Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de La Martinique d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2008 par lequel le maire de la commune du Gros Morne a retiré l'arrêté en date du 11 juillet 2008 leur accordant un permis de construire.
Par un jugement n° 1500029 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de La Martinique a rejeté leur requête.
Procédure devant la cour :
I/ Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 février 2016 et le 24 mars 2016, Mme D..., représentée par Me E...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Martinique du 19 novembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2008 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Gros-Morne une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché de plusieurs erreurs de date, notamment celle relative à la date de la transmission au préfet de l'arrêté, et celle de la date de l'arrêté délivrant le permis de construire ; le jugement ne pouvait se fonder sur la date à laquelle l'arrêté prononçant le retrait du permis de construire a été transmis au préfet pour déterminer la date de cet arrêté ;
- en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales le préfet a saisi la commune d'un recours gracieux le 3 octobre 2008, plus de deux mois après la transmission de cet acte à la préfecture qui est intervenue le 30 juillet 2008 ;
- l'arrêté prononçant le retrait lui a été notifié le 16 octobre 2008, plus de trois mois après la date à laquelle le permis a été délivré le 11 juillet 2008, en méconnaissance de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ; selon la jurisprudence, la décision de retrait doit être notifiée au bénéficiaire du permis avant l'expiration du délai de trois mois suivant la date à laquelle ce permis a été accordé ; le jugement ne s'est pas prononcé sur cet aspect ;
- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le caractère non contradictoire de la procédure de retrait du permis de construire ; la décision de retrait du permis de construire devait être précédée d'une procédure contradictoire ; aucune urgence ne justifiait le retrait du permis ;
- l'illégalité dont était entaché le permis n'étant pas substantielle, le maire pouvait assortir le permis de prescriptions particulières.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2016, la commune de Gros Morne conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de Mme D...une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas entaché d'erreur de fait ;
- le délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ne concerne que les déférés préfectoraux, or le préfet n'a pas déféré le permis de construire délivré le 11 juillet 2008 ; il a seulement informé la commune de l'illégalité du permis délivré ;
- l'arrêté de retrait contient une erreur de plume ;
- le délai de retrait de trois mois a bien été respecté dès lors que le permis a été accordé le 11 juillet 2008 et retiré le 9 octobre 2008 ;
- compte tenu des circonstances exceptionnelles constituées par la date à laquelle elle a été informée par la préfecture de l'illégalité entachant le permis de construire et de la nature de l'illégalité qui affectait ce permis, elle n'a pas pu mettre en oeuvre la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; avisée de la position du préfet le 3 octobre 2008, elle a prévenu les pétitionnaires dès que possible ;
- l'illégalité dont est entaché le permis du fait de la méconnaissance du règlement de la zone NAUD du plan d'occupation des sols revêt bien un caractère substantiel, aucun schéma d'aménagement de la zone NAUD n'ayant été approuvé. En outre, la surface de plancher créée de 232,5 m² dépasse substantiellement celle de 170 m² qui impliquait le recours à un architecte.
Par ordonnance du 3 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 22 août 2017 à 12 heures.
II/ Par une requête et un mémoire enregistrés le 26 février 2016 et le 9 février 2017, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Martinique du 19 novembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2008 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Gros-Morne une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une contradiction dès lors qu'il évoque une fin de non recevoir qui n'a pas été soulevée en défense en première instance ;
- la décision portant retrait du permis de construire n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ; l'urgence de l'échéance du délai de trois mois ne permet pas de s'affranchir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; la commune ne saurait invoquer comme circonstance exceptionnelle, la prétendue illégalité du permis retiré, laquelle n'est par ailleurs aucunement établie ;
- la décision de retrait n'a pas été notifiée à la requérante dans le délai de trois mois prévu par les dispositions de l'article L 424-5 du code de l'urbanisme ;
- le permis de construire délivré le 11 juillet 2008 n'était pas illégal ; la circonstance qu'un schéma d'aménagement d'ensemble fasse défaut pour la zone NAUD concernée par le projet de la requérante est sans influence sur la légalité du permis alors accordé ; cette absence n'est pas imputable aux pétitionnaires du permis, lesquelles ne pouvaient se substituer à la commune sur ce point ; il est constant que le permis de construire a été délivré au vu de plans complets et précis, qui permettaient d'apprécier la cohérence du projet ; alors même que la commune n'a pas pris la peine d'élaborer un schéma d'aménagement, le secteur comprenait déjà les réseaux nécessaires pour en assurer une urbanisation cohérente ;
- le motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme ne pouvait être retenu dès lors que la demande de permis de construire portait sur la construction de deux bâtiments à usage d'habitation, par nature distincts, le seuil devant par suite être calculé pour chacun des bâtiments pris individuellement, la surface hors oeuvre nette des deux bâtiments à usage d'habitation est inférieure à 170 m².
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2016, la commune de Gros Morne conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de Mme B...une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas irrégulier ; si le tribunal a évoqué par erreur une fin de non-recevoir, il n'a pas statué et n'a pas fondé sa décision sur celle-ci ;
- compte tenu des circonstances exceptionnelles constituées par la date à laquelle elle a été informée par la préfecture de l'illégalité entachant le permis de construire et de la nature de l'illégalité qui affectait ce permis, elle n'a pas pu mettre en oeuvre la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; avisée de la position du préfet le 3 octobre 2008, elle a prévenu les pétitionnaires dès que possible ;
- le délai de retrait de trois mois a bien été respecté dès lors que le permis a été accordé le 11 juillet 2008 et retiré le 9 octobre 2008 ;
- le permis était entaché de deux illégalités, la première tirée de la méconnaissance du règlement de la zone NAud du plan d'occupation des sols et la seconde de l'absence de recours à un architecte malgré l'importance du projet.
