Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 émises pour un montant global de 10 217 euros.
Par un jugement n° 1104563 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2015, et un mémoire enregistré le 16 décembre 2015, M. et MmeB..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 décembre 2014 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige, représentant un montant total de 10 217 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- selon la doctrine de l'administration, les dispositions de l'article 4 B du code général des impôts relatives à la définition du domicile fiscal en droit interne ne sont applicables que sous réserve des conventions internationales. Il convient ainsi de leur appliquer l'article 4 de la convention franco-malgache du 22 juillet 1983 qui fixe les règles déterminant " l'Etat de résidence " d'un contribuable ;
- le foyer permanent d'habitation est le lieu où le contribuable réside habituellement avec sa famille et où il accomplit les actes de la vie quotidienne. Les époux B...se sont mariés à Madagascar en 2001 et s'y sont installés de façon permanente en 2004. Leurs filles sont nées à Madagascar en 2010 et 2012. Ils n'ont pas de foyer permanent d'habitation en France et n'exercent aucune activité professionnelle dans ce pays. Leur unique lien avec la France est la pension de retraite de M.B.... Le certificat de résidence du 22 avril 2010 établit qu'ils ont leur résidence à Madagascar depuis 2004. Ils sont soumis dans ce pays à une obligation fiscale illimitée sur l'ensemble de leurs revenus mondiaux ainsi qu'en attestent les autorités fiscales malgaches ;
- leurs pensions de retraite ont fait l'objet d'une double imposition en méconnaissance de l'article 22 2 a de la convention franco-malgache qui vise à prévenir cette situation. Ils sont résidents de Madagascar en vertu de l'article 4.2 a de cette convention. Selon l'article 18 de la convention franco-malgache, les pensions payées à un résident d'un Etat au titre d'un emploi antérieur ne sont imposables que dans cet Etat ;
- la justification d'une double imposition n'est prévue par aucun texte et l'application de la convention bilatérale dépend uniquement du fait que les revenus sont imposables dans les deux Etats par application de leur législation interne respective.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 juillet 2015 et 7 février 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête des épouxB....
Il soutient que :
- en vertu de l'article 4B 1c du code général des impôts, les époux B...ayant perçu, au titre des années 2007 et 2008, exclusivement des pensions de retraite de source française pour l'exercice antérieur d'un emploi salarié dans le secteur privé, ils doivent être considérés comme ayant eu le centre de leurs intérêts économiques en France. Ils étaient ainsi résidents fiscaux de France, sous réserve des stipulations de la convention franco-malgache ;
- en application de l'article 4-2 de cette convention, ils doivent établir leur double domiciliation fiscale à Madagascar au sens de l'article 4.1 de la convention. Or, en se bornant à produire des attestations non probantes telle qu'une attestation d'obligation fiscale illimitée et un certificat de résidence du ministre de l'aménagement du territoire, ils n'établissent pas, pour les années en litige, avoir été assujettis à une imposition qui aurait couvert l'ensemble de leurs revenus. Ainsi et en vertu de l'article 4.1 de cette convention, ils ne peuvent valablement opposer le critère du foyer permanent d'habitation de l'article 4.2 de cette même convention ;
- l'attestation de régularité fiscale, qui n'a d'ailleurs pas été communiquée par l'administration fiscale malgache, n'a pas de valeur probante dans la mesure où aucune précision n'est apportée sur les éventuels montants soumis à imposition.
Par une ordonnance du 7 février 2017, la clôture de l'instruction a été reportée au 16 février 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'article 55 de la Constitution ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la république démocratique de Madagascar en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion fiscale et d'établir les règles d'assistance administrative en matière fiscale en date du 22 juillet 1983, approuvée par la loi n° 84-556 du 4 juillet 1984, entrée en vigueur le 1er octobre 1984 et publiée par décret n° 84-1098 du 5 décembre 1984 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle sur pièces, les épouxB..., domiciliés à Madagascar, ont été considérés par l'administration comme ayant leur domicile fiscal en France. Une proposition de rectification leur a alors été adressée le 30 mars 2010 à raison de pensions de source française non déclarées en 2007 et 2008, pour les montants respectifs de 5 156 euros et 5 061 euros. Malgré leurs observations présentées le 16 juin 2010, ces rectifications ont été maintenues par décision du 8 octobre 2010. Le 6 juillet 2011, ils ont présenté une réclamation contentieuse en faisant valoir qu'ils étaient résidents permanents de Madagascar où ils étaient assujettis à une obligation fiscale illimitée sur l'ensemble de leurs revenus et en se prévalant de la convention franco-malgache du 22 juillet 1983. Leur réclamation a été rejetée par décision du 23 septembre 2011. Ils ont alors demandé au tribunal administratif de Toulouse de les décharger des impositions auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008, mises en recouvrement le 30 avril 2011, pour un montant total de 10 217 euros. Les époux B...relèvent appel du jugement du 2 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Sur le bien fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la domiciliation fiscale des épouxB... :
2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
Au regard du droit interne :
3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) ". L'article 4 B du même code dispose : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ;/ b. Les personnes qui ont en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire : / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) ". Enfin, selon l'article 1 A de ce code, les pensions de retraite sont des revenus imposables.
