Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Parc éolien des Grands Champs a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision en date du 8 mars 2013 par laquelle le préfet de la Charente a rejeté sa demande tendant à obtenir l'autorisation d'exploiter et d'installer un parc éolien sur le territoire de la commune de Nanteuil-en-Vallée (Charente).
Par un jugement n° 1301001 du 24 septembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2015 et des mémoires présentés les 23 mai et 28 juillet 2016, la SAS Parc éolien des Grands Champs, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 septembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision en date du 8 mars 2013 par laquelle le préfet de la Charente a rejeté sa demande tendant à d'obtenir l'autorisation d'exploiter et d'installer un parc éolien sur le territoire de la commune de Nanteuil-en-Vallée (Charente) ;
3°) d'enjoindre à titre principal, au préfet de la Charente de lui délivrer l'autorisation d'exploiter le parc éolien au titre de la police des ICPE et de fixer les prescriptions de fonctionnement ; subsidiairement, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande d'autorisation ICPE dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 500 euros par jours de retard.
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure :
* En vertu de l'article R. 512-11 du code de l'environnement précisé par la circulaire du 25 septembre 2001, le préfet est tenu d'instruire le dossier de demande d'autorisation une fois qu'il l'a déclaré complet et régulier. Ces demandes ne doivent pas être multiples, surtout lorsqu'elles sont opérées après la clôture de l'enquête publique. Or, le sous-préfet de Confolens avait accusé réception du dossier complet le 26 janvier 2012 et l'avait informée, le 23 mars 2012, de la recevabilité du dossier après vérification des pièces produites par la DREAL. Il ne pouvait dès lors lui demander de la compléter.
* En tout état de cause, la demande portant sur un complément relatif à l'étude des effets cumulés aurait dû intervenir plus tôt dans l'instruction de la procédure, et ne pouvait être exigée dans un délai de huit jours. Contrairement aux préconisations de la circulaire, l'instruction de sa demande n'a pas débuté immédiatement.
* L'autre société, à laquelle n'ont pas été présentées ces demandes, a bénéficié d'une instruction accélérée de sa demande.
* l'arrêté est entaché d'un détournement de procédure dès lors que l'administration a souhaité privilégier l'instruction de la demande de la société MSE Le Vieux Moulin :
* Ces deux demandes ont été complétées à trois semaines d'intervalle et non à un mois, comme l'indique erronément le tribunal. Aucune règle n'impose à l'administration de traiter les demandes présentées au titre de la police des ICPE par ordre d'arrivée.
* L'administration avait connaissance tant du dépôt que de l'instruction des demandes concernant ces deux projets et aurait donc dû solliciter les compléments auprès des deux pétitionnaires.
* La demande de production d'une étude complémentaire a été présentée tardivement et lui a laissé un délai trop bref, non prévu par les textes, pour lui permettre de réaliser ces études. En outre, cette étude ne pouvait être réalisée faute pour la société de connaître les contours du parc éolien de la société MSE Le Vieux Moulin. Il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas sollicité des informations à ce titre.
* Une telle étude portant sur les effets cumulés n'était pas justifiée en droit.
* La demande présentée par la société MSE Le Vieux Moulin a bénéficié d'une instruction accélérée alors qu'elle avait demandé à ce que les deux projets soient soumis à la commission en même temps. L'administration avait connaissance des difficultés relatives à la maîtrise foncière de la parcelle 235 ZE 25 et ne pouvait donc motiver son refus par le fait que les deux projets seraient partiellement implantés sur la même parcelle.
