au titre des frais d'expertise ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en réduisant les condamnations prononcées à son encontre et en condamnant le groupement de maîtrise d'oeuvre à la relever et à la garantir de ces condamnations ;
3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a retenu comme faute le fait d'avoir livré une stérilisation non conforme pour la tranche conditionnelle n° 1 du marché. Or l'expert mandaté par le tribunal a imputé la responsabilité des désordres affectant les locaux de stérilisation pour partie à la maîtrise d'ouvrage et pour le surplus à la conception de l'ouvrage, sans rien retenir à l'égard de l'exécution des ouvrages. Ainsi, ni les désordres affectant les locaux de stérilisation, ni l'allongement des délais en résultant ne lui sont imputables ;
- le déroulement du chantier démontre que les différents retards étaient inévitables. En effet, le découpage entre tranche ferme et tranches conditionnelles n'est pas cohérent puisque la tranche ferme ne pouvait fonctionner de manière autonome. L'absence ou l'insuffisance de diagnostic technique et fonctionnel ont conduit le maître d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre à commander des adaptations qui n'avaient pas été programmées à l'appel d'offres. Enfin, la faible présence de la maîtrise d'oeuvre et de l'OPC est à l'origine des difficultés qu'elle a rencontrées à l'interface avec les entreprises des autres lots, ce qui a impliqué qu'elle mette en oeuvre des moyens supplémentaires pour rattraper des retards indépendants de son activité ;
- aucun retard dans le commencement de la tranche conditionnelle n° 2 ne peut lui être imputé puisque ce retard découle de celui affectant la tranche conditionnelle n° 1, lequel est imputable aux conditions d'exécution des travaux par la société Grands travaux du bassin aquitain. Le problème soulevé en cours de chantier par la direction régionale de l'action sanitaire et sociale et le pharmacien de l'hôpital résulte d'une absence de communication entre le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre lors de la transmission du programme puis lors de la mise au point du dossier de consultation des entreprises. S'agissant de son devoir de conseil, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, elle ne pouvait, à l'instar des autres intervenants, prodiguer des conseils en matière de fonctionnement d'un hôpital et n'avait par ailleurs pas les compétences lui permettant de déceler les erreurs de conception du service de stérilisation. C'est d'ailleurs ce qu'a estimé l'expert qui n'a pas retenu sa responsabilité.
- en tout état de cause, il paraît excessif de lui imputer une part de responsabilité de l'ordre de 20% ;
- comme indiqué précédemment, le retard est imputable à la maîtrise d'oeuvre qui n'a pas conçu une stérilisation conforme à ce que pouvait attendre la direction régionale de l'action sanitaire et sociale et n'a pas fourni de diagnostic de conception du gros oeuvre. La maîtrise d'oeuvre doit donc la garantir de toute condamnation dont elle pourrait faire l'objet ;
- la mesure d'expertise a permis de pallier la carence du centre hospitalier dans l'administration de la preuve de son préjudice. Le rapport d'expertise a retenu un préjudice correspondant à 3% du montant réclamé par le centre hospitalier. D'une part, le coût de l'expertise est disproportionné par rapport à l'enjeu de l'affaire et d'autre part, cette dépense doit être imputée au demandeur car elle est le fruit de l'imprécision de sa demande et de son caractère manifestement disproportionné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2014, le centre hospitalier intercommunal Marmande-Tonneins conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Spie Sud-Ouest la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la part de la responsabilité de la requérante a été admise dans le jugement du 4 juillet 2013 qui a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 juin 2014. Le jugement attaqué est donc devenu définitif et ne peut dès lors être remis en cause ;
- la société requérante opère une confusion entre l'existence du préjudice, laquelle a été reconnue dans le jugement du 4 juillet 2013, et son quantum qui a été déterminé par le jugement attaqué. Or, comme le démontre le rapport d'expertise, cette question était complexe, ce qui explique le coût de l'expertise. Cette mission n'était donc pas injustifiée de sorte que la société requérante doit supporter le coût de cette mesure à due proportion de sa part de responsabilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2015, MM. F...H..., M...A...etG..., représentés par MeK..., concluent :
- au rejet de la requête, à l'exception de la demande afférente aux frais d'expertise ;
- à ce que la SAS Spie Sud-Ouest verse à MM. F...H...et C...-B... A...a somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- la répartition des responsabilités ne peut plus être contestée puisque le jugement du 4 juillet 2013 statuant sur cette question doit être considéré comme définitif ;
- en revanche, ce jugement n'avait pas tranché la répartition des frais d'expertise, de sorte que ce point peut encore être utilement contesté. Or la demande du centre hospitalier était fantaisiste au regard de son caractère manifestement disproportionné, son préjudice étant finalement d'un montant proche de celui des frais d'expertise. Cette dernière étant ainsi motivée par le manque de préparation et le manque de justification du centre hospitalier, il incombe à ce dernier de la prendre en charge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2015, la SAS Jacobs France, représentée par MeI..., conclut :