4. Il résulte de l'instruction que les revenus de M. et Mme B...au titre des années 2007 et 2008, étaient uniquement constitués de la pension de retraite de source française de M. B.... Par suite, et nonobstant le fait que les époux B...auraient établi leur foyer à Madagascar, ils doivent être regardés comme ayant le centre de leurs intérêts économiques en France au sens du c) de l'article 4 B du code général des impôts précité. Par suite, ils doivent être regardés comme étant domiciliés fiscalement en France pour l'application de l'article 4 A du même code.
5. Toutefois, les contribuables peuvent faire échec à leur domiciliation fiscale en France en établissant qu'ils étaient domiciliés à Madagascar au sens de la convention fiscale signée entre la France et Madagascar le 22 juillet 1983.
Au regard de la convention franco-malgache :
6. M. et Mme B...soutiennent que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, leur foyer permanent d'habitation se trouve à Madagascar et qu'ils ne pouvaient donc, en tant que " résident " de Madagascar au sens des stipulations de la convention fiscale franco-malgache, être soumis en France à l'impôt sur le revenu.
7. Aux termes de l'article 4 de la convention franco- malgache susvisée : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège social statutaire ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat. / 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux Etats, sa situation est réglée de la manière suivante : a) Cette personne est considérée comme résident de l'Etat où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etat, elle est considérée comme résident de l'Etat avec lequel ses intérêts personnels et économiques sont les plus importants (...) ". Aux termes de l'article 18 de cette même convention : " Sous réserve des dispositions du paragraphe 2 de l'article 19, les pensions et autres rémunérations similaires payées à un résident d'un Etat au titre d'un emploi antérieur ne sont imposables que dans cet Etat ". Enfin, selon l'article 22 relatif à l'élimination des doubles impositions stipule : " La double imposition est évitée de la manière suivante : 2. En ce qui concerne la France : a) Les revenus autres que ceux visés à l'alinéa b ci-dessous sont exonérés des impôts français mentionnés à l'alinéa a du paragraphe 3 de l'article 2, lorsque ces revenus sont imposables à Madagascar, en vertu de la présente convention. Toutefois, aucune exonération n'est accordée si les revenus en cause ne sont pas imposables à Madagascar, en vertu de la législation interne de cet Etat (...). ".
8. Afin d'établir sa résidence permanente à Madagascar au cours des années 2007 et 2008, M.B..., qui a épousé une ressortissante malgache en 2001, produit un certificat de location d'un appartement daté du 21 avril 2010 selon lequel lui-même et son épouse occuperaient ce logement depuis 2004, ainsi que deux certificats émanant du Consulat Général de France à Tananarive et datés du 21 juin 2011 indiquant qu'ils sont inscrits au registre des français établis hors de France et qu'ils résident effectivement à Madagascar depuis le 26 juillet 2006. Les requérants versent également au dossier un certificat de résidence du 22 avril 2010 émanant du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, précisant qu'ils résident dans la communauté urbaine de Toliara depuis 2004. Dans ces conditions, et alors que l'administration ne conteste pas que les époux B...avaient leur foyer d'habitation permanent à Madagascar en 2007 et 2008, ces derniers doivent être regardés, en application des stipulations précitées de l'article 4 de la convention franco-malgache, comme résidents de Madagascar au sens de cette convention. Or, en vertu de l'article 18 de la convention franco-malgache, la pension de retraite d'une personne n'est imposable que dans l'Etat au sein duquel ce contribuable doit être regardé comme résident au sens de l'article 4 de la même convention. Les époux B...se prévalent de deux attestations de régularité fiscale datées des 18 août 2010 et 28 janvier 2015 et émanant du chef d'arrondissement de Tanambao I, selon lesquelles M. B..." est assujetti à une obligation fiscale illimitée sur ses revenus, du fait de sa résidence permanente à Madagascar " et précisant également que les époux B...sont à jour de leurs impôts depuis 2004, date de leur installation en résidence à Madagacar. Il résulte ainsi de l'instruction que la pension de retraite en litige qui était la seule source de revenus dont disposait l'intéressé au cours des années 2007 et 2008, a été effectivement assujettie à l'impôt sur le revenu à Madagascar. Par suite, les requérants sont fondés à se prévaloir des stipulations de cette convention pour soutenir qu'ils n'étaient pas imposables à l'impôt sur le revenu en France au titre des années en cause.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les époux B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à être déchargés des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme B...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1104563 du 2 décembre 2014 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : M. et Mme B...sont déchargés des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. et Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Christine Mège, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 juin 2017.
Le rapporteur,
Sabrina LadoireLe président,
Christine MègeLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
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N° 15BX00297