Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du préfet de la Gironde du 7 mars 2017 lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1701271 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2017 et des mémoires en production de pièces enregistrés le 28 juillet 2017 et le 26 septembre 2017, M.C..., représenté par Me E...demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 juillet 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 7 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " d'une durée d'un an dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens de l'instance, la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'en méconnaissance des dispositions combinées des articles R. 412-2 du code de justice administrative, et 9 de l'arrêté du 12 mars 2013 relatif aux caractéristiques techniques de l'application permettant la communication électronique devant le Conseil d'Etat, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs, le préfet de la Gironde a adressé au greffe du tribunal un seul et unique document comprenant son mémoire, son bordereau de pièces, et ses pièces ; en acceptant cette communication notamment pour écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, les premiers juges ont favorisé l'administration en méconnaissance des stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ; l'arrêté ne fait pas référence à une éventuelle délégation de signature ; le délégataire a signé " pour le préfet " et non " sur délégation du préfet " ; la délégation de signature au profit du signataire de l'arrêté contesté émane du secrétaire général de la préfecture et non pas du préfet lui-même ; la subdélégation de signature est interdite ; c'est à tort que les premiers juges ont cru devoir retenir qu'il n'était pas contesté que le délégataire de la signature était absent ou empêché à la date de l'arrêté attaqué pour justifier l'intervention du directeur de cabinet ;
- le refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée et si l'arrêté attaqué fait état de son renoncement à se prévaloir de ces dispositions, sa situation professionnelle est clairement établie en France ;
- le refus de séjour et l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; s'il est célibataire et sans enfant, il vit en France depuis huit ans, ne dispose plus d'aucune attache familiale dans son pays, ses frères, soeurs et neveux vivent régulièrement en France, son intégration est complète et irréversible comme en témoignent ses différents contrats de travail et il a toujours déclaré ses activités professionnelles ainsi que ses revenus ; il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; la circonstance qu'il a déposé trois demandes d'asile sans succès, et qu'il a fait l'objet de deux arrêtés préfectoraux de refus de titre est sans rapport avec l'appréciation qui doit être faite des liens personnels et familiaux ;
- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie.
Par un mémoire enregistré le 16 octobre 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses observations de première instance.
Par ordonnance du 16 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 17 octobre 2017 à 12 heures.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de MeE..., représentant M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M. F...C..., ressortissant mauritanien né le 31 décembre 1977 à M'Boutt, est entré en France le 3 août 2009 et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a rejeté ses demandes le 29 mars 2010 ainsi que le 20 février 2012, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 8 décembre 2010 et le 28 novembre 2012. Par arrêté du 17 janvier 2011, M. C...a fait l'objet d'une décision de refus d'admission au séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois. Le 30 septembre 2013, M. C...a présenté une nouvelle demande d'admission au séjour au titre de l'asile. Au motif que sa demande constituait un recours abusif aux procédures d'asile au sens du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour par décision du 14 octobre 2013. Sa demande, qui a été instruite dans le cadre de la procédure prioritaire, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 novembre 2013. Par arrêté du 25 février 2014, le préfet de la Gironde a refusé l'admission au séjour de M. C...sur le fondement des articles L. 313-13 et L. 314-11-8° du code précité, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par jugement du 17 juin 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. C...tendant à l'annulation de cet arrêté. M. C...s'est maintenu sur le territoire français et par un nouvel arrêté en date du 7 mars 2017, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. C...relève appel du jugement n° 1701271 du 6 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, relatif à la communication électronique de la requête et des mémoires : " Lorsque les parties et mandataires inscrits dans l'application [mentionnée à l'article R. 414-1] transmettent, à l'appui de leur mémoire, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire qui en est dressé. S'ils transmettent un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Ces obligations sont prescrites aux parties et mandataires inscrits dans l'application sous peine de voir leurs écritures écartées des débats à défaut de régularisation dans un délai imparti par la juridiction. " Contrairement à ce que soutient M.C..., le mémoire produit par le préfet de la Gironde devant le tribunal administratif de Bordeaux satisfait à ces exigences. Le tribunal n'a ainsi ni méconnu les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché son jugement d'irrégularité en n'écartant pas le mémoire ainsi produit par le préfet de la Gironde.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
3. Par arrêté du 14 octobre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs des services de l'Etat en Gironde, le préfet de la Gironde a donné délégation de signature à M. D... Bouju, directeur de cabinet et signataire de l'arrêté attaqué, à l'effet de signer toutes décisions concernant les attributions de l'État dans le département de la Gironde, à l'exception de deux matières au nombre desquelles ne figurent pas les mesures relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Thierry Suquet, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, lui-même également titulaire d'une délégation de signature. Contrairement à ce que soutient M.C..., cette délégation a bien été consentie par le préfet de la Gironde et elle ne constitue pas une subdélégation illégale. Par ailleurs, il n'est pas établi ni même allégué que le secrétaire général de la préfecture de la Gironde n'était pas absent ou empêché lorsque l'arrêté du 7 mars 2017 a été pris. Enfin, les circonstances que l'arrêté de délégation de signature ne soit pas visé dans la décision en litige et que le cachet mentionnant la qualité du signataire indique " pour le préfet " et non pas " sur délégation du préfet " sont sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
4. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention "salarié". / (...). " D'une part, et ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, M.C..., par courrier en date du 5 septembre 2016 a informé les services de la préfecture de la Gironde de la fin de son contrat à durée indéterminée et qu'il sollicitait désormais un titre de séjour mention " vie privée et familiale. " D'autre part, en se prévalant d'une simple promesse d'embauche, M. C...ne justifie pas remplir les conditions prévues par les dispositions précitées pour obtenir un titre de séjour " salarié ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
5. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "
6. M. C...soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France, où il réside depuis huit ans. Il ajoute que l'intégralité de sa famille vit désormais en France, où il est bien inséré comme en témoignent ses efforts pour travailler. Toutefois, et d'une part, M. C...est célibataire et sans enfant et il ne justifie pas avoir rompu tout lien avec son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans. D'autre part, M. C...a fait l'objet de deux arrêtés préfectoraux, en 2011 et 2014, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français, le second lui interdisant en outre le retour pendant un an. Enfin, le préfet fait valoir dans ses écritures en défense, sans que cela soit utilement contesté, que M. C...a pu travailler en France en se prévalant d'un titre de séjour obtenu par fraude. Dans ces conditions, le refus de séjour qui a été opposé à l'intéressé n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît donc ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif au fonctionnement de la commission du titre de séjour que : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". Il résulte de l'article R.312-2 que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. M.C..., ainsi qu'il a été dit précédemment, ne remplissait pas, à la date de la décision attaquée, les conditions de délivrance d'un titre de séjour prévues par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il invoque. Le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'absence de saisine de la commission du titre de séjour doit ainsi être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment du maintien de l'intéressé sur le territoire français malgré les mesures d'éloignement prises à son encontre en 2011 et 2014 et de sa situation personnelle et familiale telle qu'elle a été décrite au point 6, que le préfet ait, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans, porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M.C....
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2017.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULTLe greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 17BX02504