- à titre principal, au rejet de la requête ;
- à titre subsidiaire, en cas de réformation de la décision sur les frais d'expertise, à ce que les frais d'expertise soient mis à la charge du centre hospitalier intercommunal Marmande-Tonneins ;
- à ce que soit mise à la charge solidaire de la SAS Spie Sud-Ouest et de toute autre partie succombante la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le partage des responsabilités ayant été fixé par le tribunal puis la cour administrative d'appel selon un arrêt qui n'a pas fait l'objet de pourvoi, cette question est définitivement tranchée. L'appel est donc irrecevable sur ce point ;
- s'agissant des frais d'expertise, elle s'en remet à la décision de la cour. Toutefois, elle est recevable à former appel provoqué dans l'hypothèse d'une réformation du jugement, les frais d'expertise devant alors être mis à la charge du centre hospitalier qui est à l'origine de cette mesure eu égard à sa carence à évaluer son préjudice.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2015, la société anonyme (SA) Socotec France, représentée par MeO..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- aucune demande de la présente instance n'est dirigée à son encontre. En tout état de cause, une telle demande serait irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée dont est revêtu l'arrêt du 9 juillet 2014 de la cour administrative d'appel.
Par un mémoire enregistré le 30 août 2016, la SAS Nox industrie et Process, représentée par MeI..., précise qu'elle vient aux droits de la société Jacobs qu'elle a acquise le 15 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- les observations de Me Della-Libera, avocat de la SAS Nox industrie et Process et celles de Me Rivière, avocat du centre hospitalier intercommunal de Marmande-Tonneins ;
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier intercommunal (CHIC) de Marmande-Tonneins a, le 20 décembre 1995, confié la maîtrise d'oeuvre des travaux de réhabilitation et d'extension de ses locaux à un groupement composé de trois architectes, M.D..., M. H...et M. C...-B... et d'un bureau d'études techniques, la société Jacobs Serete, aux droits de laquelle vient la société Jacobs France, puis la SAS Nox industrie et Process. Ces travaux comprenaient une tranche ferme concernant l'extension des locaux, une tranche conditionnelle n° 1 relative à la réhabilitation de l'aile sud du bâtiment existant et une tranche conditionnelle n° 2 relative à la réhabilitation de l'aile nord du bâtiment existant. Le marché afférent à ces travaux étant alloti, les lots n° 11 et 12, relatifs au chauffage, à la ventilation, à la climatisation et à l'électricité-courants forts ont été attribués à la société Spie Trindel, aux droits de laquelle vient la SAS Spie Sud-Ouest. Le lot n° 7 relatif aux faux plafonds a été attribué à la société Jacqmin. La mission de contrôle technique a été confiée à la société Socotec. En raison d'importants retards ayant affecté la réalisation de la tranche ferme et de la tranche conditionnelle n° 1, le centre hospitalier intercommunal de Marmande-Tonneins a renoncé à la réalisation de la tranche conditionnelle n° 2 et a en conséquence résilié le 27 juin 2005, dans l'intérêt du service, les marchés y afférents. Le centre hospitalier a ensuite saisi le tribunal administratif de Bordeaux afin d'obtenir la condamnation in solidum de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) d'architecture Jean-FrançoisD..., de M. H..., du cabinet d'architectes Luc C...Jr et AlainG..., de la société Jacobs Serete, de la société Jacqmin et de la société Spie Sud-Ouest à lui verser une indemnité de 1 657 900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2007 en réparation des pertes de recettes résultant notamment de l'impossibilité de mettre en service une partie de ses locaux sur la période comprise entre le 22 septembre 2002, date théorique de réception de la tranche conditionnelle n° 2, et le 27 juin 2005, date de résiliation des marchés concernés. Par un premier jugement en date du 4 juillet 2013, confirmé par un arrêt de la cour de céans en date du 9 juillet 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a, en premier lieu, retenu la responsabilité solidaire à hauteur de 80 % du préjudice et selon la répartition suivante : la moitié pour la SAS Jacobs France, le quart pour la SAS Spie Sud-Ouest, le sixième pour MM. H...et C...B...et le douzième pour M.D..., en deuxième lieu, accueilli les appels en garantie réciproquement formés par les constructeurs dont la responsabilité a été retenue, en troisième lieu, rejeté les conclusions reconventionnelles présentées par M. H...et le cabinet d'architectes Luc C...Jr et Alain G...et, en dernier lieu, ordonné une expertise afin de déterminer la réalité et le montant du manque à gagner subi par le centre hospitalier. Par un second jugement en date du 23 juin 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné, respectivement au titre des pertes d'exploitation et au titre des frais d'expertise, la SAS Jacobs France à verser les sommes de 20 681,60 euros et de 16 646,65 euros, la SAS Spie Sud-Ouest à verser les sommes de 10 340,80 euros et de 8 323,33 euros, la SELARL d'architecture Jean-François D...à verser les sommes de 3 446, 93 euros et de 2 774, 44 euros, MM. H...et C...-B... à verser les sommes de 6 893,87 euros et de 5 548,88 euros. La SAS Spie Sud-Ouest relève appel de ce jugement à raison des condamnations prononcées à son encontre.
