Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2015 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1600119 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 janvier 2018, MmeD..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 1er décembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
S'agissant du refus de séjour :
- le préfet a commis une erreur d'appréciation au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en édictant cette décision : elle réside en France depuis 2010 de façon continue ; elle vit en concubinage avec un compatriote titulaire d'une carte de séjour temporaire qui vit depuis sa naissance en France où se trouve toute sa famille proche dont certains membres ont la nationalité française ; ils ont un enfant né le 14 avril 2011 en France où il est scolarisé ; elle est parfaitement intégrée à la famille de son concubin ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de son fils, protégé par les articles 3-1 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant, qui est de continuer de vivre avec ses deux parents.
Par ordonnance du 18 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 février 2018 à 12h00.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante brésilienne est entrée en France en 2010 selon ses déclarations, de manière irrégulière. Elle a demandé le 17 juin 2015 au préfet de la Guyane son admission au séjour au titre de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 décembre 2015, le préfet a rejeté sa demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire en fixant le pays de renvoi. Mme D...fait appel du jugement du 1er décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. Mme D...soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France où elle réside depuis près de huit ans de manière continue et où elle vit avec son époux, également ressortissant brésilien, titulaire d'une carte de séjour temporaire à la date de la décision attaquée, et leur fils né le 14 avril 2011 sur le territoire national. Elle fait valoir qu'elle est parfaitement intégrée au sein de la famille de son concubin dont certains membres sont par ailleurs français et qu'elle dispose de promesses d'embauche.
4. La légalité du refus de séjour contesté doit s'apprécier au regard de la situation de Mme D...à la date à laquelle ce refus est intervenu, soit le 21 décembre 2015. La continuité de la présence en France de la requérante à cette date n'est pas établie par les pièces du dossier. Il ne ressort pas non plus de ces mêmes pièces qu'elle vivait effectivement en concubinage avec M.E..., père de son enfant, depuis son arrivée en Guyane comme elle le prétend. En particulier, elle n'a pas fait état de ce concubinage dans sa demande de titre de séjour datée du 19 octobre 2015 ; M. E...n'a pas davantage fait état de ce concubinage dans ses demandes de renouvellement de titres de séjour formulées en 2011, 2013 et 2014 ; si la requérante affirme qu'elle réside depuis 2010 avec son fils et M. E... chez la mère de ce dernier, elle ne produit, pour étayer ses dires, que des attestations non datées de la mère et des frères et soeurs de M.E..., et l'attestation de ce dernier, datée du 18 décembre 2017 et peu circonstanciée, ne permet pas d'établir la réalité de ce concubinage à la date de l'arrêté attaqué, d'autant plus qu'une attestation d'hébergement sur l'honneur établie le 16 octobre 2015, contemporaine de cet arrêté, fait ressortir que le domicile de Mme D...n'était pas situé à cette date chez la mère de M.E.... La requérante a vécu au Brésil pendant au moins dix-neuf ans, elle ne justifie pas ne plus disposer d'attache dans son pays d'origine où vivent ses parents et sa fille née en 2007 d'une union précédente. Compte tenu du jeune âge de son fils à la date de l'arrêté attaqué, de l'absence de concubinage avéré avec le père de l'enfant et d'éléments suffisamment établis quant aux liens existants entre ce dernier et son père, aucune circonstance particulière ne s'opposait, à la date de l'arrêté attaqué, à ce que la requérante retourne vivre au Brésil avec son fils. Enfin, la requérante est entrée en France de manière irrégulière et s'est maintenue dans cette situation durant la quasi-totalité de son séjour puisque sa première demande de régularisation est celle ayant abouti à l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, le refus de séjour contesté ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. En lui opposant ce refus, le préfet de la Guyane n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le refus de séjour n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante dont serait entachée la décision contestée.
7. L'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. En l'absence, comme il a été dit au point 4, d'éléments permettant d'attester des liens existants entre l'enfant de Mme D...et le père de l'enfant à la date de l'arrêté attaqué, il ne ressort pas des pièces du dossier que le retour de la requérante au Brésil, où elle n'est pas isolée, avec son fils porterait atteinte à l'intérêt supérieur de ce dernier. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision portant obligation de quitter le territoire, du 1 de l'article 3 de la convention sur les droits de l'enfant doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Guyane et au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 mars 2018.
Le président-assesseur,
Laurent POUGETLe président-rapporteur,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00103