La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2017 | FRANCE | N°15BX00952

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 02 mai 2017, 15BX00952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C..., M. K... C...et Mme I... C...épouse J...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les conséquences dommageables du décès de Mme B...C...à hauteur, respectivement, de 10 000 euros pour M. C...et Mme I...C...et de 5 000 euros pour Mme D...C..., avec intérêts légaux et à payer la somme de 244,50 euros au titre des frais de transport et de r

epas occasionnés par les opérations d'expertise. Mise en cause, la caisse pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C..., M. K... C...et Mme I... C...épouse J...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les conséquences dommageables du décès de Mme B...C...à hauteur, respectivement, de 10 000 euros pour M. C...et Mme I...C...et de 5 000 euros pour Mme D...C..., avec intérêts légaux et à payer la somme de 244,50 euros au titre des frais de transport et de repas occasionnés par les opérations d'expertise. Mise en cause, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne, a demandé la condamnation du CHU de Toulouse au paiement de ses débours et de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1202386 du 22 janvier 2015, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'ONIAM à payer à Mme I...C...et à M. C...une indemnité de 3 000 euros chacun avec intérêts légaux à compter du 18 novembre 2011, a mis à sa charge les frais de l'expertise ordonnée le 30 août 2010 et a rejeté le surplus des conclusions des requérants et les conclusions de la CPAM de la Haute-Garonne.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 mars et 8 juillet 2015, la CPAM de la Haute-Garonne, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) de condamner le CHU de Toulouse à lui payer les montants respectifs de 8 112,56 euros et de 1 037 euros au titre de ses débours et de l'indemnité forfaitaire de gestion et de réformer en ce sens le jugement du 22 janvier 2015 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse les dépens de l'instance et la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'une créance de 8 112,56 euros dont l'imputabilité à l'infection en cause est démontrée par l'attestation d'imputabilité établie le 21 octobre 2013 en toute indépendance par le médecin conseil du service de contrôle médical ;

- il résulte de l'expertise judiciaire que le décès de Mme C...est dû à l'infection nosocomiale contractée au sein du CHU de Toulouse ; l'établissement est responsable en l'absence de cause étrangère ; en vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, elle est fondée à exercer son recours subrogatoire contre l'auteur du dommage corporel, quel que soit le fondement de la responsabilité encourue.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 mai 2015, l'ONIAM, représenté par Me H..., demande à être mis hors de cause.

Il fait valoir que, n'étant pas à l'origine de l'acte litigieux, il n'est pas " tiers responsable " au sens de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ce qui fait obstacle au recours des tiers payeurs à son encontre.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 juin 2015 et 23 janvier 2016, le CHU de Toulouse et la société AXA Assurances, représentés par MeA..., concluent au rejet de la requête et à la condamnation de la CPAM de la Haute-Garonne aux dépens de l'instance et au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- le caractère non fautif de l'infection n'est pas contesté par l'appelante et ne ressort pas de l'expertise qui relève la conformité aux règles de l'art des soins médicaux et de la prévention du risque infectieux ; l'article L. 1142-21 du code de la santé publique s'oppose au recours subrogatoire du tiers-payeur contre l'établissement de santé ;

- subsidiairement, le lien de causalité entre les débours de la caisse et l'infection n'est pas établi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de Me G...pour le centre hospitalier universitaire de Toulouse et de Me E...pour l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., alors âgée de soixante-douze ans, a subi le 7 octobre 2009 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, une infiltration locale de corticoïdes dans la région trochantérienne gauche, pour soulager sa tendinite. Dès le 9 octobre 2009, elle a présenté les signes d'une phlébite distale du membre inférieur gauche, d'une endocardite infectieuse à staphyloccocus et est décédée des suites de cette infection nosocomiale le 15 octobre 2009. Son frère, sa soeur et sa nièce ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, qui a ordonné une expertise dont le rapport a été remis le 3 mai 2011, puis ont demandé au même tribunal de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ou le CHU de Toulouse à réparer leur préjudice moral par l'allocation d'une indemnité de 10 000 euros à chaque membre de la fratrie et de 5 000 euros à la nièce de la victime et à leur payer le montant de 244,50 euros pour les frais de transport et de repas occasionnés par les opérations d'expertise. Mise en cause, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne, a demandé la condamnation du CHU de Toulouse à lui payer les montants correspondant à ses débours et à l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Par un jugement du 22 janvier 2015, le tribunal administratif de Toulouse a retenu le caractère nosocomial de l'infection et a condamné l'ONIAM, sur le fondement du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, à payer à chaque membre de la fratrie une indemnité de 3 000 euros en réparation de son préjudice d'affection, a mis à sa charge les frais de l'expertise et a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires et celles de la CPAM de la Haute-Garonne. Celle-ci relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions.

