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16/02/2018 | FRANCE | N°16BX02691

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 16 février 2018, 16BX02691


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alfar a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Bagnères-de-Bigorre à lui verser la somme totale de 2 273 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la fermeture administrative de l'hôtel-restaurant qu'elle exploite, dénommé " La Mandia ", prononcée pour la période du 16 avril 2007 au 20 décembre 2008 par deux arrêtés du maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre des 29 mars 2007 et 1er février 2008.

Par un jugement n°

1402719 du 7 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alfar a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Bagnères-de-Bigorre à lui verser la somme totale de 2 273 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la fermeture administrative de l'hôtel-restaurant qu'elle exploite, dénommé " La Mandia ", prononcée pour la période du 16 avril 2007 au 20 décembre 2008 par deux arrêtés du maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre des 29 mars 2007 et 1er février 2008.

Par un jugement n° 1402719 du 7 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires complémentaires enregistrés les 2 août 2016, 2 mai 2017, 29 juin 2017 et 14 août 2017, M. E...D..., administrateur judiciaire et Me F...C..., mandataire judiciaire la société Alfar, représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 7 juin 2016 ;

2°) de condamner la commune de Bagnères-de-Bigorre à verser à la société Alfar la somme de 2 273 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- s'agissant de l'arrêté du 29 mars 2007, c'est à tort que les premiers juges ont indiqué, dans le jugement attaqué, que plusieurs des attestations fournies par l'exploitant de l'hôtel n'avaient pas été retenues par la commission de sécurité en raison de leur ancienneté alors qu'il ressort du procès-verbal de visite en date du 5 février 2007 que seule l'attestation de vérification des installations d'ascenseurs n'a pas été retenue pour ce motif ;

- si le défaut de transmission des rapports de vérification concernant les installations électriques, l'éclairage de sécurité, la puissance des appareils de cuisson et le circuit d'extraction d'air vicié n'est pas contesté par la société Alfar, cette carence provient de ce que M.A..., gérant de ladite société, n'a pas été régulièrement convoqué le jour du passage de la sous-commission, les 9 et 10 janvier 2007, ce qui ne lui a pas permis de transmettre les rapports demandés le jour-même, alors que l'article R. 122-23 du code de la construction et de l'habitation prévoit que lorsque la commission visite l'immeuble à la demande du maire et procède aux contrôles qu'elle juge utiles, le propriétaire est tenu d'assister à cette visite ;

- à cet égard, la cour notera que le procès-verbal ne mentionne pas la présence ni de M. A..., ni de MmeA..., et que la commune ne produit d'ailleurs aucune convocation de la société Alfar, étant précisé que l'on voit mal comment la gérante, qui réside à Toulouse et y travaille, se serait trouvée sur place ;

- en outre, M. A...a fourni, depuis le 1er mai 2007, pas moins de sept documents démontrant que l'établissement était conforme aux normes de sécurité, et qui étaient déjà établis lorsque la sous-commission a rendu son PV de visite le 5 février 2007, de sorte que rien ne faisait obstacle à la réouverture de l'établissement à la date du premier arrêté litigieux du maire du 29 mars 2007, qui n'était pas lié par l'avis de la sous-commission ;

- à cet égard, la commune de Bagnères-de-Bigorre aurait dû laisser un délai raisonnable à la société Alfar pour transmettre les rapports demandés, et ceci d'autant plus qu'à la date du premier arrêté du 29 mars 2007, la saison d'hiver s'achevait et qu'il n'y avait aucune urgence à fermer l'hôtel-restaurant, alors faiblement fréquenté ;

- alors que la jurisprudence considère que le maire ne peut, sans porter une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie, ordonner la fermeture d'un établissement, en l'absence d'urgence, sans avoir au préalable invité l'exploitant à réaliser les travaux nécessaires, l'arrêté du 29 mars 2007 a été pris sans que M. A...puisse émettre des observations ;

- ainsi, en prenant la décision de fermeture de l'hôtel en se basant sur l'absence d'établissement de rapports de vérification alors qu'il ne s'agissait, en réalité, que d'un défaut de transmission de ces rapports, la commune a commis une faute dans l'exercice de son pouvoir réglementaire ;

- dès lors que la commune disposait de l'ensemble de ces rapports à compter du 1er mai 2007, ce qui constitue un changement dans les circonstances de fait, le maire a également commis une faute de nature en n'abrogeant pas l'arrêté du 29 mars 2007 ;

- en prenant un arrêté du 5 décembre 2007 autorisant la réouverture provisoire de l'ensemble de la galerie marchande à l'exception de l'hôtel-restaurant " La Mandia ", lequel a été le seul à demeurer alors fermé, le maire de la commune a pris une décision totalement invraisemblable et inexplicable, constitutive d'une faute ;

- à la lecture de cet arrêté du 5 décembre 2007, il est patent que si la commune a fait la distinction entre la galerie marchande et l'Hôtel La Mandia dans ses visas, il n'autorise que la galerie marchande à rouvrir provisoirement ;

- alors que l'arrêté du 29 mars 2007 visait la " Fermeture de la Galerie marchande et de l'hôtel La Mandia ", l'arrêté du 5 décembre 2007 vise exclusivement " La galerie marchande du complexe " La Mongie Tourmalet " classée IGH qui sera provisoirement réouverte au public (...) ", ce qui prouve que la réouverture de l'hôtel n'avait pas autorisée, d'où la demande de réouverture formulée par la société Alfar par lettre du 14 décembre 2007 ;

