Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société MSO Sablirot a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la société Electricité de France à lui verser la somme de 36 599 875 euros en réparation des préjudices causés par le refus de signer le contrat d'achat de l'électricité devant être produite par la centrale de production électrique par l'énergie radiative du soleil qu'elle projetait d'exploiter à Garein.
Par un jugement n° 1300034 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er décembre 2014 et un mémoire enregistré le 27 juillet 2015, la société MSO Sablirot, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 30 septembre 2014 ;
2°) de condamner la société Electricité de France à lui verser les sommes de :
- 845 633 euros au titre des frais de développement engagés en vue de la construction de la centrale photovoltaïque ;
- 34 754 242 euros en réparation de la perte de marge sur les ventes d'électricité non réalisées au prix applicable à la date de la demande complète ;
- 1 000 000 euros au titre du manquement de la société EDF à son obligation de loyauté et de bonne foi, à la suite de sa résistance abusive.
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Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l'énergie, modifiée, notamment, par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, portant engagement national en faveur de l'environnement ;
- le décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000, fixant par catégorie d'installations les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat d'électricité ;
- le décret n° 2001-410 du 10 mai 2001, relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par des producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat ;
- le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
- l'arrêté du 12 janvier 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la société EDF.
Considérant ce qui suit :
1. La société MSO Sablirot a adressé à ERDF, autorité gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité, le 25 août 2010, une demande de raccordement au réseau pour une installation de production d'électricité à partir de l'énergie photovoltaïque, située à Garein. Cette société entendait bénéficier, en vertu de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 et des textes réglementaires pris pour son application, de l'obligation d'achat de l'électricité produite par cette centrale selon les conditions tarifaires en vigueur à la date de sa demande. La demande de raccordement a été réputée complète par ERDF le 31 août 2010. La proposition technique et financière (PTF) a été établie le 9 décembre 2010 et cette proposition acceptée par la société. Par un courrier du 24 janvier 2011, ERDF a informé la société que, dès lors qu'elle avait été acceptée après le 2 décembre 2010 et entrait ainsi dans le champ de la suspension de l'obligation d'achat d'électricité prévue par l'article 1er du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, sa demande de raccordement était " devenue définitivement caduque " en application de l'article 5 du même décret. La société MSO Sablirot a présenté le 25 octobre 2012 auprès d'EDF une réclamation préalable ayant pour objet l'indemnisation des préjudices subis en raison du refus d'acheter, aux conditions tarifaires en vigueur à la date de sa demande, l'électricité devant être produite par la centrale projetée à Garein. Cette réclamation ayant été rejetée le 28 novembre 2012, elle a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à la condamnation d'EDF à lui verser des dommages et intérêts. Par le jugement du 30 septembre 2014 qu'elle conteste, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
2. La société MSO Sablirot fait valoir que le dépassement du délai de trois mois pour instruire sa demande de raccordement l'a empêchée d'adresser la proposition technique et financière avant le 2 décembre 2010 et de bénéficier ainsi de l'obligation d'achat de l'électricité. Elle reproche à la société EDF d'avoir méconnu le " contrat tacite " d'achat d'électricité dont elle bénéficiait depuis la date de sa demande complète, soit le 31 août 2010, ou, au plus tard à la date d'acceptation de sa proposition technique et financière le 9 décembre 2010. Enfin, elle soutient qu'EDF a méconnu l'obligation qui lui incombait de conclure un contrat d'achat d'électricité dès lors que sa proposition technique et financière avait été acceptée le 9 décembre 2010, soit antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du même jour.
