Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI d'Elea a demandé au tribunal administratif de Pau de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les années 2004, 2005 et 2006 ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis.
Par un jugement n° 1201074 du 11 février 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté partiellement sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 avril 2014 et le 2 septembre 2016, la SCI d'Elea, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 11 février 2014 en tant qu'il a rejeté partiellement sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2004 à 2006 ainsi que des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. La SCI d'Elea, qui a pour activité la location de locaux professionnels, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2004 à 2006 à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et a mis à sa charge des pénalité de 80 % au titre du b de l'article 1729 du code général des impôts. Après réclamation préalable, la requérante a obtenu le dégrèvement de 24 889 euros en droits et de 23 209 euros en pénalités. Elle a saisi le tribunal administratif de Pau qui a encore prononcé une décharge partielle. La requérante relève appel du jugement.
Sur l'étendue du litige :
2. Ainsi qu'il vient d'être rappelé, les premiers juges ont partiellement fait droit à la demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sollicitée par la société requérante, à hauteur de 5 236 euros en droits de taxe sur la valeur ajoutée et de 5 696 euros en pénalités. L'administration ne conteste pas cette décharge partielle devant la cour. La requête de la SCI d'Elea est donc irrecevable en ce qui concerne les droits et pénalités ainsi déchargées.
3. Il résulte également de l'instruction que par décision du 19 septembre 2016 postérieure à l'introduction de la requête, l'administration, qui a entendu substituer la pénalité de 40 % prévue par le a de l'article 1729 du code général des impôts à la pénalité de 80 % prévue par le b du même article, a encore dégrevé partiellement les pénalités en litige à hauteur de la somme de 9 243 euros. Les conclusions de la société à fin de décharge sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :
En ce qui concerne les sommes reçues de la compagnie d'assurance Fédération continentale :
4. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) " ;
5. Le service a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée une somme de 45 018,61 euros dont il a estimé qu'il n'était pas justifié par la société qu'il s'agissait d'indemnités d'assurance n'étant la contrepartie d'aucune prestation de services.
6. Toutefois, pour justifier de la nature de cette somme, la SCI d'Elea produit une demande d'adhésion au contrat d'assurance " décès invalidité incapacité de travail " de la Fédération Continentale du groupe Generali et de la Société Générale, souscrite par le gérant au profit de l'emprunteur SCI d'Elea et acceptée par l'assureur le 4 février 2000. La demande précise que le montant à assurer au profit du gérant est de 2 700 000 francs, correspondant à 60 % du montant emprunté qui est de 4 500 000 francs, l'emprunteur étant la SCI d'Elea. La requérante produit également un contrat de prêt conclu le 23 février 2000 et enregistré le 24 mars au bureau des hypothèques d'Auch, entre la Société Générale et la SCI d'Elea portant sur la somme de 4 500 000 francs soit 686 020,58 euros. Le contrat précise notamment que le prêt est assorti de l'assurance groupe " décès invalidité incapacité de travail " à 60 % sur la tête de M. C... B...et à 40 % sur celle de son associée. Enfin, la requérante produit une attestation de la société d'assurance Generali du 19 septembre 2013, laquelle précise avoir indemnisé " le dossier de M.B... " au titre de la garantie incapacité temporaire totale de travail, après application de la franchise contractuelle de 90 jours, du 6/6/2004 au 25/6/2005, concernant son prêt n° 200136057205 souscrit le 20 novembre 1999 à la Société Générale, pour une somme totale de 45 018,61 euros. Au vu de l'ensemble de ces pièces, la requérante apporte la preuve que la somme de 45 018,61 euros, versée par la société Fédération Continentale au cours de la période de mars à juillet 2005, correspond à la perception d'une indemnité d'assurance-crédit au titre de l'incapacité de travail de son gérant et à raison de l'emprunt souscrit pour le compte de la SCI d'Elea à la Société générale qui doit être regardée comme la réparation d'un préjudice non taxable et non comme la contrepartie d'une prestation de services. Par suite, la société est fondée à soutenir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la somme de 45 018,61 euros en litige n'est pas imposable au titre de la taxe sur la valeur ajoutée.