- les motifs de refus sont injustifiés dans la mesure où ils découlent du constat erroné d'une antériorité de la demande présentée par la société MSE Le Vieux Moulin et procèdent de la volonté de favoriser cette société au lieu d'envisager une collaboration entre les deux pétitionnaires ;
- les motifs invoqués et tirés de l'absence d'étude des effets cumulés et de l'incompatibilité technique ne pouvaient légalement justifier le refus de délivrer l'autorisation d'exploiter :
S'agissant de l'absence d'analyse des effets cumulés ou dominos :
* Seuls les intérêts définis à l'article L. 511-1 du code de l'environnement peuvent justifier un refus ;
* Aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait au pétitionnaire, le 19 janvier 2012, d'analyser les effets cumulés et les effets dominos, lesquels doivent d'ailleurs être distingués. Si les dispositions de l'article R. 512-8 du code de l'environnement, désormais codifiées aux articles R. 122-5 et R. 512-8 de ce code prévoient que le pétitionnaire analyse désormais les effets avec les projets connus, il s'agit des projets qui ont fait l'objet d'une enquête publique ou d'une étude d'impact et d'un avis rendu public de l'autorité environnementale. De plus, ces dispositions ne s'appliquent qu'aux projets dont le dossier de demande d'autorisation a été déposé à partir du 1er juin 2012. En effet, selon l'article 231 de la loi du 12 juillet 2010 modifiant l'article L. 122-3 du code de l'environnement, l'article 230 s'applique aux projets dont le dossier de demande d'autorisation, d'approbation ou d'exécution est déposé auprès de l'autorité compétente à compter du premier jour du sixième mois après la publication du décret prévu à l'article L. 122-3 de ce code. Cette règle a été rappelée par l'article 13 du décret du 29 décembre 2011 pris en application de l'article 230.
* De même, il n'existe pas d'obligation d'analyser les effets dominos dans l'étude de dangers, ce qui est appelé par la circulaire du 29 août 2011 relative aux conséquences et orientation du classement des éoliennes dans le régime des installations classées et du guide technique relatif à l'élaboration de l'étude de dangers dans le cadre des parcs éoliens.
* L'administration ne pouvait ignorer qu'elle n'était pas soumise à ces exigences, comme le rappelle, dans son compte-rendu, la CDNPS relative au projet éolien de l'autre société.
* Dans son mémoire en réplique, le ministre admet que le refus d'autorisation d'exploiter se fonde sur l'absence d'étude des effets cumulés au sein de l'étude d'impact produite par la société pétitionnaire.
S'agissant de l'incompatibilité technique :
* Ce critère n'est pas au nombre de ceux mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
- Cet arrêté méconnaît l'article L. 512-6 I 7° du code de l'environnement dès lors qu'elle justifie de la maîtrise foncière d'une parcelle de terrain :
* L'incompatibilité technique sur laquelle se fonde le refus découle de la présence de deux aérogénérateurs sur la même parcelle agricole alors qu'elle est la seule à disposer de la maîtrise foncière de cette parcelle.
* Le motif retenu par l'arrêté méconnaît donc les dispositions susvisées.
* Aucune atteinte aux intérêts protégés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ne saurait être invoquée lorsque l'atteinte résulte de l'installation à venir de parcs éoliens n'existant pas à la date de la décision.
- Le refus en litige est entaché d'erreur d'appréciation :
* Le tribunal a reconnu que seule l'incompatibilité technique justifiait le refus de délivrance de l'autorisation d'exploiter ce parc éolien.
* Les motifs tirés de la hauteur des installations et de leur effet de sillage ne pouvaient être opposés au pétitionnaire :
o L'administration ne démontre pas qu'il n'existait aucune solution technique pour limiter les nuisances susceptibles d'affecter le voisinage de l'installation projetée.
o Le fait qu'un parc éolien soit implanté en altitude ne constitue pas un critère de refus. L'implantation d'aérogénérateurs d'une hauteur de 150 mètres sur un plateau culminant à 150 mètres d'altitude ne crée pas une incohérence paysagère avec les autres parcs implantés dans le secteur, comme le montre l'étude d'impact. Seul le projet de la société MSE Le Vieux Moulin n'avait pas été pris en compte. Son projet s'insère parfaitement dans le paysage ainsi que cela ressort des avis des services consultés et de l'étude d'impact.
o Il n'est pas de nature à dégrader le paysage dès lors que les parcs éoliens deviennent un élément familier de celui-ci, que le schéma d'implantation rend le paysage éolien harmonieux et que le site est arboré et forestier ce qui limite les ouvertures visuelles du projet.
