Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2015 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1505307 du 15 mars 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 août 2016, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 15 mars 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2015 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale "dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de se prononcer à nouveau sur son droit au séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer en attendant une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le signataire de l'arrêté ne justifie pas d'une délégation régulièrement publiée, laquelle ne doit pas être trop générale et doit viser l'objet même de ce type d'arrêté ;
- elle justifie d'une activité professionnelle pour la période de mai 2012 à janvier 2016 de façon continue de sorte que le refus litigieux méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle vit en France depuis plus de quatre années et ses deux enfants y sont nés. Son compagnon est présent en France depuis quasiment dix années. Outre son activité professionnelle, elle a obtenu plusieurs diplômes en France, ce qui témoigne de son intégration. Elle n'a plus aucune famille en Arménie. Dans ces circonstances, le préfet de la Gironde a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- pour les mêmes motifs, l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2016, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance dont il joint une copie.
Par ordonnance du 5 octobre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 novembre 2016 à 12 heures.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud,
- et les observations de MeB..., représentant MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante arménienne née le 2 septembre 1987, est entrée en France le 25 mars 2012. A la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, elle a sollicité le 27 février 2015 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 septembre 2015, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 15 mars 2016 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté du 7 septembre 2015 a été signé par M. Jean-Michel Bedecarrax, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, qui a reçu délégation par arrêté préfectoral du 2 avril 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Gironde d'avril 2015, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, requêtes, mémoires, correspondances et documents concernant les attributions de l'Etat dans le département à l'exception des réquisitions de la force armée, des propositions de nomination dans l'Ordre de la Légion d'Honneur et des actes portant aliénation des immeubles appartenant à l'Etat à partir d'un montant de 200 000 euros. Il résulte expressément de l'article 2 du même arrêté que cette délégation concerne les décisions portant refus de séjour ainsi que les décisions d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Pour l'application des dispositions et stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. Si Mme C...soutient qu'elle réside en France depuis plus de trois années à la date de l'arrêté contesté et qu'elle s'est bien intégrée en France, comme en témoignent sa réussite dans son cursus dans le département d'études de Français langue étrangère (DEFLE) et le fait qu'elle travaille depuis 2012 à temps partiel en tant que femme de chambre, il ressort des pièces du dossier que son compagnon, de même nationalité, a, le même jour, fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, que la cour refuse d'annuler par un arrêt du même jour, et leurs deux enfants sont nés en 2013 et 2014. Dans ces circonstances, la cellule familiale pourrait se reconstituer en Arménie, où il n'est au demeurant pas établi que Mme C...soit dépourvue d'attaches familiales. Dès lors, et eu égard aux conditions de son séjour en France, le refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7(...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Ces dispositions laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir.
6. Contrairement à ce que soutient la requérante, le fait de travailler de façon continue depuis 2012, de surcroît à temps partiel, ne saurait être regardé comme une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut qu'être écarté.
7. En quatrième lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté litigieux sur la situation personnelle de Mme C...peut être écarté pour les motifs énoncés aux points 4 et 6.
8. Par voie de conséquence, Mme C...ne peut soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 7 septembre 2015. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeA... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 janvier 2017
Le rapporteur,
Paul-André BRAUDLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 16BX02850