2. En premier lieu si la SAS Spie Sud-Ouest conteste le principe même de sa responsabilité ou, à tout le moins, sa part de responsabilité, et appelle en garantie le groupement de maîtrise d'oeuvre, ces questions ont été tranchées, ainsi que cela a été rappelé au point 1, par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 4 juillet 2013 confirmé par un arrêt de la cour de céans en date du 9 juillet 2014 passé en force de chose jugée en l'absence de pourvoi. Ainsi eu égard à l'identité de parties, d'objet et de cause juridique, l'autorité de la chose jugée dont est revêtu cet arrêt fait obstacle à ce que les conclusions de la SAS Spie Sud-Ouest tendant au rejet des demandes indemnitaires dirigées à son encontre, ou, à titre subsidiaire, à la réduction de la condamnation prononcée à son encontre et à l'appel en garantie subséquent du groupement de maîtrise d'oeuvre, fondées sur le seul motif que les désordres en cause ne lui seraient pas imputables, puissent être accueillies.
3. En second lieu, aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".
4. La SAS Spie Sud-Ouest soutient que des circonstances particulières au sens de l'article R. 761-1 précité du code de justice administrative, tirées du caractère manifestement disproportionné de la demande indemnitaire et de l'insuffisance de justificatifs au soutien de celle-ci, justifient que les frais d'expertise soient intégralement mis à la charge du centre hospitalier intercommunal de Marmande-Tonneins. Il résulte cependant de l'instruction que l'évaluation du manque à gagner du centre hospitalier était une question particulièrement complexe qui, indépendamment du montant manifestement excessif réclamé par le centre hospitalier, aurait, en tout état de cause, nécessité la réalisation d'une expertise. Il résulte également de l'instruction que le centre hospitalier a répondu aux demandes de l'expert en produisant les documents sollicités et n'a ni rendu plus difficile la conduite des opérations d'expertise, ni rendu plus onéreuse cette dernière en raison du caractère disproportionné de sa demande. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du centre hospitalier, qui, en vertu du jugement attaqué supporte 20% des frais d'expertise, l'intégralité de ces frais.
5. Il résulte de ce qui précède que la SAS Spie Sud-Ouest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à verser au centre hospitalier de Marmande-Tonneins une indemnité de 10 340,80 euros et à verser la somme de 8 323,33 euros au titre des frais d'expertise.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit accueillie la demande présentée à ce titre par la SAS Spie Sud-Ouest, qui est la partie perdante à la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas davantage lieu d'accueillir la demande présentée à ce titre par la SA Socotec. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Spie Sud-Ouest des sommes de 500 euros chacun à verser au centre hospitalier intercommunal de Marmande-Tonneins, à MM. H...et C...-B...A..., et à la SAS Nox Industrie et Process venant aux droits de la SAS Jacobs France.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Spie Sud-Ouest est rejetée.
Article 2 : La SAS Spie Sud-Ouest versera au centre hospitalier intercommunal de Marmande-Tonneins, à MM. H...et C...-B...A..., et à la SAS Nox industrie et Process des sommes de 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la SA Socotec présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Spie Sud-Ouest, au centre hospitalier intercommunal Marmande-Tonneins, au cabinet d'architectes Luc C...-B... JR et AlainG..., à la SAS Nox industrie et Process, à M. F... H..., à la SELARL d'architecture Jean-FrançoisD..., à la SA Socotec, à la société CIIAT et à Me P...L..., mandataire liquidateur de la société Jacqmin. Copie en sera adressée pour information à Mme E...J..., expert.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2016.
Le rapporteur,
Paul-André BRAUDLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 14BX02443