Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté en date du 6 décembre 2016 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1605180 du 9 décembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2016, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux du 9 décembre 2016 ;
2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la Gironde du 6 décembre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de poursuivre la procédure d'examen de sa demande d'asile ;
4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
5°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.
Il soutient que :
- alors qu'il a produit les éléments établissant ses attaches familiales en France, le préfet de la Gironde ne les a pas pris en compte, se contentant de les nier sans apporter de preuve contraire ; de même, les premiers juges ont commis une erreur de fait en considérant que ces documents ne suffisaient pas à établir ses liens familiaux avec son frère et son cousin, tous deux français;
- compte tenu de leur présence et des contacts réguliers noués avec eux, son cousin l'hébergeant à Mérignac, sa demande d'asile aurait dû être examinée en France en application des articles 17 et 3.2 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil relatifs au rapprochement familial ;
- il remplit les conditions pour bénéficier des dérogations prévues aux articles 3-2, 17.1 et 17.2 du règlement UE n°604/2013 en raison de la présence en France de sa famille et de 1'absence de garantie de 1'accès effectif à la procédure de protection internationale du fait des conditions matérielles de traitement de sa demande en Espagne ;
- la décision attaquée, qui nie les éléments avancés, est entachée d'abus de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête et s'en remet à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cécile Cabanne,
- et les observations de MeB..., représentant M. C...;
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., de nationalité centrafricaine, est entré irrégulièrement en France le 15 mai 2016 et a présenté une demande d'asile le 14 juin suivant. Après avoir constaté par la consultation du fichier Eurodac que les empreintes de l'intéressé avaient déjà été relevées par les autorités espagnoles et obtenu, en réponse à sa demande de réadmission formulée en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013, l'accord de l'Espagne pour prendre en charge la demande d'asile de M.C..., le préfet de la Gironde a décidé, par un arrêté du 6 décembre 2016, de le transférer aux autorités espagnoles. Par décision du même jour, le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours. Par un jugement n° 1605180 du 9 décembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande d'annulation de la décision de transfert. M. C...relève appel de ce jugement.
Sur la demande d'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions en annulation :
3. Le premier juge a indiqué que " si M. C...fait valoir que cette décision est entachée d'un défaut d'examen dès lors qu'elle ne mentionne pas ses attaches familiales en France, il ressort des pièces du dossier qu'il n'en avait pas fait mention lors de l'entretien individuel dont il a paraphé et signé le compte-rendu sans aucune réserve ". Le premier juge a ajouté que " rien ne permettait d'établir que le préfet aurait été destinataire du courrier non daté produit au dossier, qui comporte ces informations " et qu'" il ressort de la décision attaquée que le préfet a étudié si la demande de M. C...relevait des dérogations prévues par les articles 3-2, 17.1 et 17.2 du règlement UE n°604/2013 du 2 septembre 2003 ". M. C...n'apporte aucun élément utile susceptible d'infirmer la motivation retenue par le tribunal pour écarter le moyen tiré du défaut d'examen réel de sa situation personnelle. Il y a lieu, dans ces conditions, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
4. Aux termes de l'article 10 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Si le demandeur a, dans un État membre, un membre de sa famille dont la demande de protection internationale présentée dans cet État membre n'a pas encore fait l'objet d'une première décision sur le fond, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. ". Aux termes de l'article 2 du même règlement : " Définitions. Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) g) " membres de la famille ", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présente sur le territoire des Etats-membres : / le conjoint du demandeur (...) / les enfants mineurs des couples (...) ".
5. Si M. C...fait valoir que son frère et son cousin résident sur territoire français, ceux-ci ne peuvent pas être regardés comme un membre de la famille au sens des dispositions précitées du g) de l'article 2 du règlement. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 10 du règlement (UE) du 26 juin 2013, à le supposer invoqué, est mal fondé et ne peut qu'être écarté.
6. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit. ".
7. M. C...se prévaut de conditions matérielles difficiles lors de son passage en Espagne et fait valoir également que les autorités espagnoles ne procéderaient pas à un examen attentif des demandes d'asile, en raison d'un interprétariat approximatif. Toutefois, à l'appui de ses allégations, il n'a produit aucun élément de preuve susceptible d'établir l'existence d'un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas traitée par les autorités espagnoles dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. M. C...invoque également la présence en France de liens familiaux forts, en les personnes de son frère et de son cousin, tous deux de nationalité française. Toutefois, s'il justifie par des éléments nouveaux produits en appel que son frère réside en France, à Nancy, le requérant, qui au demeurant vit éloigné de celui-ci, n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'intensité des liens qu'ils entretiennent. En revanche, les pièces versées au dossier sont insuffisantes à établir le lien familial avec M. A..., qui atteste l'héberger à Mérignac, et que le requérant présente comme son cousin. En tout état de cause, à supposer cette parenté avérée, M. C...n'établit pas avoir entretenu des liens étroits avec cette personne, dont il a été, au demeurant, séparé pendant quelques années, ni que la santé de son cousin, victime d'un accident vasculaire cérébral, nécessiterait sa présence à ses côtés, alors que la mutuelle qui couvre son cousin est celle de l'épouse de celui-ci.
9. Ainsi, M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 ni que le préfet, en ne dérogeant pas aux règles de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile, aurait méconnu l'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013.
10. L'abus de pouvoir allégué par M. C...ne ressort pas des pièces du dossier. Par suite, le moyen doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requête à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
13. En l'absence de dépens, les conclusions présentées par M. C...sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : M. C...est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus de la requête de M. C...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 23 février 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
Le rapporteur,
Cécile CABANNELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Vanessa BEUZELIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 16BX04002