Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 18 décembre 2013 par laquelle le préfet de la Dordogne a refusé de faire droit à leur demande tendant à ce que soit constatée par procès-verbal l'infraction tenant à la poursuite de travaux en dépit d'une décision de justice qui avait ordonné la suspension du permis de construire ayant autorisé ces travaux.
Par un jugement n° 1400577 du 20 octobre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2015 et un mémoire présenté le 13 décembre 2016, M. et Mme A...C..., représentés par Me Heymans, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 octobre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler la décision du 18 décembre 2013 du préfet de la Dordogne refusant de constater l'infraction ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de constater l'infraction de poursuite d'une construction en violation d'une ordonnance de suspension du permis de construire, de dresser un procès verbal, et de le transmettre sans délai au ministère public ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur profit d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la poursuite des travaux nonobstant une décision de la juridiction administrative prononçant la suspension ou le sursis à exécution de l'autorisation d'urbanisme ne serait pas au nombre des infractions prévues par les articles L. 160-1 et L. 480-4 du code de l'urbanisme. Le Conseil d'Etat considère d'ailleurs que l'autorité compétente est tenue, lorsqu'elle constate une infraction à la législation sur les permis de construire, d'en dresser procès verbal, y compris en cas de non-respect d'une ordonnance de suspension ;
- la poursuite de travaux malgré une décision du juge administratif ordonnant leur suspension et dont le bénéficiaire a eu connaissance est constitutive du délit d'exécution de travaux sans permis préalable car elle équivaut à la réalisation de travaux sans permis de construire ;
- la société Bernier a fait procéder, postérieurement à l'ordonnance du 28 août 2013, aux travaux relatifs aux permis de construire du 3 décembre 2012. Ces travaux consistant en la pose de portes sur les bâtiments permettent l'utilisation des locaux et le fonctionnement de l'usine dont aucun des bâtiments n'a été valablement autorisé et entraîne d'importantes nuisances. L'infraction au sens de l'article L. 480-3 du code de l'urbanisme est donc caractérisée et le préfet devait la constater par procès-verbal en vertu de l'article L. 480-1 du même code ;
- en refusant de constater l'infraction, le préfet a commis une erreur de droit ; de plus, dès lors qu'il a été informé de l'infraction et que tous les permis de construire délivrés pour la construction de cette usine ont été annulés compte tenu des nuisances causées par l'usine, l'autorité préfectorale a également entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2016, la ministre du logement et de l'habitat durable conclut au rejet de la requête de M. et MmeC....
Elle fait valoir que :
- les époux C...n'apportent pas la preuve, par les éléments photographiques qu'ils ont produits, du fait que l'installation des portes aurait été effectuée après l'ordonnance de suspension du 28 août 2013 ;
- en tout état de cause, par la décision contestée du 18 décembre 2013, le préfet de la Dordogne a indiqué qu'il n'y avait pas lieu de dresser un procès-verbal dès lors que les travaux en cause consistant en la pose de portes ont été réalisés avant l'ordonnance du 28 août 2013 prononçant la suspension de l'exécution des permis de construire du 3 décembre 2012.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 7 mars 2017 :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz,
- et les observations de MeB..., représentant M. et MmeC....
Une note en délibéré présentée pour M. et Mme C...a été enregistrée le 10 mars 2017.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 3 décembre 2012, le maire de la commune de Saint-Jory-Las-Bloux, agissant au nom de l'Etat, a accordé à la société Bernier trois permis de construire pour 1'extension de son usine de fabrication de cercueils, au lieu-dit " Les Maisons ". Ces permis ont fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir formé par M. et Mme A...C..., voisins du projet, recours qui a été assorti d'une demande de suspension. Le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la suspension de ces permis de construire par une ordonnance du 28 août 2013. Par courrier du 13 novembre 2013, M. et Mme A...C...ont adressé au maire de Saint-Jory-Las-Bloux une demande tendant à ce que soit constatée une infraction relative à la poursuite de travaux sur les bâtiments de l'usine Bernier. Le 14 novembre 2013, ils ont demandé au préfet de la Dordogne " d'inviter le maire à prendre les mesures adéquates " en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme. Par décision du 18 décembre 2013, le préfet de la Dordogne a refusé de faire droit à leur demande. M. et Mme A... C...relèvent appel du jugement n° 1400577 du 20 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du préfet refusant de faire droit à leur demande tendant à ce que soit constatée l'infraction tenant à la poursuite de travaux en dépit d'une décision de justice ayant ordonné leur suspension.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " (...) Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 160-1 et L. 480-4, ils sont tenus d'en faire dresser procès verbal. (...) ". L'article L. 480-4 du même code dispose : " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni d'une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d'une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l'article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros. (...) / Ces peines sont également applicables : 1. En cas d'inexécution, dans les délais prescrits, de tous travaux d'aménagement ou de démolition imposés par les autorisations visées au premier alinéa ; 2. En cas d'inobservation, par les bénéficiaires d'autorisations accordées pour une durée limitée ou à titre précaire, des délais impartis pour le rétablissement des lieux dans leur état antérieur ou la réaffectation du sol à son ancien usage. / En cas de méconnaissance des obligations imposées par l'article L. 451-3, le tribunal ordonne en outre, en cas de perte ou de destruction de la plaque commémorative au cours des travaux, à la charge du maître d'ouvrage, la gravure et l'installation d'une nouvelle plaque apposée dans les conditions du deuxième alinéa dudit article. / (...) / Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux infractions relatives à l'affichage des permis ou des déclarations préalables. ". En vertu de l'article L. 160-1 de ce code : " En cas d'infraction aux dispositions des projets d'aménagement et des plans d'urbanisme maintenus en vigueur dans les conditions énoncées soit à l'article L. 124-1, soit à l'article L. 150-1 (2è alinéa), ou en cas d'infraction aux dispositions des plans d'occupation des sols, des plans locaux d'urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables, les obligations visées à l'article L. 480-4 s'entendant également de celles résultant des projets et plans mentionnés ci-dessus. / Les sanctions édictées à l'article L. 480-4 s'appliquent également : a) En cas d'exécution de travaux ou d'utilisation du sol en méconnaissance des obligations imposées par les articles L. 111-1 à L. 111-1-4, L. 111-3 et L. 111-5-2 ainsi que par les règlements pris pour leur application ; b) En cas de coupes et d'abattages d'arbres effectués en infraction aux dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 130-1, sur les territoires des communes, parties de communes ou ensemble de communes où l'établissement d'un plan d'occupation des sols a été prescrit mais où ce plan n'a pas encore été rendu public ; c) En cas d'exécution de travaux ou d'utilisation du sol en infraction aux dispositions de l'article L. 142-11 relatif à la protection des espaces naturels sensibles des départements ; d) En cas d'exécution de travaux ou d'utilisation du sol en infraction aux prescriptions architecturales ou aux règles particulières édictées dans une zone d'environnement protégé en application de l'article L. 143-1 (alinéa 2) ; e) En cas d'exécution, dans une zone d'aménagement concerté, de travaux dont la réalisation doit obligatoirement être précédée d'une étude de sécurité publique en application de l'article L. 111-3-1, avant la réception de cette étude par la commission compétente en matière de sécurité publique (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 480-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 : " En cas de continuation des travaux nonobstant la décision judiciaire ou l'arrêté en ordonnant l'interruption, les personnes visées au deuxième alinéa de l'article L. 480-4 encourent une amende de 75 000 € et une peine de trois mois d'emprisonnement. / Ces peines sont également applicables en cas de continuation des travaux nonobstant la décision de la juridiction administrative prononçant la suspension ou le sursis à exécution de l'autorisation d'urbanisme. ".
3. La poursuite de travaux nonobstant une décision de la juridiction administrative prononçant la suspension ou le sursis à exécution de l'autorisation d'urbanisme, alors même qu'elle est pénalement qualifiée depuis l'entrée en vigueur de l'article 104 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, codifié à l'article L. 480-3 du code de l'urbanisme, n'est pas de la nature des infractions que prévoient les articles L. 160-1 et L. 480-4 dudit code. C'est par suite à bon droit que les premiers juges ont considéré que le préfet de la Dordogne n'était pas tenu de dresser le procès-verbal sollicité par le seul effet de l'application des dispositions précitées de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme.
4. Le fait que les arrêtés du 3 décembre 2012 du maire de Saint-Jory-las-Bloux, accordant trois permis de construire à la société Bernier aient ensuite été annulés par un jugement du 13 janvier 2015 du tribunal administratif de Bordeaux est sans influence sur la légalité de la décision attaquée.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de s'interroger sur la date à laquelle ont été réalisés les travaux en litige, que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions des intéressés aux fins d'injonction ne peuvent être accueillies et leur demande tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...et à la ministre du logement et de l'habitat durable. Copie en sera transmise au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Didier Péano, président,
Mme Christine Mège, président-assesseur,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 avril 2017.
Le rapporteur,
Sabrina LadoireLe président,
Didier PéanoLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne à la ministre du logement et de l'habitat durable, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
N° 15BX040785