Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Parc Eolien du Perchigat, société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'annuler la décision implicite du commandant de la zone aérienne de défense sud lui refusant l'autorisation d'implanter et d'exploiter un parc éolien, d'autre part, de l'autoriser à implanter et à exploiter un parc Eolien à Rion-les-Landes et, subsidiairement, d'enjoindre au commandant de la zone aérienne de défense sud de lui délivrer l'autorisation demandée, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1501582 du 7 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a donné acte à la société Parc Eolien du Perchigat du désistement de ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction et a mis à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros hors taxes à verser à cette société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 25 juillet 2016 et des mémoires enregistrés les 18 novembre 2016 et 26 avril 2017, le ministre de la défense demande à la cour dans le dernier état de ses conclusions :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau 7 juin 2016 en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros à verser à la société Parc Eolien du Perchigat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter les conclusions de la société Parc Eolien du Perchigat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de la société Parc Eolien du Perchigat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le mémoire de la société Parc Eolien du Perchigat du 20 mai 2016 par lequel cette société s'est désistée de ses conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet du commandant de la zone de défense ne lui a pas été communiqué en violation du principe du contradictoire énoncé par l'article L. 5 du code de justice administrative ;
- en ne lui communiquant pas ce mémoire, les premiers juges l'ont privé de la possibilité de prendre connaissance des conclusions résiduelles de la société Parc Eolien du Perchigat et de pouvoir ainsi présenter ses observations sur le maintien des conclusions de cette société sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- l'application Sagace montre que l'avis d'audience du 6 mai 2016 n'a pas été communiqué aux parties ; il n'a donc été informé ni de la date d'audience, ni de la date de clôture de l'instruction ; il n'a pu davantage prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, ce qui lui aurait permis de demander la communication du mémoire en désistement ;
- l'Etat a été condamné à payer une somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles alors que le rapporteur public avait proposé de retenir la somme de 1 000 euros ; ce montant est très nettement supérieur à celui versé habituellement alors que la complexité de l'affaire ne le justifiait pas ;
- en considérant que l'Etat était la partie perdante, le tribunal a commis une erreur de droit ; en effet, la requête de la société était irrecevable dès lors que sa demande n'avait pas fait l'objet d'une décision de refus, fût-elle implicite ;
- pour être autorisé, le projet d'installation d'éoliennes devait obtenir l'accord du ministère de la défense à deux titres : d'une part, en application du cadre réglementaire applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), portant en particulier sur le fonctionnement des radars, et d'autre part, en application du cadre réglementaire applicable aux permis de construire qui entraîne l'examen du projet au titre des nécessités de la navigation aérienne ; or, la société n'a pas contesté devant le juge la décision du 16 septembre 2014 portant refus de son projet au titre de la réglementation des ICPE ; l'autorisation a finalement été accordée par lettre du 7 janvier 2016 adressée au préfet des Landes après que la société ait complété son dossier ; le tribunal semble avoir confondu les deux types de décision et considéré que la décision d'acceptation du 7 janvier 2016 portait sur l'instruction au titre du permis de construire faisant l'objet de la requête ;
- par lettre du 7 janvier 2016 adressée au préfet des Landes, le ministère de la défense a autorisé l'exploitation d'un parc éolien ; or, cette autorisation ne concernait pas le cadre réglementaire applicable aux permis de construire mais celui applicable aux ICPE, qui ne faisait pas l'objet de la demande de première instance de cette société ; par ailleurs, la lettre du 2 avril 2015 ne saurait tenir lieu de demande d'autorisation au titre de l'article R. 244-l du code de l'urbanisme dès lors que celle-ci aurait dû être présentée au ministère de la défense par le préfet en tant qu'autorité compétente pour instruire la demande de permis de construire ; et il est constant que le préfet du département des Landes n'a jamais saisi le ministère de la défense d'une telle demande ; la demande de la société était donc irrecevable ;
- au surplus, il ressort de la lettre du préfet du 12 novembre 2015 que le dossier de la société a été jugé incomplet par le service instructeur ; c'est donc l'impéritie de la société qui lui a fait perdre du temps ;
- des frais spécifiques à cette instance ont été exposés par l'Etat à hauteur de 1 500 euros correspondant à cinq journées de travail de l'attaché d'administration du bureau du contentieux contractuel et domanial, 600 euros correspondant à trois heures de révision par l'administratrice civile hors classe, chef de bureau du contentieux contractuel et domanial, 200 euros correspondant à une heure de révision par le sous-directeur du contentieux et 100 euros correspondant à des frais divers de photocopies, impression et déplacement à l'audience.