- contrairement aux allégations de la commune, qui tente d'entretenir une confusion avec l'autre établissement géré par M. A...et situé dans la galerie, tout l'hôtel est demeuré encore fermé, soit la réception, le restaurant et les chambres de l'hôtel ;

- l'acharnement de la commune à affirmer contre ses propres écrits qu'elle aurait autorisé la réouverture de l'hôtel établit qu'elle est parfaitement consciente de la différence de traitement qu'elle a réservé à la société Alfar par rapport aux autres commerçants ;

- M. A...n'étant pas originaire de Bagnères-de-Bigorre, à l'inverse de la grande majorité des autres commerçants de la galerie, la question se pose de savoir s'il existe un lien entre la réouverture partielle de la galerie en tout début d'hiver et les élections municipales arrivant au printemps 2008 ;

- s'agissant de l'arrêté du 1er février 2008, il résulte du précédent jugement du tribunal administratif de Pau du 30 septembre 2010 qu'il est entaché d'illégalité dès lors qu'il a été pris en méconnaissance de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, ce qui constitue une faute de nature à ouvrir un droit, au profit de la société Alfar, à la réparation de son préjudice ;

- pourtant, ce même tribunal a, à tort, rejeté ses réclamations indemnitaires, en indiquant que le maire de Bagnères-de-Bigorre aurait pris la même décision de fermeture administrative, alors qu'au contraire, si la commune avait bien voulu entendre M. A...à la date d'édiction de l'arrêté du 29 mars 2007, il aurait pu aisément démontrer que les rapports de vérification demandés par la sous-commission avaient bien été effectués lors de son passage ;

- en outre, les recommandations effectuées par la sous-commission dans son procès-verbal du 31 janvier 2008 étaient peu nombreuses et facilement réalisables ;

- en tout état de cause, il existe une disproportion manifeste entre la faiblesse des prescriptions demandés par la sous-commission et les préjudices subis par la société Alfar du fait de l'attitude de la commune de Bagnères-de-Bigorre ;

- alors que M. A...a cherché à se mettre en conformité avec toutes les prescriptions et recommandations qui lui ont été données et obtenir la réouverture de son hôtel, la sous-commission a dressé, le 31 janvier 2008, un procès-verbal de visite défavorable de façon tout à fait inexplicable, lui reprochant la pose d'un lambris pourtant présent depuis 2001 et qui peut être retiré en quelques heures seulement, ce qui constitue la preuve de son hostilité ou, pour le moins, sa volonté de procéder à une différence de traitement avec les autres cellules commerciales de la galerie marchande, dont certaines semblent ne pas avoir satisfait aux vérifications réglementaires sans pour autant avoir fait l'objet d'un arrêté de fermeture ;

- contrairement à ce que soutient la commune, la société Alfar n'entend pas, dans le cadre de la présente instance, demander l'annulation du classement IGH de l'immeuble où se trouve situé son établissement, mais simplement souligner que sa mise en oeuvre illustre parfaitement cette différence de traitement dont elle ne cesse de faire l'objet ;

- c'est à tort que les premiers juges se sont placés à la date d'édiction de l'arrêté litigieux du 1er février 2008 pour constater son illégalité alors que, étant saisis d'un litige indemnitaire, ils devaient se placer à la date du prononcé de leur décision en tenant compte des éléments de fait postérieurs au 1er février 2008 et, notamment, le fait que par arrêté du 28 novembre 2008, le maire a rouvert provisoirement au public l'hôtel restaurant " dans l'attente du procès-verbal de la sous-commission du 20 novembre 2008 ", alors qu'aucun nouveau travaux n'avaient été entrepris dans l'établissement depuis le 1er février 2008 et que le maire n'a pas pris de nouvel arrêté de fermeture administrative de l'hôtel à la réception du procès-verbal pourtant défavorable de la sous-commission de sécurité du 5 février 2009 ;

- or si l'hôtel La Mandia n'avait pas été conforme aux prescriptions de sécurité, le maire, en vertu de son pouvoir de police, aurait repris un arrêté de fermeture dès la réception de ce procès-verbal défavorable de la sous-commission ;

- l'illégalité des deux arrêtés des 29 mars 2007 et 1er février 2008, qui ont conduit à la fermeture de l'établissement du 16 avril 2007 au 20 décembre 2008, a généré pour la société Alfar un préjudice financier lié à sa perte de chiffre d'affaires (942 000 euros sur 2007-2014, dont 586 000 euros sur la seule période 2007-2008), l'atteinte à son image et sa perte de clientèle (1 000 000 euros), ainsi que la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée de régler les charges de copropriété (286 000 euros), le loyer de son bail emphytéotique sur l'année 2008 (19 000 euros) et la taxe foncière (26 000 euros), alors que son établissement ne pouvait être exploité, soit une somme totale de 2 273 000 euros.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 7 octobre 2016 et 30 juillet 2017, la commune de Bagnères-de-Bigorre, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Alfar sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- il ressort d'une jurisprudence constante que lorsque la décision n'a été annulée que pour des raisons de compétence, de forme ou de procédure mais était régulière sur le fond, le juge administratif rejette les conclusions aux fins d'indemnisation ;

- si l'antériorité de l'attestation de vérification des installations d'ascenseurs n'a pas permis à la sous-commission de retenir cet élément, celle-ci ne disposait pas des rapports de vérification concernant les installations électriques, l'éclairage de sécurité, la puissance des appareils de cuisson, l'entretien du circuit d'extraction d'air vicié ;

