Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Cayenne d'annuler, d'une part, la décision du 22 octobre 2013 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les sommes de 52 350 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de 16 725 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, d'autre part, la décision du 27 novembre 2013 par laquelle cette autorité administrative a rejeté son recours gracieux formé contre cette décision.
Par un jugement n° 1400115 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de Cayenne a déchargé partiellement Mme A...du paiement de ces sommes à hauteur de 24 075 euros et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés les 9 mars 2015, 5 février et 6 septembre 2016, Mme B...A..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Cayenne du 29 décembre 2014 ;
2°) d'annuler les décisions des 22 octobre et 27 novembre 2013 susmentionnées ;
3°) de la décharger de la sanction pécuniaire prononcée à son encontre, d'un montant total de 69 075,00 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure de sanction suivie à son encontre est irrégulière dès lors qu'en méconnaissance du principe général des droits de la défense, le procès-verbal du 10 octobre 2012 mentionnant que les services de police auraient constaté l'infraction aux dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail ne lui a pas été communiqué, en dépit de demandes répétées, ce qui ne lui a d'ailleurs pas permis de vérifier la régularité de ce contrôle ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le fait de lui avoir refusé l'accès au dossier la concernant, quand bien même aucune disposition légale n'imposerait à l'administration de communiquer les procès-verbaux d'infraction, caractérise une atteinte au principe du contradictoire et de l'égalité des armes ainsi qu'une violation du droit à une procédure équitable, garanti par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- aucune disposition ne dispense l'OFII de respecter les droits de la défense lorsqu'il décide d'infliger une sanction, et notamment le droit pour la personne poursuivie d'avoir accès au dossier la concernant ;
- à titre subsidiaire, la matérialité des infractions à la réglementation qui lui sont reprochées par l'OFII et censée avoir été constatée par les procès-verbaux du 10 octobre 2012, n'est pas établie, ce qui a conduit le tribunal correctionnel de Cayenne, dans son jugement du 27 mai 2014 devenu définitif, à la relaxer pour ce motif ;
- ainsi, dès lors qu'elle a été jugée innocente de l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, il n'appartient pas à l'autorité administrative de la considérer comme étant l'auteur de la même infraction et la déclarer coupable sans remettre en cause cette innocence et sans violer les dispositions de l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- à titre encore plus subsidiaire, les procès-verbaux du 10 octobre 2012, qui sont non seulement laconiques sur les faits reprochés mais contradictoires, ne peuvent être examinés qu'avec la plus grande circonspection et sont tout à fait tout à fait insuffisants pour établir que les trois personnes interpelées aient pu avoir été embauchées par elle et avoir été à son service. A cet égard, le seul fait que des ressortissants chinois puissent stationner dans le magasin ne suffit pas à établir l'existence d'un contrat de travail entre Madame A...et ces personnes ;
- contrairement à ce que soutient l'OFII, la vérification dans les procès-verbaux de la compétence des fonctionnaires ayant constaté l'infraction qui lui est reprochée n'est pas sans importance, dès lors que l'article L. 8113-7 du code du travail réserve la constatation des infractions à certains fonctionnaires limitativement désignés, en l'occurrence les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires de contrôle assimilés. Or en l'espèce, le contrôle, réalisé le 10 octobre 2012 par des agents de la police aux frontières (PAF) de la Guyane, au visa de l'article 78-2 alinéa 9 du code de procédure pénale, est irrégulier tant au regard des dispositions de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale que de celles du 5ème alinéa de l'article 78-2 du même code, dès lors que ceux-ci ne sont habilités à entrer dans les lieux à usage professionnel pour contrôler l'identité des personnes occupées que sur réquisitions du procureur de la République ;
- il en résulte que les procès-verbaux rédigés lors de ce contrôle ne peuvent valoir qu'à titre de simple renseignement, en application de l'article 430 du code de procédure pénale ;
- dans son mémoire du 11 janvier 2016, l'OFII prétend que les deux enregistrements de vidéosurveillance du magasin ne sont pas produits à l'instance, de telle sorte qu'ils ne peuvent venir rapporter la preuve contraire des constatations relevées par les agents de l'Etat, alors que ces enregistrements ont été régulièrement communiqués et sont mentionnés comme pièce n° 14 dans son mémoire d'appel du 2 mars 2015.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 11 janvier et 29 novembre 2016, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me D..., conclut :
1°) au rejet de la requête de MmeA... ;
2°) à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il prononcé, au profit de l'intéressée, le décharge des contributions litigieuses à hauteur de 24 075 euros, alors que les montants dus par celle-ci s'élèvent à 52 350 euros au titre de la contribution spéciale et 16 725 euros au titre de la contribution forfaitaire ;
3°) à ce que soit mise à la charge de Mme A...la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- aux termes du procès-verbal, les agents verbalisateurs ont constaté la présence de trois travailleurs de nationalité étrangère en action de travail dans le restaurant, alors qu'ils ne détenaient ni autorisation de travail, ni titre de séjour. A cet égard, le lien familial qui unirait la contrevenante à l'un des trois salariés, s'agissant de son cousin maternel, est sans incidence sur l'application des contributions spéciale et forfaitaire, et a fortiori le fait que les deux autres étrangers concernés soient des amis de son cousin ;