Par ordonnance du 3 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 22 août 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès, président ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de Me E...A..., représentant MmeD..., et de MeF..., représentant MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...et Mme B...sont propriétaires d'une parcelle cadastrée Z 362 qui a fait l'objet d'une division en cinq parcelles désormais cadastrée Z 736 à 740. Le 14 avril 2008, elles ont sollicité un permis de construire pour la construction de deux maisons d'habitation. Le maire de la commune de Gros-Morne a délivré le permis de construire par arrêté en date du 11 juillet 2008. Par courrier en date du 3 octobre 2008, le préfet de la Martinique a informé le maire de la commune que le permis délivré méconnaissait les dispositions de l'article NAud 1.2 du règlement du plan d'occupation des sols. Par arrêté en date du 9 octobre 2008, le maire de la commune a retiré ce permis de construire en retenant le motif tiré de la non-conformité du projet avec le règlement de la zone NAud du plan d'occupation des sols et le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme. Par jugement n° 1500029 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de La Martinique a rejeté la demande présentée par Mme D...et Mme B...tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2008. Mme D...et Mme B...relèvent appel de ce jugement par deux requêtes n° 16BX00749 et 16BX00766 qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la légalité de l'arrêté de l'arrêté du 9 octobre 2008 :
2. L'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations modifiée dispose que : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière. (...) " La décision portant retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979. Elle doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire.
3. Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. " Compte tenu de l'objectif de sécurité juridique poursuivi par le législateur, qui ressort des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 2006 dont les dispositions de l'article L. 424.5 du code de l'urbanisme sont issues, l'autorité compétente ne peut rapporter un permis de construire que si la décision de retrait est notifiée au bénéficiaire du permis avant l'expiration du délai de trois mois suivant la date à laquelle ce permis a été accordé.
4. Le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 constitue une garantie pour le titulaire du permis que l'autorité administrative entend rapporter. Eu égard à la nature et aux effets d'un tel retrait, le délai de trois mois prévu par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme oblige l'autorité administrative à mettre en oeuvre cette décision de manière à éviter que le bénéficiaire du permis ne soit privé de cette garantie.
5. Il est constant que, préalablement à la signature de l'arrêté de retrait litigieux, le maire de la commune de Gros-Morne n'a pas informé les requérantes, dans un délai suffisant, de la mesure qu'il envisageait de prendre et des motifs sur lesquels elle se fondait. Ni la circonstance que l'échéance du délai de trois mois prévu par les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme était proche lorsque le préfet a attiré l'attention du maire sur l'illégalité de ce permis, ni la gravité des illégalités dont serait entaché le permis de construire délivré le 11 juillet 2008 ne révèlent une situation d'urgence permettant à la commune de se soustraire aux obligations prévues par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. Par suite, Mme D...et Mme B... sont fondées à soutenir que l'arrêté du 9 octobre 2008 a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière.
6. Le maire de Gros-Morne a procédé au retrait du permis de construire délivré le 11 juillet 2008 et transmis au contrôle de légalité le 30 juillet 2008, par arrêté du 9 octobre 2008. La commune de Gros-Morne n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la décision de retrait du permis de construire du 9 octobre 2008 aurait été notifiée dans le délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, alors qu'elle reconnaît une notification par courrier daté du 16 octobre distribué le 25 octobre suivant. Il suit de là que le maire de Gros-Morne, alors même qu'il avait été saisi d'un recours gracieux dirigé contre le permis de construire formé par le préfet de la Martinique en date du 30 septembre 2008, ne pouvait, sans méconnaître l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, notifier le retrait du permis délivré le 11 juillet 2008 après le 11 octobre 2008.
7. Aux termes de l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Conformément à l'article 1er du décret n° 77-190 du 3 mars 1977, ne sont toutefois pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou les exploitations agricoles à responsabilité limitée à associé unique qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes : a) Une construction à usage autre qu'agricole dont la surface de plancher hors oeuvre nette n'excède pas cent soixante-dix mètres carrés ; (...) "
8. Pour retirer le permis de construire délivré le 11 juillet 2008, le maire de la commune a estimé que le projet ayant une surface hors oeuvre nette s'élevant à 232,55 m², il aurait dû être établi par un architecte. Si le permis de construire porte sur une surface hors oeuvre autorisée nette de 232,55 m², la surface à prendre en compte pour la comparer aux 170 m² est celle de chaque construction et non pas celle de l'ensemble de la surface faisant l'objet de travaux. En l'espèce, il est constant que le projet de constructions porte sur deux logements distincts dont la surface respective n'excède pas 170 m². Par suite, la décision de retrait attaquée ne pouvait se fonder sur un tel motif.
9. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens de la requête ne sont pas, en l'état du dossier soumis à la cour, propres à fonder l'annulation de la décision du maire en litige.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que Mme D...et Mme B...sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement, le tribunal administratif de La Martinique a rejeté leur demande.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérantes, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la commune de Gros-Morne demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, la commune de Gros-Morne versera à Mme D...et à Mme B...une somme de 1 500 euros chacune en application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500029 du 19 novembre 2015 du tribunal administratif de La Martinique et l'arrêté du maire de Gros-Morne du 9 octobre 2008 sont annulés.
Article 2 : La commune de Gros-Morne versera à Mme D...et à Mme B...une somme de 1 500 euros chacune sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Gros-Morne présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H...D..., à Mme G...B...et à la commune de Gros-Morne. Copie en sera transmise au préfet de la Martinique.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 novembre 2017.
L'assesseur le plus ancien,
Paul-André BRAUDLe président-rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈS
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 16BX00749-16BX00766