* Le motif tiré de l'incompatibilité technique n'est pas davantage justifié :
o Ce n'est pas un motif énuméré par l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
o Cette incompatibilité ne saurait procéder de la seule " proximité immédiate " de couples d'aérogénérateurs.
o Cette solution est en contradiction avec la solution retenue le même jour par le tribunal dans le jugement n° 1300492 s'agissant du refus de délivrance du permis de construire ce parc éolien, le tribunal ayant indiqué que rien ne permettait d'établir l'existence de risques résultant de la coexistence de deux aérogénérateurs sur la même parcelle de terrain.
o Enfin, si le tribunal a indiqué que les installations en litige étaient de nature à porter atteinte à la protection de l'avifaune et de chiroptères ainsi qu'à l'utilisation rationnelle de l'énergie éolienne, ces motifs ne figuraient pas dans l'arrêté en litige qui se réfère uniquement à la " nature ". En se référant aux pertes de rendement des éoliennes généré par la coexistence des deux projets, le préfet a entendu se fonder sur l'incompatibilité technique des deux projets et non sur l'atteinte à l'utilisation rationnelle de l'énergie.
- Le refus d'autorisation n'est pas fondé dès lors que l'autorisation d'exploiter délivrée à la société MSE Le Vieux Moulin a été annulé le 12 mai 2016 par le tribunal administratif. Or, s'agissant d'un contentieux de pleine juridiction, le juge administratif doit apprécier la demande au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue. Il n'a pas à rechercher si les circonstances de fait ou de droit existant à la date à laquelle il statue revêtent un caractère définitif.
- L'annulation de l'arrêté doit conduire la cour à enjoindre à l'administration de délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée en l'assortissant, le cas échéant de prescriptions, sur le fondement de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, ou subsidiairement, de reprendre l'instruction de cette demande dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard. Compte tenu de l'annulation de l'autorisation d'exploiter qui avait été délivrée à la société MSE Le Vieux Moulin, aucun motif ne s'oppose désormais à la délivrance de l'autorisation qu'elle avait sollicitée et dont le refus était uniquement fondé sur l'incompatibilité de son projet avec celui de cette société.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 avril et 12 juillet 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.
Par ordonnance du 13 juillet 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 16 août 2016 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
- le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la SAS Parc éolien des Grands Champs.
Une note en délibéré présentée pour la SAS Parc éolien des Grands Champs a été enregistrée le 29 juin 2017.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Parc éolien des Grands Champs a sollicité, le 28 octobre 2011, l'autorisation d'exploiter un parc éolien comprenant douze aérogénérateurs et deux postes de livraison d'une puissance unitaire de 2 MW et d'une hauteur de 150 mètres sur le site du plateau de Moutardon sur le territoire de la commune de Nanteuil-en-Vallée (Charente). Par un courrier daté du 5 janvier 2012, le préfet de la Charente lui a réclamé des pièces complémentaires afin de compléter son dossier. Ces pièces ont été adressées à l'administration le 19 janvier 2012. Le 11 décembre 2012, le préfet a demandé à la SAS Parc éolien des Grands Champs d'établir une étude sur les effets cumulés de ses installations avec les autres parcs éoliens existants et, notamment, celui de la société MSE Le Vieux Moulin dont le dossier était en cours d'instruction. Le 20 décembre 2012, la SAS Parc éolien des Grands Champs a indiqué qu'elle ne pouvait fournir cette étude dans les délais prescrits. Le 24 janvier 2013, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) de la Charente a émis un avis défavorable au projet de cette société. Par un arrêté en date du 8 mars 2013, le préfet de la Charente a rejeté sa demande tendant à obtenir l'autorisation d'exploiter ce parc éolien. La SAS Parc éolien des Grands Champs relève appel du jugement n° 1301001 du 24 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 8 mars 2013.
Sur la légalité de l'arrêté :
En ce qui concerne le motif tiré de ce que la pétitionnaire n'aurait pas analysé dans l'étude d'impact les effets cumulés induits par son projet et celui de la MSE Le Vieux Moulin :
2. La SAS Parc éolien des Grands champs fait valoir qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne lui imposait, le 19 janvier 2012, d'analyser les effets cumulés ni les effets dominos induits par son projet et qu'ainsi, le préfet ne pouvait lui refuser l'autorisation d'exploiter en litige au motif notamment, qu'elle n'aurait pas produit une étude afférente aux effets cumulés de son projet avec celui de la MSE Le Vieux Moulin.