- en vertu de l'article L. 8113-7 du code du travail, les procès-verbaux dressés par les autorités compétentes établissant l'infraction à l'article L. 8251-1 dudit code, établissent à eux seuls la matérialité des faits et font foi jusqu'à preuve du contraire, qui doit être apportée par le contrevenant. Or en l'espèce, les faits matériels sont incontestables et Mme A...ne démontre pas que les trois ressortissants étrangers en cause ne travaillaient pas au magasin, la contradiction entre les constatations figurant sur le procès-verbal de contrôle du 10 octobre 2012 et celles contenues dans les procès-verbaux d'audition des travailleurs concernés dont elle fait état n'étant ici que le fruit de son interprétation faite à son avantage. En outre, les deux enregistrements des caméras de surveillance du magasin mentionnés par l'appelante, qui ne sont pas produits à l'instance, ne peuvent venir apporter la preuve contraire des constatations relevées par les agents de l'Etat. D'ailleurs, le fait que les trois personnes se soient enfuies à l'arrivée des services de police démontre clairement la clandestinité de leur situation au sein du commerce ;
- les sanctions administratives prévues par la loi infligées par l'OFII pour infraction à l'article L. 8251-1 du code du travail étant dues dès que la matérialité des faits est constatée, peu importe que le procès-verbal revête un caractère irrégulier, cette contestation ne pouvant être effectuée que devant le juge pénal ;
- l'article L. 8113-7 du code du travail n'impose la transmission du procès-verbal de constatation d'infraction à l'employeur qu'en cas d'infraction aux dispositions relatives à la durée du travail, et non lors de l'emploi d'un étranger sans autorisation de travail, et aucun texte de loi ne prescrit l'obligation d'annexer le procès-verbal à la décision d'application des contributions spéciale et forfaitaire de l'OFII ;
- la procédure contradictoire, équitable et impartiale telle que définie par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été pleinement respectée en l'espèce ;
- il ressort des termes mêmes de l'article L. 8253-1 du code du travail que la décision administrative appliquant la contribution spéciale peut intervenir, qu'il y ait ou non poursuite pénale, et ce, dans l'hypothèse où une telle procédure aurait été engagée, quelle que soit son issue. En outre, le décret d'application du 24 février 1977, repris notamment à l'article R. 341-35 du code du travail, ne crée pas davantage de lien entre la qualification pénale des faits litigieux et l'acte administratif, et aucun texte ne prévoit qu'en cas de relaxe, la sanction administrative se trouve dépourvue de base légale, de sorte qu'une décision de relaxe du juge pénal qui, comme en l'espèce, n'a nullement contredit les allégations du procès-verbal et les a reprises au contraire à son compte, tout en statuant sur une exception de procédure, n'a pas l'autorité de la chose jugée envers le juge administratif ;
- s'agissant du montant de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, l'OFII a fait une exacte estimation du montant de l'amende due par MmeA..., dès lors que les taux minorés prévus par l'article R. 8253-2 de ce même code ne pouvaient trouver à s'appliquer en l'espèce et que la seule référence applicable était la somme de 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti mentionnée audit article. D'ailleurs, il convient de relever que l'Office a fait preuve de clémence en l'espèce, dès lors que la contrevenante, qui a avoué elle-même, lors de son audition, avoir déjà fait l'objet de poursuites et d'une amende de 1 000 euros pour des faits similaires en 2011, se trouvait ici en état de récidive et aurait donc pu se voir appliquer une contribution spéciale égale à 15 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu par l'article R. 8253-2 du code du travail ;
- la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été logiquement appliquée selon le barème décidé par arrêté du 5 décembre 2006 publié au JORF du 10 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers à partir de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion dans leur pays d'origine fixant pour la zone de départ de la Guyane le montant de la contribution à 5 575 euros qui, multipliée par le nombre de salariés étrangers démunis de titre de séjour, soit trois dans le cas présent, aboutit au montant total de 16 725 euros ;
- la contribution spéciale, sanction administrative relative à l'emploi d'un travailleur étranger dépourvu de titre de travail réprimée par l'article L. 8253-1 du code du travail, n'est pas concernée par le plafonnement de 15 000 euros prévu par l'article L. 8256-2 dudit code. Ainsi, le tribunal a fait une mauvaise appréciation des faits en décidant de décharger partiellement Mme A... de la décision d'application des contributions spéciale et forfaitaire de l'OFII du 22 octobre 2013 en considération du bouclier pénal de 15 000 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Axel Basset, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle effectué le 10 octobre 2012 dans les locaux du magasin en libre-service exploité sous l'enseigne " City Marché ", situé 13 avenue du président Monnerville, à Cayenne, plusieurs procès-verbaux d'infraction à la législation du travail pour l'emploi de trois ressortissants chinois non munis du titre les autorisant à exercer une activité salariée en France ont été dressés le même jour par les services de la police aux frontières à l'encontre de la gérante de ce commerce, MmeA.... A l'issue de la procédure administrative contradictoire prévue à l'article R. 8253-3 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a appliqué à MmeA..., par une décision du 22 octobre 2013 confirmée le 27 novembre suivant sur recours gracieux formée par l'intéressée, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-l du code du travail d'un montant de 52 350 euros et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-l du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 16 725 euros. Mme A...relève appel du jugement du 29 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Cayenne l'a déchargée partiellement du paiement de ces sommes à hauteur de 24 075 euros et rejeté le surplus de sa demande. L'Office français de l'immigration et de l'intégration demande, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce jugement en tant qu'il a prononcé cette décharge partielle au profit de MmeA....