- si la société Alfar soutient que les dispositions de l'article R. 122-23 du code de la construction et de l'habitation ont été méconnues, d'une part, M. et MmeA..., dirigeants de la société Alfar, étaient présents lors de la visite de la sous-commission des 9 et 10 janvier 2007 et d'autre part, il semble que lesdites dispositions ne soient pas applicable en l'espèce car l'immeuble n'est pas en construction ;

- le maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre ne s'est pas uniquement fondé, pour prendre le premier arrêté du 29 mars 2007, sur l'absence de rapports de vérification mais sur un ensemble de faits établis et d'une situation librement appréciée au regard des impératifs de sécurité publique nécessairement plus larges ;

- le fait que la société Alfar n'ait pas jugé opportun à l'époque de contester la décision implicite de refus de sa demande de réouverture de son établissement, formulée par lettre du 12 juillet 2007, ne saurait devenir aujourd'hui le fondement d'une responsabilité fautive de la commune pour ne pas avoir abrogé un arrêté légal ;

- l'attente de l'examen d'une commission experte et indépendante était d'ailleurs souhaitée et attendue par tous pour l'évolution d'ensemble du dossier ;

- en outre, l'arrêté du 29 mars 2007 a été pris au regard de manquements objectifs préoccupants au regard notamment du risque incendie et des conditions matérielles et humaines de gestion au quotidien de l'immeuble, constatés dès l'année 2006, ce qui caractérise une situation d'urgence ;

- la société Alfar ne saurait utilement se prévaloir du moyen tiré de ce que son établissement ne pouvait pas être soumis au classement d'immeuble de grande hauteur en ce qu'il n'occuperait que six niveaux dès lors qu'un tel classement résulte d'un arrêté du maire de la commune en date du 19 décembre 2002 portant reclassement de la construction en immeuble de grande hauteur à usage mixte qui n'a fait l'objet d'aucun recours contentieux et que l'établissement en cause ne saurait être détaché de l'ensemble immobilier au sein duquel il est intégré physiquement ;

- les faits supposément discriminatoires dont la société Alfar prétend faire l'objet depuis plusieurs années sont parfaitement erronés et dilatoires, voire calomnieux à l'encontre de la commune, du maire, de la sous-commission départementale de sécurité et du préfet, sous le contrôle duquel toutes les opérations se sont déroulées ;

- les échanges entre les parties démontrent que l'exploitant de l'Hôtel la Mandia était informé des obligations faites par la commission de sécurité et, notamment, les risques de sécurité générés par l'apposition nouvelle de lambris en bois au sein de l'établissement ;

- si l'arrêté du 5 décembre 2007 a permis la réouverture de la galerie marchande aux niveaux B et C de l'immeuble, incluant les cellules commerciales exploitées par l'établissement La Mandia, ainsi qu'un autre établissement " le Carré " géré par M.A..., en revanche, la partie hôtelière de l'établissement hôtel restaurant, située pour sa part en niveaux D, E, F, G, H, n'était pas incluse dans cet arrêté et n'a donc pas pu faire l'objet d'une réouverture, cette distinction juridique trouvant son origine dans une distinction physique, matérielle et objective entre ces deux parties ;

- la SARL Alfar en était d'ailleurs parfaitement consciente puisqu'elle sollicitait, dans son courrier du 14 décembre 2007, uniquement la réouverture de son hôtel sans faire référence à son restaurant situé " au niveau C ", adoptant ce faisant une position contraire aux observations du SDIS tout en précisant être incapable de fournir des garanties réelles ;

- s'agissant de l'arrêté du 31 janvier 2008, celui-ci a été annulé au seul motif tiré de ce que la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'a pas été respectée et non pour un motif de fond, de sorte que la société Alfar ne saurait réclamer aucune indemnité ;

- à cet égard, la décision du maire de procéder à la fermeture administrative de l'hôtel restaurant La Mandia, prise à bon droit sur le fondement de l'article L. 123-4 du code de la construction et de l'habitation, est motivée par le constat, effectué par la sous-commission de sécurité dans son procès-verbal de visite de contrôle en date du 31 janvier 2008, de graves failles dans le système de sécurité de la société ainsi que la réalisation, par ladite société, de travaux de mise en conformité sans en informer l'autorité compétente ;

- subsidiairement, si, par extraordinaire, la cour venait à considérer qu'une faute a été commise par la commune, elle rejetterait tout de même les demandes de la requérante dès lors que celle-ci ne justifie ni de l'existence, ni de l'étendue des préjudices qu'elle invoque.

Par ordonnance du 31 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 août 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant MeD..., administrateur judiciaire et MeC..., mandataire judiciaire.