3. L'article 122-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'article 230 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dispose : " I. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application de la présente section. II. - Il fixe notamment : (...) 2° Le contenu de l'étude d'impact, qui comprend au minimum une description du projet, une analyse de l'état initial de la zone susceptible d'être affectée et de son environnement, l'étude des effets du projet sur l'environnement ou la santé humaine, y compris les effets cumulés avec d'autres projets connus, les mesures proportionnées envisagées pour éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine ainsi qu'une présentation des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets sur l'environnement ou la santé humaine (...). ". En vertu de l'article 231 de la loi susvisée du 12 juillet 2010 : " L'article 230 s'applique aux projets dont le dossier de demande d'autorisation, d'approbation ou d'exécution est déposé auprès de l'autorité compétente à compter du premier jour du sixième mois après la publication du décret prévu à l'article L. 122-3 du code de l'environnement tel qu'il résulte de ce même article 230 (...). ". L'article R. 122-5 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 dispose : " (...) II. L'étude d'impact présente : (...) 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : -ont fait l'objet d'un document d'incidences au titre de l'article R. 214-6 et d'une enquête publique ; -ont fait l'objet d'une étude d'impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public (...). ". Enfin, l'article 13 du décret susvisé du 29 décembre 2011 dispose : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux projets dont le dossier de demande d'autorisation, d'approbation ou d'exécution est déposé auprès de l'autorité compétente pour prendre la décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution à compter du premier jour du sixième mois suivant la publication du présent décret au Journal officiel de la République française (...). ".
4. En vertu des dispositions de l'article 231 de la loi du 12 juillet 2010 modifiant l'article L. 122-3 du code de l'environnement, et de celles de l'article 13 du décret du 29 décembre 2011, l'obligation pour le pétitionnaire de joindre à sa demande d'autorisation d'exploiter un parc éolien, une étude des effets cumulés sur l'environnement ou la santé humaine de son projet avec d'autres projets éoliens connus s'applique uniquement aux projets dont le dossier de demande d'autorisation a été déposé auprès de l'autorité compétente à compter du premier jour du sixième mois suivant la publication du décret prévu à l'article L. 122-3 de ce code, soit à compter du 1er juin 2012.
5. Il est constant que le dossier de demande d'autorisation d'exploiter présenté par la société Parc éolien des Grands champs a été déposé le 26 janvier 2012. Par suite, l'autorité préfectorale ne pouvait lui demander de produire une étude des effets cumulés de son projet avec les projets connus, et en particulier celui de la société MSE Le Vieux Moulin, dont la demande avait été déposée le 27 décembre 2011. Par suite, le préfet ne pouvait légalement refuser de délivrer à la société requérante l'autorisation d'exploiter qu'elle avait sollicitée au motif que malgré une demande qui lui avait été adressée en ce sens le 11 décembre 2012, elle n'avait pas analysé les effets cumulés liés à la présence de son parc éolien et de celui porté par la société MSE Le Vieux Moulin dans le même secteur.
En ce qui concerne le motif tiré de l'incompatibilité technique du projet en litige compte tenu de l'autorisation d'exploiter précédemment accordée à la société MSE Le Vieux Moulin :
6. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet, après avoir constaté que deux demandes d'autorisation d'exploiter un parc éolien avaient été déposées sur le même secteur, l'une portée par la société MSE Le Vieux Moulin et l'autre portée par la société requérante, a opposé un refus à cette dernière société au motif que ces deux projets étaient incompatibles techniquement, en raison de la proximité immédiate de trois couples d'aérogénérateurs, dont un couple sur une même parcelle, de nature à entraîner une perte de rendement des éoliennes et une augmentation des impacts (dégradation de l'insertion paysagère...) et des risques générés par ces installations par effets cumulés ou dominos de ces deux projets. Le préfet a ainsi estimé que la demande de la société MSE Le Vieux Moulin ayant été acceptée, la compatibilité, même partielle, du parc éolien de la requérante avec celui autorisé sur le même secteur n'était pas démontrée. Afin de contester ce second motif de l'arrêté, la société requérante se prévaut de l'annulation de l'autorisation d'exploiter délivrée à la société MSE Le Vieux Moulin par un jugement n° 1301852 du tribunal administratif de Poitiers rendu le 12 mai 2016.
7. Le juge de pleine juridiction des installations classées, saisi d'une demande dirigée contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser l'exploitation d'un parc éolien, se prononce au regard de la situation de fait et de droit existant à la date de sa propre décision, lorsqu'il examine les conditions de fond auxquelles est subordonnée son exploitation.
