Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
MeE..., liquidatrice de l'EARL Canal Tropic, a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de la décision implicite de rejet par la communauté d'agglomération Rochefort Océan (CARO) de la demande présentée par l'EARL Canal Tropic par un courrier du 12 juillet 2013, tendant à ce que soit assuré le transfert de propriété de la serre objet du contrat de crédit-bail signé le 24 août 1995 et d'enjoindre à la CARO de réaliser ce transfert.
Par un jugement n° 1302229 du 12 novembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête du 11 janvier 2016 Me E...représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1302229 du 12 novembre 2015 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet par la communauté d'agglomération Rochefort Océan (CARO) de la demande présentée par l'EARL Canal Tropic le 12 juillet 2013 tendant à ce qu'il soit procédé au transfert de propriété de la serre objet du contrat de crédit-bail signé le 24 août 1995 ;
3°) d'enjoindre à la CARO de réaliser ce transfert ;
4°) de mettre à la charge de la CARO la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jugement du 12 novembre 2015 du tribunal administratif de Poitiers est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit en se fondant sur le non-respect des formes prévues par les parties pour la réalisation de la promesse de vente alors d'une part qu'il ne s'agissait pas de formalités substantielles et que la commune intention des parties était de transférer la propriété des serres à la société à l'issue du contrat de bail ;
- s'il est opposé le fait que l'EARL Canal Tropic n'aurait pas respecté le formalisme de l'article 14 du contrat de crédit-bail du 24 août 1995, faute d'avoir demandé le transfert de propriété dans les six mois précédant l'expiration du contrat, la société par courrier de février 2011, a demandé le bénéfice du transfert de propriété ; le formalisme prévu par l'article 14 du contrat, notamment concernant l'envoi en recommandé, n'était pas une formalité substantielle conditionnant la validité du transfert de propriété ; la circonstance que la demande de transfert de propriété ait été formalisée quelques semaines après l'expiration du contrat de crédit bail n'est pas un obstacle au transfert de propriété, et ne l'est pas non plus le fait que la demande ait été faite par lettre simple ; la commune intention des parties était bien à l'origine de voir la propriété de la serre transférée à l'EARL à l'issue du contrat de location conformément à ce dont dispose l'avenant n° 1 au contrat du 24 août 1995 ; par ailleurs, compte tenu de la configuration des lieux et des caractéristiques des locaux, qui sont étroitement liés, la propriété de la première serre devait entrainer la propriété de la seconde serre, et la commune intention des parties a donc bien été de transférer la propriété des deux serres ; le gérant de la société a bénéficié de crédits pour financer cette acquisition, et la société a bénéficié de subventions de l'ONIFLHOR ; à compter du 1er janvier 2011, la CARO ne s'est plus comportée en propriétaire de la serre contrairement à l'EARL ; à l'échéance du contrat, l'EARL n'a plus payé de loyer et aucun loyer ne lui a été réclamé ; la société n'a jamais été interrogée sur son intention ou non de lever l'option et n'a pas été mise en demeure de le faire ; il y a donc bien eu acceptation tacite du transfert de propriété ; c'est à tort que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la violation du principe constitutionnel d'égalité des citoyens dès lors que les sociétés Boyard et Hortus, ont levé l'option à la suite d'un appel aux services de la mairie de Rochefort et par un contact direct verbal auprès de la direction de la CARO, sans que ces personnes publiques n'exigent un quelconque formalisme pour procéder à ce transfert de propriété.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2016 la communauté d'agglomération Rochefort Océan (CARO), représentée par Me B...et par MeD..., conclut au rejet de la requête de MeE... et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de MeE..., liquidatrice de l'EARL Canal Tropic au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'article 14 du contrat du 24 août 1995 a été complété par un avenant du 13 décembre 2015, qui modifie l'article 13 du contrat, selon lequel la demande de réalisation de la vente devra être faite soit à l'expiration du bail soit en cours de bail, mais seulement à partir de la 10ème année ;
- compte tenu de ce que l'avenant en date du 26 février 2001, à la convention, prévoyait la prolongation du bail jusqu'au 31 décembre 2010, la demande de transfert de propriété devait intervenir avant le 30 juin 2010 ; faute en l'espèce d'une telle demande, le transfert de propriété n'a pu intervenir ;
- la convention stipule clairement que le preneur s'engage à acquérir l'immeuble, mais uniquement dans le délai imparti, la promesse de vente n'étant consentie que pour la durée du bail ;
- la société a adressé une lettre simple à la CARO le 3 février 2011, demandant le transfert de propriété alors que le contrat de crédit-bail avait pris fin en décembre 2010 et qu'au surplus, la demande de transfert de propriété était présentée au bénéfice personnel de M.A..., qui n'est pas partie à la convention ;
- outre le fait que le contrat de crédit-bail est un contrat de droit privé, lorsque les parties ont prévu contractuellement, des modalités de levée de l'option, ces modalités doivent être respectées ;
- contrairement à ce que soutient la requérante, le sort du premier contrat de crédit-bail n'était pas celui du second contrat, auquel la société a mis fin au 1er octobre 2011 ;
- la circonstance que le projet porté par l'EARL Canal Tropic ait fait bénéficier la collectivité d'aides économiques, au demeurant répercutées sur les loyers, se trouve sans incidence sur la question du transfert de propriété dans le cadre du contrat de crédit-bail ;
- si la requérante invoque une rupture du principe d'égalité, compte tenu de la situation qui aurait été faite à d'autres sociétés signataires de contrats de crédit-bail, les conventions sont à effet relatif entre les parties, qui ne peuvent se prévaloir de la situation faite à des tiers.