Considérant ce qui suit :

1. La société Alfar assure l'exploitation d'un établissement, dénommé " La Mandia ", comprenant un hôtel de 48 chambres et un bar-restaurant de 120 m², répartis sur six niveaux dans l'une des cinq copropriétés d'un vaste complexe immobilier composé lui-même de 18 niveaux (référencés B à S) abritant 690 logements à usage d'habitation, deux parcs de stationnement couverts ainsi qu'une galerie marchande composée d'une trentaine de cellules commerciales, localisé dans la station de sports d'hiver de la Mongie, sur le territoire de la commune de Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées). A la suite d'une visite de la sous-commission chargée de la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) et les immeubles de grande hauteur (IGH), organisée les 9 et 10 janvier 2007, qui l'a conduite à relever de nombreux manquements aux règles de sécurité, notamment en matière de protection contre les risques d'incendie, le maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre a, par un premier arrêté du 29 mars 2007, prononcé la fermeture au public, à compter du 16 avril suivant, de l'hôtel-restaurant " La Mandia " et de l'ensemble de la galerie marchande de l'immeuble La Mongie - Tourmalet. Par un autre arrêté du 5 décembre 2007, l'exécutif territorial a autorisé provisoirement la réouverture au public de l'ensemble des cellules commerciales de la galerie marchande, dans l'attente du procès-verbal de la sous-commission susmentionnée et sous réserve de la mise en place de portes coupe-feu entre la galerie marchande et les locaux d'habitation. Puis, à la suite de nouvelles visites de cet organisme de contrôle réalisées les 30 novembre 2007 et 14 janvier 2008, le maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre a, par un arrêté du 1er février 2008, abrogé le précédent arrêté du 29 mars 2007 et prononcé de nouveau la fermeture au public de l'hôtel-restaurant " La Mandia ", tant que les prescriptions énoncées par la sous-commission de sécurité dans son procès-verbal du 31 janvier 2008 ne seraient pas réalisées. Après avoir obtenu l'annulation de ce dernier arrêté municipal par jugement n° 0800821 - 0800822 du tribunal administratif de Pau du 30 septembre 2010 devenu définitif, la société Alfar, qui a bénéficié de la réouverture complète de son hôtel-restaurant par arrêté municipal du 28 novembre 2008, a saisi cette juridiction de première instance, le 30 décembre 2014, aux fins d'obtenir la condamnation de la commune de Bagnères-de-Bigorre à lui payer la somme de 2 273 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la fermeture administrative de cet établissement, sur la période du 16 avril 2007 au 20 décembre 2008. M. E...D..., administrateur judiciaire de la société Alfar, qui a fait l'objet d'une mesure de sauvegarde prononcée par jugement du tribunal de commerce de Tarbes du 16 novembre 2015, et Me F...C..., agissant ès qualité de mandataire judiciaire, relèvent appel du jugement du 7 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Pour solliciter la condamnation de la commune de Bagnères-de-Bigorre à verser à la société Alfar la somme de 2 273 000 euros en réparation de préjudice, les appelants se prévalent de l'illégalité fautive des trois arrêtés des 29 mars 2007, 5 décembre 2007 et 1er février 2008 susmentionnés du maire de la commune.

En ce qui concerne l'arrêté du 29 mars 2007 prononçant la fermeture provisoire au public de l'hôtel-restaurant " La Mandia " et de l'ensemble des cellules commerciales de la galerie marchande :

3. D'une part, aux termes de l'article R. 122-2 du code de la construction et de l'habitation : " Constitue un immeuble de grande hauteur, pour l'application du présent chapitre, tout corps de bâtiment dont le plancher bas du dernier niveau est situé, par rapport au niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins des services publics de secours et de lutte contre l'incendie : - à plus de 50 mètres pour les immeubles à usage d'habitation, tels qu'ils sont définis par l'article R. 111-1 ; / - à plus de 28 mètres pour tous les autres immeubles. / (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 de ce code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Les immeubles de grande hauteur sont classés comme suit : G.H.A. : immeubles à usage d'habitation ; / G.H.O. : immeubles à usage d'hôtel ; / (...) G.H.Z. : immeubles à usage mixte. / La classe G.H.Z. groupe les immeubles de grande hauteur répondant à plusieurs des usages indiqués ci-dessus. (...) ". L'article R. 122-19 de ce code dispose : " Le maire et le représentant de l'Etat dans le département assurent, chacun en ce qui le concerne, l'exécution des dispositions du présent chapitre. / La commission de sécurité compétente est, dans tous les cas, la commission consultative départementale de la protection civile instituée par le décret n° 65-1048 du 2 décembre 1965. Les membres de cette commission peuvent être mandatés pour procéder aux visites de contrôle effectuées en application des dispositions du présent chapitre et du chapitre III du présent titre ; ils sont désignés à cet effet par le représentant de l'Etat dans le département après avis de la commission. ". Aux termes de l'article R. 122-21 de ce code : " Pendant la construction des immeubles de grande hauteur, des visites peuvent être faites sur place par la commission, soit de sa propre initiative, soit à la demande du maire ou du représentant de l'Etat dans le département. ". En vertu de l'article R. 122-23 dudit code : " La commission visite l'immeuble à la demande du maire ; elle se fait présenter le registre de sécurité et les rapports de vérification établis par les personnes ou organismes agréés ; elle procède aux contrôles qu'elle juge utiles. Le propriétaire est tenu d'assister à cette visite. ". Aux termes de l'article R. 122-28 de ce même code : " Pendant l'occupation de l'immeuble, la commission peut procéder à des visites de contrôle périodiques ou inopinées des parties communes de tous les immeubles de grande hauteur. (...). ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 123-4 du code de la construction et de l'habitation : " Sans préjudice de l'exercice par les autorités de police de leurs pouvoirs généraux et dans le cadre de leurs compétences respectives, le maire ou le représentant de l'Etat dans le département peuvent par arrêté, pris après avis de la commission de sécurité compétente, ordonner la fermeture des établissements recevant du public en infraction avec les règles de sécurité propres à ce type d'établissement, jusqu'à la réalisation des travaux de mise en conformité. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-2 de ce code : " Pour l'application du présent chapitre, constituent des établissements recevant du public tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-3 dudit code : " Les (...) exploitants des établissements recevant du public sont tenus, tant au moment de la construction qu'au cours de l'exploitation, de respecter les mesures de prévention et de sauvegarde propres à assurer la sécurité des personnes (...). ". L'article R. 123-35 de ce code dispose : " La commission consultative départementale de la protection civile est l'organe technique d'étude, de contrôle et d'information du représentant de l'Etat dans le département et du maire. Elle assiste ces derniers dans l'application des mesures de police et de surveillance qu'ils sont appelés à prendre en vue d'assurer la protection contre l'incendie et la panique dans les établissements soumis au présent chapitre. / Elle est chargée notamment : (...) De procéder, soit de sa propre initiative, soit à la demande du maire ou du représentant de l'Etat dans le département, à des contrôles périodiques ou inopinés sur l'observation des dispositions réglementaires. ". Aux termes de l'article R. 123-43 de ce même code : " Les (...) exploitants sont tenus (...) de s'assurer que les installations ou équipements sont établis, maintenus et entretenus en conformité avec les dispositions de la présente réglementation. (...) ". L'article R. 123-52 du même code dispose : " Sans préjudice de l'exercice par les autorités de police de leurs pouvoirs généraux, la fermeture des établissements exploités en infraction aux dispositions du présent chapitre peut être ordonnée par le maire, ou par le représentant de l'Etat dans le département (...) / La décision est prise par arrêté après avis de la commission de sécurité compétente. L'arrêté fixe, le cas échéant, la nature des aménagements et travaux à réaliser ainsi que les délais d'exécution. ". Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, en vigueur à la date des faits litigieux : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence (...) ". Enfin, en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - (...) de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Si les dispositions de l'article R. 123-52 du code de la construction et de l'habitation habilitent le maire à ordonner la fermeture immédiate d'un établissement recevant du public, pour des motifs de sécurité publique, elles ne sauraient l'autoriser, sans porter une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie, à ordonner une telle fermeture, en l'absence d'urgence, sans avoir au préalable invité l'exploitant, d'une part, à réaliser les travaux nécessaires et, d'autre part, à présenter ses observations, et ce dans un délai suffisant, en l'avertissant de la mesure que l'administration envisage de prendre (CE, N° 329436, 30 décembre 2009, COMMUNE D'ILLIES).