8. Il résulte de l'instruction que par un jugement n° 1301852 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé l'annulation de l'arrêté interpréfectoral en date du 21 février 2013 par lequel les préfets de la Charente et de la Vienne avaient autorisé la société en nom collectif (SNC) MSE Le Vieux Moulin à exploiter un parc de dix-neuf éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Lizant, Genouillé et Surin dans le département de la Vienne, et sur le territoire des communes de Taizé-Aizie, Nanteuil-en-Vallée et Le Bouchage dans le département de la Charente. Par un arrêt n° 16BX02278, 16BX02279 rendu ce jour, la Cour de céans a confirmé l'annulation de cet arrêté. L'autorité de chose jugée qui s'attache à cet arrêt et le caractère rétroactif de l'annulation juridictionnelle qu'il a prononcée font ainsi obstacle à ce que la société Parc éolien des Grands Champs puisse légalement se voir opposer un refus d'autorisation d'exploiter au motif que son projet serait incompatible techniquement avec le projet de la société MSE Le Vieux Moulin qui ne dispose plus d'aucune autorisation d'exploiter un parc éolien dans le même secteur. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que le refus d'autorisation en litige ne peut être légalement fondé sur la proximité de son projet avec celui de la MSE Le Vieux Moulin, ni, en conséquence, sur l'incompatibilité technique entre ces deux projets et l'augmentation des impacts et des risques en résultant.
9. Ainsi, les motifs tirés de l'incompatibilité technique avec le projet de la société MSE Le Vieux Moulin et de l'absence d'étude des effets cumulatifs des deux projets, ne sont pas au nombre de ceux qui pouvaient légalement justifier le refus opposé par le préfet de la Charente à la demande de la société Parc éolien des Grands Champs.
Sur les conséquences des illégalités retenues :
10. En premier lieu, le refus d'autorisation d'exploiter était également fondé sur l'incohérence paysagère du projet avec les autres parcs existants dans la zone et sur l'impossibilité pour l'administration de déterminer les prescriptions relatives au fonctionnement de l'installation eu égard à sa proximité avec le parc que la MSE Le Vieux Moulin avait obtenu l'autorisation d'exploiter. Toutefois, il résulte de l'instruction que le refus opposé à la requérante était essentiellement fondé sur les deux motifs qui ont été censurés aux points 2 à 9 du présent arrêt et qui tenaient à l'incompatibilité technique de son projet avec celui de la société MSE Le Vieux Moulin et à l'absence d'analyse des effets cumulés de ces deux projets. Par suite, ces motifs ayant été déterminants, l'arrêté en litige doit être annulé.
11. En second lieu, aux termes de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, les décisions, prises sur le fondement de l'article L. 512-1, accordant ou refusant une autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement sont soumises à un contentieux de pleine juridiction, un décret en Conseil d'Etat précisant les délais dans lesquels ces décisions peuvent être déférées à la juridiction administrative. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions. Dans le cas où le juge administratif fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour autoriser le fonctionnement d'une installation classée, la décision d'autorisation ainsi rendue présente le caractère d'une décision juridictionnelle et se trouve en conséquence revêtue de l'autorité de chose jugée.
12. Eu égard à l'impossibilité pour l'administration de déterminer l'impact du projet en litige sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement compte tenu notamment de l'absence d'analyse des effets cumulés de ce projet avec ceux d'autres parcs éoliens situés dans le même secteur, alors qu'à la date du présent arrêt, la production de cette analyse est requise par les dispositions du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, l'annulation de la décision du préfet ayant refusé de délivrer à la société Parc éolien des Grands Champs l'autorisation d'exploiter qu'elle avait sollicitée n'implique pas qu'il soit enjoint à l'autorité préfectorale de délivrer à la requérante cette autorisation d'exploiter. Par suite, il y a uniquement lieu d'enjoindre au préfet de la Charente de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de six mois à compter de la date de notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Parc éolien des Grands Champs est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente du 8 mars 2013.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à la SAS Parc éolien des Grands Champs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1301001 du 24 septembre 2015 du tribunal administratif de Poitiers et l'arrêté du préfet de la Charente du 8 mars 2013 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Charente de réexaminer la demande de la SAS Parc éolien des Grands Champs dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la SAS Parc éolien des Grands champs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la SAS Parc éolien des Grands champs est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Parc éolien des Grands champs, au ministre de la transition écologique et solidaire et au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Christine Mège, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 juillet 2017
Le rapporteur,
Sabrina Ladoire Le président,
Christine MègeLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 15BX03754