Les parties ont été informées, par un courrier du 2 octobre 2017 en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative, pour connaitre des conclusions présentées par Rousselot-Gégoué, fondées sur l'exécution d'un contrat de bail conclu avec la collectivité, dont le contentieux ne relève que des juridictions judiciaires.
Par un mémoire enregistré le 16 octobre 2017 Me E...a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public et fait valoir que le litige relève de la compétence de la juridiction administrative dès lors que la requête est dirigée contre une décision prise par la collectivité.
Par un mémoire en réponse enregistré le 31 octobre 2017 la communauté d'agglomération Rochefort Océan (CARO). représentée par Me B...et par MeD..., indique que la cour de cassation par un arrêt du 26 octobre 2017 a rejeté le pourvoi en cassation présenté contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 29 juin 2016, rejetant l'appel présenté par Me E...contre le jugement du TGI de la Rochelle du 19 mai 2015 condamnant le liquidateur de la société à remettre les clés de la serre et ordonnant l'expulsion de l'EARL Canal Tropic.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la communauté d'agglomération Rochefort Océan.
Considérant ce qui suit :
1. MeE..., liquidatrice de l'EARL Canal Tropic a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de la décision implicite de rejet par la communauté d'agglomération Rochefort Océan (CARO) de la demande présentée par l'EARL Canal Tropic par un courrier du 12 juillet 2013, tendant à ce que soit assuré le transfert de propriété de la serre objet du contrat de crédit-bail signé le 24 août 1995 et d'enjoindre à la CARO de réaliser ce transfert. Me E...relève appel du jugement du 12 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Le contrat du 24 août 1995 - complété par un avenant du 13 décembre 1995 - conclu par la commune de Rochefort aux droits de laquelle est venue la communauté d'agglomération du pays Rochefortais puis la communauté d'agglomération Rochefort Océan (CARO) avec l'EARL Canal Tropic est un contrat de crédit-bail immobilier portant sur une serre horticole de 2 800 m2. Le contrat dont s'agit n'a pas eu pour objet de faire participer le cocontractant à l'exécution d'un service public et ne comporte aucune clause exorbitante du droit privé.
3. Dans ces conditions, et alors qu'au demeurant le TGI de la Rochelle, dans un jugement du 19 mai 2015 confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 29 juin 2016, dont la cour de cassation a rejeté le pourvoi formé à son encontre, par un arrêt du 26 octobre 2017, a statué au fond et a ordonné l'expulsion de l'EARL Canal Tropic, le contrat conclu entre la collectivité et l'EARL Canal Tropic, ainsi qu'en ont été informées les parties par la lettre susvisée du 2 octobre 2017 constitue un contrat de droit privé dont le contentieux ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative.
4. C'est donc à tort que le tribunal administratif de Poitiers par son jugement du 12 novembre 2015 s'est reconnu compétent pour statuer sur la demande présentée par Me E... tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet par la communauté d'agglomération Rochefort Océan (CARO) de la demande présentée par MeE..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de l'EARL Canal Tropic, tendant à ce que soit assuré le transfert de propriété de la serre objet du contrat de crédit-bail signé le 24 août 1995.
5. Il y a lieu d'annuler ce jugement, d'évoquer et de rejeter la demande de Me E..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de l'EARL Canal Tropic, comme portée devant un ordre juridictionnel incompétent pour en connaitre.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CARO qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que Me E...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Me E...une somme au bénéfice de la CARO sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1302229 du 12 novembre 2015 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande de MeE..., liquidatrice de l'EARL Canal Tropic, présentée devant le tribunal administratif de Poitiers et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Rochefort Océan (CARO) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me E...et à la communauté d'agglomération Rochefort Océan.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
M. Pierre Bentolila, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 décembre 2017.
Le rapporteur,
Pierre BentolilaLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 16BX00106