5. En premier lieu, pour prendre le premier arrêté de fermeture litigieux du 29 mars 2007, l'exécutif territorial s'est fondé sur l'existence de manquements graves et multiples en matière de sécurité relevés par la sous-commission de sécurité, lors de sa visite du complexe immobilier les 9 et 10 janvier 2007, tant à l'encontre de l'hôtel-restaurant " La Mandia " que de l'ensemble des cellules commerciales de la galerie marchande réparties aux niveaux B et C du complexe immobilier " La Mandia - La Mongie Tourmalet ", reclassé en immeuble de grande hauteur à usage mixte (IGHZ) par arrêté municipal du 19 décembre 2002 devenu définitif à défaut de recours contentieux.

6. D'une part, il ressort du procès-verbal établi consécutivement à cette visite de la sous-commission le 5 février 2007 que les responsables de l'hôtel restaurant " La Mandia " n'ont pas été en mesure de produire plusieurs documents permettant de justifier la conformité de cet établissement aux normes de sécurité en vigueur et, tout particulièrement, les rapports de vérification des installations électriques, des installations d'éclairage de sécurité et des appareils de cuisson, l'attestation de la puissance nominale totale des appareils de cuisson ainsi que l'attestation d'entretien du circuit d'extraction d'air vicié, de buées et de graisse. Les appelants, qui ne contestent pas la réalité d'un tel manquement, soutiennent que la société Alfar ne saurait pour autant en être tenue pour responsable dès lors que le gérant de l'hôtel restaurant " La Mandia " (M.A...) n'a pas été convoqué au préalable par la sous-commission de sécurité préalablement à la visite des lieux, en méconnaissance de l'article R. 122-23 du code de la construction et de l'habitation. Toutefois, un tel moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant dès lors que ces dispositions ont pour seul objet de définir la procédure de contrôle des parties communes des immeubles de grande hauteur en cours de construction et non - comme tel est le cas en l'espèce - la procédure de fermeture temporaire d'un ou de plusieurs établissements recevant du public en cours d'exploitation situés eux-mêmes dans un immeuble de grande hauteur. En tout état de cause, il ressort des mentions qui figurent dans le procès-verbal de visite du 5 février 2007, qui font foi jusqu'à preuve contraire, que diverses attestations relatives à l'hôtel restaurant " La Mandia " (" MmeA..., responsable ") ont été remises lors de la visite de la sous-commission de sécurité, ce qui est de nature à démontrer qu'au moins l'un des deux époux A...était présent ce jour-là.