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) les professionnels de santé (...) ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. ". Toutefois, aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code issu de la loi du 30 décembre 2002 : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d' atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) ". La réparation au titre de la solidarité nationale prévue par ces dernières dispositions incombe à l'ONIAM en vertu de l'article L. 1142-22 du même code. Les dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17 et du deuxième alinéa de l'article L. 1142-21 de ce code prévoient que lorsque l'ONIAM a assuré cette réparation en indemnisant la victime ou ses ayants-droit, il ne peut exercer une action en vue d'en reporter la charge sur l'établissement où l'infection s'est produite qu'en cas " de faute établie à l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales ".

3. Il résulte du deuxième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que le recours de la caisse de sécurité sociale, subrogée dans les droits de la victime d'un dommage corporel, s'exerce contre " l'auteur responsable de l'accident ". Il résulte du septième alinéa de l'article L. 1142-17 et du deuxième alinéa de l'article L. 1142-21 du code de la santé publique que le législateur, dérogeant dans cette hypothèse aux dispositions du second alinéa du I de l'article L. 1142-1, qui prévoit un régime de responsabilité de plein droit des établissements de santé en cas d'infection nosocomiale, a entendu que la responsabilité de l'établissement où a été contractée une infection nosocomiale dont les conséquences présentent le caractère de gravité défini à l'article L. 1142-1-1 ne puisse être recherchée qu'en cas de faute établie à l'origine du dommage, notamment un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales. Il suit de là que, lorsque le degré de gravité des dommages résultant de l'infection nosocomiale excède le seuil prévu à l'article L. 1142-1-1, c'est seulement au titre d'une telle faute qu'une caisse de sécurité sociale ayant versé des prestations à la victime peut exercer une action subrogatoire contre l'établissement où l'infection a été contractée.

4. Les recommandations professionnelles établies en juin 2007 par la Haute autorité de santé classent l'injection articulaire ou périarticulaire au nombre des gestes invasifs à risque d'infection sévère. L'expert commis en référé a indiqué que la procédure d'injection du 7 octobre 2009 était conforme aux recommandations en matière d'asepsie du matériel et d'hygiène du personnel. Ni l'appelante, qui se borne à opposer l'absence de cause étrangère au sens du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique inapplicable en l'espèce, ni aucun autre élément de l'instruction ne contredisent sérieusement l'appréciation de l'expert et n'établissent que le décès de Mme C...serait imputable à une faute du CHU de Toulouse, notamment à un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales. L'existence d'un tel manquement n'est pas rapportée. Dans ces conditions, le recours subrogatoire de la CPAM de la Haute-Garonne ne peut être accueilli.

5. Il en résulte que la CPAM de la Haute-Garonne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant au remboursement de ses débours et, par suite, sa demande tendant au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale. Doivent également être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, de la condamner sur le même fondement à payer au CHU de Toulouse et à la société AXA Assurances la somme de 1 000 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 2 : La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne versera la somme de 1 000 euros au centre hospitalier universitaire de Toulouse et à la société AXA Assurances en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier universitaire de Toulouse, à la société AXA Assurances et à Mme D...C..., M. K... C...et Mme I...C....

Délibéré après l'audience du 21 mars 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 mai 2017.

Le rapporteur,

Marie-Thérèse Lacau Le président,

Elisabeth Jayat Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX00952


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award