En ce qui concerne les sommes perçues de la société Eurorenting et Trading :
7. La SCI d'Elea, en revanche, ne démontre pas, par les seules écritures comptables qu'elle produit, que les sommes reçues de la part de la société Eurorenting et Trading des montants de 11 112,80 euros et 3 707 euros et facturées le 22 février 2006, seraient la contrepartie du règlement partiel d'un droit d'entrée dont le paiement aurait été fractionné et dont le montant total de 63 000 euros aurait déjà été imposé à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2004 et non le versement de loyers. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle a subi une double taxation à ce titre.
En ce qui concerne la TVA déductible :
8. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est (...) a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ; ".
9. En premier lieu, la requérante n'a déclaré aucun montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre d'une opération de livraison à soi-même, et elle ne fournit aucun justificatif démontrant une déduction de 1 960 euros correspondant à une telle opération. Celle-ci ne peut donc être admise.
10. En second lieu, la requérante a comptabilisé comme " report à nouveau " une somme de 2 521,68 euros et sollicite le droit à déduction au titre de l'article 271 du code général des impôts. Toutefois elle ne justifie ni de la nature ni de l'origine de cette somme. Cette déduction ne peut donc pas non plus être admise.
Sur la demande de compensation présentée par l'administration :
11. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande. "
12. L'administration soutient que le vérificateur a sous-évalué les loyers perçus par la SCI d'Elea au cours des années 2004 à 2006, en raison d'une erreur de calcul. C'est pourquoi elle a reconstitué le chiffre d'affaires perçu par cette société mois par mois et locataire par locataire. Toutefois pour établir la sous-évaluation sur laquelle elle se fonde, l'administration produit un tableau reprenant le montant des loyers encaissés par la requérante dont elle n'indique ni l'origine ni les modalités de détermination. Dans ces conditions, l'administration ne donne pas d'éléments suffisamment précis permettant de justifier sa demande de compensation. Celle-ci ne peut qu'être rejetée.
Sur les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré / b. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".
14. Ainsi qu'il a été rappelé, l'administration a dégrevé la majoration pour manoeuvre frauduleuse de 80 % dont les impositions en litige ont été assorties en application du b de l'article 1729 du code général des impôts. Elle demande toutefois à la cour de substituer à cette majoration celle de 40 % prévue par le a de la même disposition.
15. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en en modifiant le fondement juridique, à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l'administration invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée.
16. Il résulte de la proposition de rectification que, pour appliquer à la SCI d'Elea des majorations pour manoeuvre frauduleuse, l'administration s'est fondée sur quatre motifs : l'attitude de la société destinée à empêcher l'administration d'effectuer les investigations nécessaires, l'existence d'importantes minorations de recettes taxables à la taxe sur la valeur ajoutée, le défaut de comptabilisation de certaines factures et le fait que lors du contrôle d'autres sociétés dirigées par M.B..., son gérant, des procédés similaires ont été constatés.
17. Pour justifier la substitution de base légale et les manquements délibérés de la société, l'administration retient deux de ces motifs : l'existence d'importantes minorations de recettes taxables à la taxe sur la valeur ajoutée et le défaut de comptabilisation de certaines factures. Toutefois compte tenu des montants de taxe restant en litige après les dégrèvements successifs accordés par l'administration et les décharges prononcées par les premiers juges et admises par la cour dans le présent arrêt, et eu égard aux motifs des rappels qui subsistent, l'administration ne peut pas être regardée comme justifiant du caractère délibéré des manquements notifiés à la SCI d'Elea. Dès lors, sa demande tendant à procéder à une substitution des pénalités pour manoeuvre frauduleuse à des pénalités pour manquement délibéré ne peut qu'être écartée.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande en décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée procédant de la taxation d'une indemnité d'assurance de 45 018,61 euros et sa demande en décharge des pénalités infligées en application de l'article 1729 du code général des impôts.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société en l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge des pénalités à hauteur du dégrèvement de 9 243 euros opéré le 19 septembre 2016.
Article 2 : La SCI d'Elea est déchargée du rappel de taxe sur la valeur ajoutée procédant de la taxation d'une indemnité d'assurance de 45 018,61 euros et des pénalités infligées en application de l'article 1729 du code général des impôts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1201074 du 11 février 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la SCI d'Elea la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions d'appel incident du ministre des finances et des comptes publics sont rejetés.
N° 14BX01159