7. D'autre part, M.D..., administrateur judiciaire de la société Alfar, et MeC..., agissant ès qualité de mandataire judiciaire, soutiennent, pour la première fois en appel, que le maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre ne pouvait, sans porter une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie, ordonner la fermeture temporaire de l'hôtel restaurant " La Mandia " sans avoir au préalable invité ses exploitants à réaliser les travaux nécessaires et à présenter leurs observations sur les manquements relevés à leur encontre. Ce faisant, ils doivent être regardés comme se prévalant des dispositions, précitées au point 4, de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, alors en vigueur. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est d'ailleurs ni établi ni même allégué par la commune intimée, que la société Alfar aurait été invitée au préalable à produire les justificatifs requis et à présenter ses observations, ni, davantage, qu'elle aurait été avertie de la mesure que l'administration envisageait de prendre préalablement à l'édiction de l'arrêté du 29 mars 2007. Toutefois, d'une part, tout exploitant d'un établissement recevant du public doit pouvoir - y compris en cas de visite inopinée de la sous-commission de sécurité compétente - être en mesure de justifier de la conformité aux normes de sécurité de l'ensemble des installations et équipements situés dans son établissement. D'autre part, il résulte de l'instruction que la mesure de fermeture litigieuse n'a pas été prise au seul motif tiré du défaut de transmission, par la société Alfar, des justificatifs de sécurité requis mais, également, au regard de l'état notablement dégradé de la sécurité des installations localisées dans la galerie marchande, aux niveaux B et C du complexe immobilier, ainsi que, pour certaines, dans l'hôtel restaurant " La Mandia " lui-même. A cet égard, dans un courrier du 24 mai 2006 adressé au sous-préfet d'arrondissement de Bagnères-de-Bigorre, le directeur du service départemental d'incendie et de secours (SDIS), après avoir relevé que la situation géographique du complexe apparaissait particulièrement défavorable eu égard à l'éloignement des secours et l'isolement possible de la station en cas de chutes de neige importantes, a indiqué que " le défaut d'entretien régulier des installations techniques comme du complexe en général en font un établissement particulièrement dangereux au regard de la sécurité incendie ", et qu'il convenait de prendre des mesures d'amélioration de la sécurité, qualifiées de " vitales ", portant notamment sur la mise aux normes des installations techniques avec vérification par un organisme agréé, le raccordement de la totalité des système de détection incendie de l'hôtel " La Mandia " au PC Sécurité, la protection des escaliers ou, encore, la suppression des éléments des façades facilement inflammables, impliquant une dépose des matériaux. Il résulte également de l'instruction que, pour émettre un avis défavorable à la continuité de l'exploitation de la galerie marchande et de l'hôtel-restaurant " La Mandia ", la sous-commission de sécurité a constaté, lors de sa visite des 9 et 10 janvier 2007, la persistance de nombreuses non-conformités des installations techniques du complexe immobilier, l'absence de garantie sur la vérification des installations techniques ainsi que d'une équipe de sécurité réglementairement constituée, organisée et formée, de dispositifs phoniques à chaque niveau permettant de donner l'alerte au PC sécurité et de désenfumage des circulations horizontales, tout en signalant que la réaction de la façade au feu n'était pas conforme à la réglementation et que les poubelles étaient stockées dans le parc de stationnement couvert. La gravité des manquements ainsi recensés a conduit le sous-préfet d'arrondissement, par courrier du 5 février 2007, à informer le maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre de la nécessité de prendre toutes dispositions en vue de procéder à la fermeture des différents établissements recevant du public concernés, au nombre desquels figure l'hôtel-restaurant " La Mandia ", ajoutant que la poursuite de l'exploitation du complexe, qui comporte des locaux à sommeil en nombre important, ne pouvait plus être envisagée sans que des travaux indispensables soient réalisés. En se bornant à soutenir que la société Alfar n'est pas responsable des carences du syndic dans la gestion des parties communes et des autres commerçants de la galerie marchande dans le cadre de l'exploitation de leurs propres établissements, les appelants ne remettent pas sérieusement en cause la réalité des non-conformités graves et multiples susmentionnées et qui, eu égard à leur nature et leur ampleur, étaient propres à créer un risque immédiat pour le public, alors même que la fréquentation touristique aurait été moins importante à la date du 29 mars 2007 qu'en saison hivernale. Dans ces conditions, l'absence de mise en oeuvre de la procédure contradictoire préalablement à la fermeture de l'hôtel-restaurant " La Mandia " était justifiée, en l'espèce, par des considérations tenant à l'urgence. Dès lors, le défaut de mise en oeuvre de cette procédure n'a pas entaché d'illégalité l'arrêté du 29 mars 2007.

8. En deuxième lieu, il est vrai que, contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, seule l'une des six attestations produites par la société Alfar lors de la visite des lieux par la sous-commission de sécurité, portant sur la vérification des installations d'ascenseurs du 23 octobre 2003, a été écartée par la sous-commission de sécurité du fait de son antériorité, et que les cinq autres attestations portant sur la vérification des installations utilisant un fluide frigorigène du 14 décembre 2006, la mise en service des moyens de secours (extincteurs) du 2 novembre 2006, les installations utilisant un fluide frigorigène du 24 novembre 2006, les installations de gaz (cuisine) du 19 décembre 2006 et les moyens de secours (extincteurs) du 17 novembre 2006, ont bien été prises en compte. Toutefois, et ainsi qu'il a déjà été dit, les exploitants de l'hôtel-restaurant " La Mandia " n'ont pas présenté - ainsi qu'il leur incombait pourtant de le faire - l'ensemble des justificatifs de sécurité requis lors de la visite de la sous-commission de sécurité. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, la circonstance que ceux-ci aient finalement transmis aux services compétents, le 1er mai 2007, le registre de sécurité, quatre attestations de vérification des installations de gaz, de la cuisine, des appareils de cuisson et des extincteurs, ainsi que deux rapports du bureau de contrôle technique Apave portant sur la vérification des installations électriques et les installations d'éclairage de l'établissement est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 29 mars 2007, qui devait être appréciée à la date de son édiction alors même que la société Alfar a entendu, dans le cadre d'un recours de plein contentieux indemnitaire, obtenir réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en se prévalant de son illégalité fautive. En outre, et ainsi qu'il a également été dit au point 7, à la date d'édiction de cet arrêté du 29 mars 2007, des non-conformités graves et multiples en matière de sécurité affectant les commerces de la galerie marchande ainsi que, pour certaines, l'hôtel restaurant " La Mandia ", avaient été constatées. Dès lors, en ordonnant la fermeture temporaire de cet établissement dans l'attente qu'il y soit remédié, le maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre n'a pas commis d'erreur d'appréciation ni, davantage, édicté une mesure de police non proportionnée à l'objectif poursuivi.