Par des mémoires, enregistrés les 26 septembre 2016, 21 février 2017 et 24 mai 2017, la société Parc Eolien du Perchigat, société à responsabilité limitée, représentée par MeA..., conclut au rejet du recours du ministre et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a demandé la délivrance d'une autorisation le 2 avril 2015 auprès de l'autorité militaire compétente ; en l'absence de réponse, une décision implicite de rejet est née deux mois après la réception de la demande ; elle a contesté cette décision de rejet, car ce défaut d'autorisation bloquait son projet ; le préfet était lié et refusait toute implantation sans accord écrit des services de la défense ;
- le ministre a produit un mémoire avec retard devant le tribunal qui lui avait demandé de transmettre la décision du 7 janvier 2016 portant autorisation d'exploitation ; les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 24 mai 2016 ; le tribunal a informé les parties le 4 mai 2016 de ce qu'il envisageait de prononcer un non-lieu à statuer ; le ministre n'a pas répondu à ce courrier ; elle-même a répondu en précisant qu'elle entendait maintenir ses conclusions tendant au remboursement des frais irrépétibles ; les parties ont également été régulièrement informées de la clôture de l'instruction ;
- toutes les informations utiles, notamment quant au désistement et aux conclusions du rapporteur public figuraient sur l'application Sagace qu'il appartenait au ministre de consulter ;
- sa demande de remboursement des frais irrépétibles à hauteur de 7 000 euros avait été exprimée dès son mémoire du 27 juillet 2015 ;
- en matière de frais irrépétibles aucune limite n'est fixée par la loi et le juge dispose d'un pouvoir souverain ; en l'espèce, le tribunal a été jusqu'à motiver sa décision sur ce point ;
- aucun motif sérieux ne justifiait le refus du ministre ; aucune contrainte, notamment de servitude aéronautique de dégagement, n'a été déclarée pour la zone de Rion-des-Landes dans le cadre de l'établissement du schéma régional éolien approuvé le 6 juillet 2012 ; aucune contrainte n'est davantage apparue lors de l'étude de la zone de développement éolien ; ce n'est que trois ans plus tard, le 20 juin 2013, qu'une contrainte liée à la zone Voltac 21 bis est apparue ; aucune contrainte liée à une servitude ou à la circulation aérienne militaire ou civile n'est identifiée ; l'existence d'une Voltac ne pouvait justifier un refus ; le manuel d'information aéronautique militaire lui-même mentionne que des éoliennes peuvent être implantées dans des Voltac ce que confirment des instructions administratives, la réglementation de la circulation aérienne militaire et des réponses ministérielles, sous réserve du nombre de projets dans la zone considérée et de la préservation de la capacité d'entraînement des aéronefs ; en l'espèce, il n'existe aucun autre projet dans la zone et la surface du terrain d'assiette du projet représente une infime part de la surface de la zone Voltac ;
- l'existence d'un projet de radar ne pouvait pas non plus justifier un refus ; aucune information n'a été fournie quant à ce projet ni quant aux perturbations qui auraient pu résulter du projet éolien et affecter de manière significative cet hypothétique projet de radar ;
- l'existence d'une zone LF à proximité du site du projet ne pouvait davantage justifier un refus du projet.
Par ordonnance du 28 avril 2017, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 30 mai 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 pris pour l'application du chapitre II du titre II de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à l'accusé de réception des demandes présentées aux autorités administratives ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 31 janvier 2018, le président de la cour a désigné Mme Florence Madelaigue pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,
- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 2 avril 2015, la société Parc Eolien du Perchigat, filiale de la société Solveo Energie, ayant un projet d'implantation d'un parc éolien comportant dix aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Rion-des-Landes, à proximité de la base école de Dax organisant notamment des formations à destination des pilotes d'hélicoptères de la défense dans des zones réglementées, a demandé au commandant de la zone aérienne de défense sud de lui délivrer l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile. En l'absence de réponse à sa demande, la société, estimant que l'administration lui avait opposé un refus implicite, a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande d'annulation de ce refus. En cours d'instance, elle a déclaré se désister de ses conclusions en annulation. Par jugement du 7 juin 2016, le tribunal administratif lui a donné acte de son désistement et a mis à la charge de l'Etat le versement à la société Parc Eolien du Perchigat d'une somme de 6 000 euros au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. Le ministre de la défense relève appel de ce jugement en tant qu'il met la somme de 6 000 euros à la charge de l'Etat.
2. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
3. En premier lieu, ainsi que le soutient le ministre de la défense, l'Etat ne peut être regardé comme la partie perdante dans l'instance qui s'est déroulée devant le tribunal du fait de l'intervention en cours d'instance, le 7 janvier 2016, d'une autorisation d'exploitation du parc éolien projeté, délivrée par le ministre de la défense, dès lors que cette décision a été prise non pour autoriser l'implantation du projet sur le fondement de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile en réponse à la demande de la société du 2 avril 2015, mais pour donner l'accord du ministre à l'exploitation des installations prévues, en application de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, en réponse à une demande du préfet des Landes dans le cadre de l'instruction du dossier présenté par la société au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque les constructions ou travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-4 sont soumis, en raison de leur emplacement, de leur utilisation ou de leur nature, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu d'autorisation au titre de ces législations ou réglementations, dans les cas prévus par décret en Conseil d'Etat, dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente ". Selon l'article R. 423-51 de ce code : " Lorsque le projet porte sur une opération soumise à un régime d'autorisation prévu par une autre législation, l'autorité compétente recueille les accords prévus par le chapitre V du présent titre ". L'article R. 425-9 du même code, inclus dans le chapitre V mentionné par ces dispositions, dispose que : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense ". L'article R. 244-1 du code de l'aviation civile prévoit que : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. / Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation ainsi que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation. / L'autorisation peut être subordonnée à l'observation de conditions particulières d'implantation, de hauteur ou de balisage suivant les besoins de la navigation aérienne dans la région intéressée. / Le silence gardé à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande d'autorisation vaut accord (...) ".
5. Aucune des dispositions précitées ni aucune autre disposition législative ou règlementaire ni aucun principe ne fait obstacle à ce qu'un pétitionnaire présente lui-même une demande à l'autorité compétente en vue d'obtenir l'autorisation prévue à l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, alors même que, selon les dispositions précitées du code de l'urbanisme, il pourrait s'en dispenser en obtenant un permis de construire qui tiendrait lieu de cette autorisation, sous réserve que l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire ait préalablement obtenu un accord de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile. La société Parc Eolien du Perchigat a donc pu valablement saisir les services du ministre de la défense en vue d'obtenir une telle autorisation. Toutefois, en l'absence de réponse de la part de cette administration dans les deux mois à compter de la date de réception de la demande et en l'absence de tout élément permettant de considérer que ces services auraient, en application de l'article 2 du décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 alors en vigueur, indiqué au demandeur les pièces qui auraient été manquantes à son dossier, la société, titulaire d'un accord tacite conformément aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, n'était pas recevable à saisir le tribunal administratif d'une demande en annulation d'un refus d'autorisation.
6. Il résulte de ce qui précède que la demande de première instance de la société Parc Eolien du Perchigat n'étant pas recevable, c'est à tort que le tribunal administratif a mis à la charge de l'Etat, qui ne pouvait être regardé comme la partie perdante, le versement à son profit de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, le ministre de la défense est, par suite, fondé à demander l'annulation du jugement du 7 juin 2016 en tant qu'il a mis cette somme à la charge de l'Etat.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Parc Eolien du Perchigat de la somme qu'elle demande au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Parc Eolien du Perchigat la somme dont le ministre demande le versement au profit de l'Etat sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1501582 du 7 juin 2016 du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : Les conclusions d'appel des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à la société Parc Eolien du Perchigat. Une copie en sera adressée au préfet des Landes.
Délibéré après l'audience du 6 mars 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 avril 2018.
Le président-assesseur,
Pierre BentolilaLe président-rapporteur,
Elisabeth JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02547