En ce qui concerne la faute qui aurait été commise dans l'instruction de la demande de raccordement :
3. La société MSO Sablirot semble vouloir imputer tant à ERDF qu'à EDF le retard mis à instruire sa demande de raccordement pour son projet de centrale photovoltaïque à Garein. Toutefois, les relations nées éventuellement entre la société MSO Sablirot et l'une quelconque de ces deux sociétés à raison de sa demande de raccordement, à défaut notamment de disposition contraire ou de la mise oeuvre par ces dernières sociétés de la moindre prérogative de puissance publique, ne sauraient constituer que des relations de droit privé. Par conséquent, les conclusions de la société MSO Sablirot, en tant qu'elles tendent à engager la responsabilité d'EDF du fait des fautes commises dans la " procédure de raccordement " au réseau de distribution électrique, sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il n'a pas décliné la compétence de la juridiction administrative sur ce point et, par la voie de l'évocation, de rejeter ces conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
En ce qui concerne l'invocation d'une méconnaissance par EDF d'un contrat d'achat tacite de l'électricité :
4. La société MSO Sablirot soutient qu'EDF n'a pas respecté le contrat d'achat qui serait tacitement né, en vertu de l'article 1583 du code civil, à la date à laquelle son dossier a été déclaré complet par l'autorité gestionnaire, soit le 31 août 2010 ou, au plus tard, le 9 décembre 2010, date à laquelle a été acceptée la proposition technique et financière.
5. En vertu de l'article 1583 du code civil, la vente " est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. ". Aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 dans sa rédaction issue de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement : " Les contrats régis par le présent article sont des contrats administratifs qui ne sont conclus et qui n'engagent les parties qu'à compter de leur signature. Le présent alinéa a un caractère interprétatif ".
6. En imposant un formalisme particulier à la conclusion des contrats d'achat d'électricité, et en particulier leur signature, et en les qualifiant expressément de contrats administratifs, les dispositions précitées de la loi du 10 février 2000 dérogent au régime de droit commun résultant de l'article 1583 du code civil. Par suite, et dès lors que ces dispositions sont opposables à la demande de contrat d'achat d'électricité de la société MSO Sablirot présentée le 25 août 2010, cette société n'est pas fondée à se prévaloir de l'article 1583 du code civil pour soutenir que le caractère complet de sa demande de contrat d'achat d'électricité aurait fait naître tacitement, le 31 août 2010, un tel contrat à son profit et que la société EDF aurait ainsi dû acheter l'électricité produite par cette dernière aux tarifs prévus par l'arrêté du 12 janvier 2010. Pour ce même motif tiré de ce que le contrat d'achat d'électricité doit être écrit, la requérante ne saurait davantage se prévaloir de l'existence d'un contrat tacite à la date d'acceptation de sa proposition technique et financière. Par suite, la société MSO Sablirot n'est pas fondée à reprocher à la société EDF d'avoir méconnu ses obligations contractuelles qui seraient nées d'un prétendu contrat tacite d'achat d'électricité.
En ce qui concerne l'invocation de la méconnaissance par EDF de son obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité :
7. L'ensemble des préjudices dont la société MSO Sablirot demande réparation procèdent de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de vendre l'électricité que devait produire la centrale projetée au tarif en vigueur à la date à laquelle sa demande de raccordement a été réputée complète, conformément à ce que prévoit l'article 3 de l'arrêté du 12 janvier 2010 dont elle se prévaut. Or, cette impossibilité procède elle-même directement de ce que la demande de raccordement, ainsi qu'il a été rappelé au point 1 ci-dessus, après avoir été instruite par ERDF, a été déclarée " définitivement caduque " par cette société au motif qu'elle entrait dans le champ d'application de l'article 1er du décret susvisé du 9 décembre 2010. Les préjudices invoqués n'ont ainsi pas pour cause directe les agissements de la société EDF. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la légalité du refus de la société EDF de conclure un contrat avec la société MSO Sablirot, les préjudices invoqués par cette société ne peuvent être regardés comme directement imputables à ce refus.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société MSO Sablirot n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
9. EDF, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamnée au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions au profit d'EDF.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1300034 du 30 septembre 2014 du tribunal administratif de Pau est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la société MSO Sablirot tendant à mettre en cause la responsabilité d'EDF en ce qui concerne l'instruction de la demande de raccordement au réseau portant sur la centrale électrique projetée à Garein.
Article 2 : Les conclusions de la société MSO Sablirot tendant à mettre en cause la responsabilité d'EDF en ce qui concerne l'instruction de la demande de raccordement au réseau portant sur la centrale électrique projetée à Garein sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société MSO Sablirot est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société EDF tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 14BX03333