9. En troisième lieu, les appelants soutiennent que dès lors que M. A...avait fourni, à compter du 1er mai 2007, l'ensemble des justificatifs de sécurité requis mentionnés au point 8, le maire de la commune aurait dû prononcer l'abrogation de l'arrêté du 29 mars 2007, compte tenu de ce changement dans les circonstances de fait. Toutefois, il résulte des termes mêmes du courrier daté du 12 juillet 2007 adressé par l'exploitant de l'hôtel restaurant " La Mandia " au maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre qu'il ne contenait aucune demande expresse tendant à l'abrogation de l'arrêté du 29 mars 2007 mais, seulement, une demande d'information quant à la possibilité éventuelle de procéder à une réouverture distincte de l'établissement dans l'attente que les travaux à réaliser dans les parties communes de l'immeuble et, surtout, au niveau de la galerie marchande, soient réalisés. Par suite, aucune décision implicite de rejet d'une demande d'abrogation de l'acte en cause n'a pu naître en l'espèce, dont la société Alfar aurait pu, le cas échéant, invoquer l'illégalité fautive. En tout état de cause, et alors même que les justificatifs de sécurité manquants avaient été transmis le 1er mai 2007, il ne résulte pas de l'instruction que l'hôtel restaurant " La Mandia " pouvait alors être exploité sans risque pour la sécurité de ses clients ni davantage, en admettant même que tel aurait été le cas, qu'il pouvait être exploité de manière autonome par rapport au reste de la galerie marchande.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 5 décembre 2007 portant réouverture provisoire de la galerie marchande :

10. Les appelants soutiennent qu'en autorisant, par l'arrêté du 5 décembre 2007, la réouverture provisoire de l'ensemble de la galerie marchande à l'exception de l'hôtel-restaurant " La Mandia ", qui a été le seul à demeurer alors fermé, le maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre a pris une décision constitutive d'une discrimination exercée à l'encontre de M. A..., non originaire de cette commune, contrairement à la grande majorité des autres commerçants de la galerie. Toutefois, il résulte des explications détaillées et circonstanciées de la commune intimée, qui ne font pas l'objet d'un contredit sérieux, qu'à la suite d'une nouvelle visite de la sous-commission de sécurité du 30 novembre 2007, l'arrêté litigieux du 5 décembre 2007 a eu pour objet de permettre la réouverture de la galerie marchande aux niveaux B et C de l'immeuble, incluant les cellules commerciales exploitées par M.A..., en ce compris le restaurant de l'hôtel-restaurant " La Mandia ", situé au niveau C, et un bar-pub dénommé " le Carré ", localisé pour sa part au niveau B de la galerie marchande. La commune intimée ajoute sans contredit sérieux qu'en raison de la persistance de non-conformités en matière notamment de sécurité incendie, la partie hôtelière de l'établissement hôtel-restaurant " La Mandia ", située aux niveaux D, E, F, G, H, soit hors de la galerie marchande, n'a pas pu faire l'objet d'une réouverture au public et n'a donc pas été visée par l'arrêté dont s'agit. Ces affirmations non sérieusement contredites de la commune sont corroborées, d'une part, par le procès-verbal de la sous-commission de sécurité du 31 janvier 2008, qui mentionne que l'arrêté du 5 décembre 2007 avait pour objet de prononcer la réouverture provisoire de l'ensemble des cellules commerciales de la galerie marchande, à l'exception de l'hôtel " la Mandia ", et, d'autre part, le courrier de réclamation du 14 décembre 2007 adressé par Mme A...elle-même à la commune, soulignant que dès lors qu'il semblait que toutes les recommandations de la commission de sécurité avaient été suivies, elle ne voyait " aucune réserve susceptible d'empêcher l'hôtel de rouvrir ". Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction qu'à la date d'édiction de l'arrêté litigieux du 5 décembre 2007, la partie hôtelière de l'établissement hôtel-restaurant " La Mandia " satisfaisait à l'ensemble des prescriptions de sécurité requises, notamment en matière de risque incendie, permettant sa réouverture au public. Par suite, ledit arrêté ne saurait être regardé comme constitutif d'une mesure discriminatoire à l'encontre de la société Alfar ni, davantage, comme entaché de détournement de pouvoir.

11. Dès lors, ni l'arrêté du 29 mars 2007 ni l'arrêté du 5 décembre 2007 du maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre ne sont entachés d'une illégalité fautive susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité territoriale envers la société Alfar.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 1er février 2008 prononçant la fermeture au public de l'hôtel-restaurant " La Mandia " :

12. Par jugement du 30 septembre 2010 devenu définitif, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 1er février 2008 au motif tiré de ce que l'exploitant de l'établissement " La Mendia " n'avait pas été invité au préalable à présenter ses observations, en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors en vigueur, et désormais reprises dans le code des relations entre le public et l'administration. Ainsi que le soutiennent les appelants, l'illégalité de cet arrêté constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité territoriale à l'égard de la société Alfar.

