Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Néo Technology a demandé le 27 mars 2012 au tribunal administratif de Toulouse la décharge des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1201454 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 août 2015 et le 1er septembre 2016, la société Néo Technology, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 juin 2015 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 676,16 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Mme B...était la seule gérante statutaire et de fait de la société Néo Technology ; MM. E...et C...A...ne sont pas co-gérants mais associés salariés uniquement ainsi que le démontrent les fiches de paie des intéressés, les différents contrats fournisseurs signés uniquement par la gérante, seule titulaire du pouvoir d'engager la société ; seuls les achats étaient réalisés par MM.A... ; la collégialité des décisions s'explique par le caractère familial de la société ;
- l'administration ne peut remettre en cause le droit à déduction de la TVA payé par la requérante à son fournisseur Tex Com dès lors que si la fraude réalisée par son fournisseur est établie, l'administration ne démontre pas que la société Néo Technology savait ou ne pouvait ignorer participer à cette fraude ; en effet le concubin de Mme B...a été relaxé donc celle-ci ne savait pas que la société Tex Com fraudait ; rien ne permet de l'établir ; les prix pratiqués n'étaient pas anormalement bas par rapport aux prix pratiqués par les fournisseurs de produits informatiques similaires ; la disparition du fournisseur Tex Com qui représentait 43 % des achats sur la période vérifiée, est ici sans incidence sur la santé financière de la société requérante qui avait d'autres fournisseurs ; la requérante ignorait la défaillance de Tex Com et la livraison des marchandises était toujours effective même sans facturation ; elle ignorait que le paiement à Tex Com Belgique et non Tex Com France faisait partie du circuit frauduleux ;
- les procès-verbaux d'audition des associés de la société issus de la procédure judiciaire qui contiennent des aveux de Mme B...et de MM. A...ne sont pas opposables dès lors qu'ils ont été obtenus en méconnaissance du droit de la défense en l'absence d'avocat présent lors de ces auditions ; l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 novembre 2014 reconnaissant l'opposabilité de ces procès verbaux, fait l'objet d'un pourvoi et ne peut donc être opposé à la requérante ; les intéressés ont été manipulés lors de l'interrogatoire de police ; MM. A...se sont d'ailleurs ensuite rétractés quant à leurs aveux et M. C...A...a été relaxé par le tribunal de grande instance de Bobigny ;
- la position de l'administration contredit le principe du réalisme fiscal dès lors que l'administration en recherche pas un fraudeur mais avant tout un payeur et que la société requérante n'avait aucun intérêt direct ou indirect à participer à la fraude réalisée par son fournisseur ; elle a toujours payé la TVA qu'elle devait sur les marchandises en cause et n'a retiré aucun bénéfice de la fraude ; les véritables responsables et bénéficiaires de la fraude sont les sociétés Tex Com France, Tex Com Belgique, et Norel Belgique ;
- les critères définis par 3 A-7-07 n° 31 reprise au BOI-TVA-DED-10-30 n° 50 pour établir la participation de la société Néo Technology à la fraude type Carrousel ne sont pas réunis dès lors que le faisceau d'indices requis par cette doctrine n'est pas établi par l'administration fiscale au vu de ce qui précède ; en outre aucun lien juridique économique et personnel n'a été établi avec la société Tex Com France et Tex Com Belgique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 13 mai 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 5 septembre 2016 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;
- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Néo Technology, qui exploitait une activité d'achat et de revente de matériels informatiques auprès de professionnels, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009. A l'issue de cette vérification, par une proposition de rectification du 16 août 2010, l'administration a remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les achats effectués auprès de son fournisseur la société Tex Com au motif qu'elle avait participé à un schéma de fraude de type " carrousel " en s'approvisionnant auprès de ce fournisseur, société défaillante en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Les rappels mis à la charge de la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ont été assortis de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts. La société Néo Technology relève appel du jugement du 2 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II 1. (...) la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes du 3 de l'article 272 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2007 : " La taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens ne peut faire l'objet d'aucune déduction lorsqu'il est démontré que l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer que, par son acquisition, il participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison ".
3. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice du droit à déduction doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que cet assujetti savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
4. Au cours de la période en litige, l'administration a constaté que la société Néo Technology avait pour principal fournisseur au cours de la période vérifiée, la société Tex Com France, qui lui a facturé du matériel informatique pour un montant de 5 896 406 euros assorti d'un montant de 1 155 696 euros de TVA correspondant à 43 % de ces achats entre 2007 et 2008. Au cours de son contrôle, le service a constaté que ce fournisseur n'a pas reversé la TVA au Trésor et qu'il était impliqué dans un circuit frauduleux : en effet, les marchandises étaient acquises par la société Tex Com Belgique auprès d'un fournisseur allemand, la société Ecom, puis elles étaient livrées directement à la société Néo Technology par la société belge Norel, la requérante réglant alors directement les factures à la société Tex Com en Belgique. La société Tex Com France ne disposait pas d'une existence réelle dès lors qu'elle avait seulement une adresse de domiciliation, qu'elle ne disposait d'aucune plate-forme logistique et d'aucun personnel, que l'ensemble des paiements des marchandises livrées étaient effectués sur des comptes en Belgique.
5. Dans ces conditions, l'administration établit que la société Néo Technology, qui a effectué des achats importants avec une société dépourvue d'existence réelle, ne pouvait ignorer qu'elle était impliquée dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée par l'intermédiaire de ce fournisseur.
6. Au surplus, il résulte de l'instruction que le tribunal de grande instance de Bobigny par un jugement du 30 juin 2011, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 novembre 2014, a condamné la société Néo Technology et M. E...A..., son directeur commercial en charge de la gestion des achats et des relations avec les fournisseurs, pour escroquerie réalisée en bande organisée en raison de leur participation au circuit frauduleux susmentionné sur la période du 8 août 2004 au 31 décembre 2008.
7. Il résulte de ce qui précède que l'administration établit par un faisceau d'indices concordant, confirmé par les condamnations pénales susmentionnées, la participation volontaire et consciente de la société Néo Technology à ce circuit de fraude à la TVA.
En ce qui concerne l'application de la doctrine :
8. La société Néo Technology ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des dispositions de l'instruction du 30 novembre 2007 3 A-7-07 publiée au BOI-TVA-DED-10-30 qui contient de simples recommandations aux services en indiquant un faisceau d'indices de nature à déterminer l'implication dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et ne contient aucune interprétation différente de la loi fiscale.
9. Il résulte de tout ce qui précède, que la société Néo Technology n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la société Néo Technology doivent dès lors être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Néo Technology est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Néo Technology et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction nationale des enquêtes fiscales.
Délibéré après l'audience du 9 février 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 16 mars 2018.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey La République mande et ordonne ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 15BX02684