Sur l'appel principal :
2. D'une part, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail que : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". L'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, dispose : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. (...) ". Aux termes de l'article L. 8271-17 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Outre les inspecteurs et contrôleurs du travail, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger sans titre de travail et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger sans titre. / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. ". Cette disposition implique notamment qu'aucune sanction ayant le caractère d'une punition ne puisse être infligée à une personne sans que celle-ci ait été mise à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés. Le principe des droits de la défense s'impose, toutefois, aux autorités disposant d'un pouvoir de sanction sans qu'il soit besoin pour le législateur d'en rappeler l'existence.
4. S'agissant des mesures - comme en l'espèce - à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. Dès lors, si ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution spéciale, qui revêt le caractère d'une sanction administrative. Il appartient seulement à l'administration, le cas échéant, d'occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal, celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l'infraction sanctionnée par la liquidation de la contribution spéciale et susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales.
5. Il résulte de l'instruction qu'après avoir été destinataire d'une lettre du 6 septembre 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'a informée de ce qu'à la suite du contrôle réalisé le 10 octobre 2012, elle était passible des contributions prévues aux articles L. 8253-l du code du travail et L. 626-l du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme A...a contesté, par un courrier du 4 octobre 2013, le fait que le procès-verbal dressé par les services de police à l'issue de ce contrôle n'était pas joint à cette correspondance, ce qui ne lui permettait pas d'en connaître le contenu. L'administration n'ayant pas produit le document en cause, l'appelante a, dans le cadre de son recours gracieux formé contre la première décision contestée du 22 octobre 2013 mettant à sa charge les sommes litigieuses, de nouveau souligné que ce procès-verbal ne lui avait pas été communiqué et que la sanction pécuniaire dont s'agit ne pouvait être légalement prise à son encontre sans que soit respecté notamment, au préalable, le principe général des droits de la défense. Pour rejeter ce recours gracieux par la seconde décision contestée du 27 novembre 2013, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ayant confirmé à cette occasion que Mme A...avait déclaré ne pas avoir été destinataire du procès-verbal d'infraction, a opposé à l'intéressée la circonstance que les dispositions de l'article L. 8113-7 du code du travail n'imposent pas la transmission d'un tel document à l'employeur et que les infractions à l'article L. 8251-1 du même code étaient parfaitement établies. Il résulte ainsi de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté par l'office intimé qu'en méconnaissance du principe général des droits de la défense, Mme A...s'est vu priver de l'accès aux pièces au vu desquelles les manquements à la réglementation sur l'emploi des étrangers en France ont été retenus à son encontre et dont elle souhaitait connaître le contenu. Dès lors, et ainsi qu'elle le soutient, une telle carence, qui a privé l'intéressée d'une garantie, a entaché la procédure suivie d'irrégularité.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à demander l'annulation des deux décisions contestées et obtenir la décharge, par voie de conséquence, du paiement de la somme de 69 075,00 euros.
Sur l'appel incident de l'Office français de l'immigration et de l'intégration :
7. Par voie de conséquence, les conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, présentées par la voie de l'appel incident, tendant à la réformation de ce jugement en tant qu'il a prononcé une décharge partielle des sommes litigieuses à hauteur de 24 075 euros au profit de MmeA..., ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de Mme A...au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office intimé la somme demandée par Mme A...sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Les décisions du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date des 22 octobre et 27 novembre 2013 sont annulées.
Article 2 : Mme A...est déchargée du paiement de la somme litigieuse de 69 075,00 euros.
Article 3 : Le jugement n° 1400115 du 29 décembre 2014 du tribunal administratif de Cayenne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Mme B...A.... Copie en sera transmise au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Pierre Larroumec, président,
- M. Pierre Bentolila, premier conseiller,
- M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 février 2017.
Le rapporteur,
Axel BassetLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 15BX00764