13. Toutefois, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, d'une décision administrative, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière.

14. Il résulte du procès-verbal du 31 janvier 2008 établi par la sous-commission de sécurité à la suite d'une nouvelle visite du complexe immobilier et, plus particulièrement, de l'hôtel-restaurant " La Mandia ", effectuée le 14 janvier 2008, que de nombreuses non-conformités aux règles de sécurité perduraient dans les cinq niveaux de l'hôtel, ce qui l'a conduite à formuler les recommandations suivantes : " 1) Rendre conformes aux règles de réaction au feu les éléments généraux de construction ainsi que les matériaux utilisés pour les aménagements Intérieurs (art. GH 15 à GH 22). / 2) Retirer les lambris de l'ensemble des circulations (art. GH 22 et R 123-13 du Code de la Construction et de l'Habitation). / 3) Fournir une attestation concernant les travaux de mise en conformité des installations électriques signalés dans le rapport de vérification établi par un organisme agréé. / 4) Rendre coupe-feu de degré 1 heure l'ensemble du cloisonnement entre la cuisine et la salle de restaurant. / 5) Désenfumer les circulations horizontales (art. GH 28). ". Les appelants soutiennent que, contrairement à ce qu'a indiqué la sous-commission de sécurité dans ledit procès-verbal, les lambris muraux présents dans l'ensemble des circulations horizontales n'ont pas été installés à la suite de sa dernière visite, le 30 novembre 2007, mais remontent à l'année 2001, et que certains ont même été changés à la fin de l'année 2005. Toutefois, ce faisant, ils ne contestent pas qu'à la date de la nouvelle visite de la sous-commission, le 14 janvier 2008, du lambris était présent en quantités importantes dans de nombreuses zones de l'hôtel " La Mandia ", non équipées, de surcroît, de dispositifs adéquats de désenfumage. Or c'est en considération du caractère très inflammable de ce type de matériau et des risques que leur installation fait courir sur la sécurité des usagers de l'hôtel que, dans le courrier susmentionné du 24 mai 2006 adressé au sous-préfet d'arrondissement de Bagnères-de-Bigorre, le directeur du SDIS avait recommandé, au titre des mesures d'amélioration de la sécurité qualifiées de " vitales ", la dépose de tels matériaux. En outre, les appelants ne démontrent pas qu'au 1er février 2008, date du nouvel arrêté de fermeture, les exploitants de l'établissement avaient fait installer le coupe-feu dont la commission avait exigé la mise en place dans son procès-verbal du 31 janvier 2008 ni, davantage, qu'ils auraient fait procéder au désenfumage des circulations horizontales de l'hôtel, ce que la sous-commission était en droit d'exiger au regard de la réglementation applicable aux établissements recevant du public. Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que l'ensemble des prescriptions à mettre en oeuvre pour que l'hôtel satisfasse aux normes de sécurité requises pouvaient être effectuées dans des délais brefs. La circonstance, dont se prévalent les appelants, que certaines des anomalies en cause étaient déjà connues de l'administration ne saurait avoir pour effet de priver le maire de la commune d'exercer ses pouvoirs de police en ordonnant de prendre les mesures nécessaires pour y remédier. Dans ces conditions, en prononçant, par l'arrêté litigieux du 1er février 2008, la fermeture de l'hôtel-restaurant " La Mandia " sur la base des constatations effectuées par la sous-commission de sécurité, dont la société Alfar ne démontre pas la supposée partialité à son égard, le maire de la commune Bagnères-de-Bigorre n'a pas pris une mesure disproportionnée par rapport à l'objectif de sécurité poursuivi ni, davantage, commis de détournement de pouvoir.

15. Dès lors, si, ainsi qu'il a été dit, l'arrêté du maire de Bagnères-de-Bigorre du 1er février 2008 était entaché d'un vice de procédure, la mesure administrative prononcée par celui-ci était justifiée au fond. Il suit de là que l'irrégularité procédurale ainsi relevée par le tribunal n'est pas de nature à ouvrir un droit à réparation du préjudice financier qui en résulterait au profit de la société Alfar.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M.D..., administrateur judiciaire de la société Alfar, et MeC..., agissant ès qualité de mandataire judiciaire, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de la société Alfar.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles. R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative :

17. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de la commune de Bagnères-de-Bigorre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la société Alfar et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Alfar la somme que la commune de Bagnères-de-Bigorre demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.

18. En second lieu, aucun dépens n'ayant été exposé dans le cadre de la présente instance, les conclusions des appelants tendant à l'application de l'article R. 761-1 de ce même code ne peuvent être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M.D..., administrateur judiciaire de la société Alfar, et MeC..., agissant ès qualité de mandataire judiciaire, est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Bagnères-de-Bigorre présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.D..., administrateur judiciaire de la société Alfar, et MeC..., agissant ès qualité de mandataire judiciaire et à la commune de Bagnères-de-Bigorre. Copie en sera transmise au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 février 2018.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 16BX02691


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02691
Date de la décision : 16/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure contradictoire.

Collectivités territoriales - Commune - Attributions - Police - Police de la sécurité - Police des établissements recevant du public.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : TOURNY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-16;16bx02691 ?
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