Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Le Clos d'Abadie a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 8 avril 2010 au 31 décembre 2012, ainsi que des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1403598 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 février 2016, et un mémoire enregistré le 15 septembre 2016, la SCI Le Clos d'Abadie, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 décembre 2015 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration aurait dû faire droit à la demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; en lui opposant un refus alors que cette commission était compétente, l'administration a entaché la procédure d'irrégularité ;
- la procédure est également irrégulière car l'administration, dans sa réponse aux observations du contribuable du 30 août 2013, a commis une erreur substantielle en ne barrant pas la mention relative à la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires puis en ne saisissant pas celle-ci ;
- la SCI Le Clos d'Abadie n'avait aucune intention d'éluder l'impôt puisque la taxe en cause était clairement inscrite en comptabilité et elle a été régularisée l'année suivante ; les pénalités pour manquement délibéré ne sont donc pas justifiées.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 juin 2016 et le 1er juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics (direction de contrôle fiscal sud-ouest) conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est pas compétente pour ce qui relève des pénalités ; la demande de la société requérante ne relevait pas non plus de la juridiction gracieuse ;
- le fait que la vérificatrice ait omis de barrer la mention en cause dans la réponse aux observations du contribuable, ne saurait, au mépris des textes applicables, conférer ce droit de saisine de la commission au contribuable ; la commission n'était en tout état de cause pas compétente et aucune erreur portant atteinte aux garanties et droits de la défense de la société n'a été commise ;
- le fait d'avoir inscrit en comptabilité la taxe en cause confirme le caractère volontaire, au jour du dépôt des déclarations minorées, de ne pas faire figurer sur ces dernières la totalité de la taxe réellement due ; la volonté d'éluder l'impôt est caractérisée ; la circonstance que la taxe a été déclarée l'année suivante est indifférente pour l'appréciation de cette volonté, puisque celle-ci s'apprécie au moment de la souscription des déclarations en cause.
Par ordonnance du 30 mars 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 1er juin 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la SCI Le Clos d'Abadie.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Le Clos d'Abadie, créée en avril 2010 avec pour objet la construction et la vente en l'état futur d'achèvement de vingt-deux appartements compris dans un ensemble immobilier situé au 41 rue d'Abadie, à Bègles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée, portant sur la période du 8 avril 2010 au 31 décembre 2012. L'administration ayant constaté une anticipation du droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée, des déductions indues, ainsi qu'une déclaration tardive de taxe collectée, il en est résulté des rappels pour un montant total de 132 579 euros en droits, majoré de 40 % en application de l'article 1729 du code général des impôts. La société a contesté en vain ces rappels auprès de l'administration fiscale. Elle relève appel du jugement du 8 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à leur décharge.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) ". Aux termes de l'article L. 59 A de ce livre, dans sa rédaction applicable : " La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient: / 1° lorsque le désaccord porte (...) sur le montant du (...) chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition (...) II. - Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit.". Et selon l'article L. 250 du même livre : " Les demandes présentées par les contribuables en vue d'obtenir la remise des majorations prévues par l'article 1729 du code général des impôts sont soumises pour avis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) lorsque ces majorations sont consécutives à des rectifications relevant de la compétence de l'une ou l'autre de ces commissions, telle qu'elle est définie aux articles L. 59, L. 59 A et L. 59 C du présent livre. ".
3. Il résulte de l'instruction que la SCI Le Clos d'Abadie, par un courrier du 24 septembre 2013, a demandé la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires " aux fins d'apprécier l'attitude de la société et de l'administration fiscale quant à l'application de pénalités pour manquements délibérés ". Il résulte clairement des termes de ce courrier, et la société requérante ne le conteste d'ailleurs pas, qu'elle a sollicité la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires exclusivement sur la question du bien-fondé de l'application de la pénalité pour manquement délibéré visée à l'article 1729 du code général des impôts. Toutefois, les dispositions précitées des articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales ne confèrent pas compétence à la commission pour émettre un avis sur les désaccords opposant un contribuable à l'administration à propos de l'application de pénalités fiscales. Par ailleurs, l'article L. 250 du livre des procédures fiscales ne concerne, d'après ses termes mêmes, que les demandes, ressortissant de la juridiction gracieuse, qui tendent à la remise ou à la modération de pénalités déjà mises en recouvrement et qui sont consécutives à des rectifications relevant de la compétence de cette commission. Or, le courrier de la SCI Le Clos d'Abadie du 24 septembre 2013 dont les mentions sont rappelées ci-dessus ne saurait, en tout état de cause, s'analyser en une demande de remise gracieuse de pénalités mises en recouvrement. Par suite, compte tenu de l'incompétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la SCI Le Clos d'Abadie n'a été privée, par le refus de l'administration de procéder à la saisine de cette commission, d'aucune garantie propre à la procédure de redressement contradictoire.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France ".
5. Si la SCI Le Clos d'Abadie relève que, dans la réponse du 30 août 2013 à ses observations consécutives aux rappels qui lui ont été notifiés le 5 juillet 2013, la mention concernant la possibilité de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été rayée par l'administration, cette erreur de plume, qui n'a pas été de nature à induire en erreur la requérante sur le fondement des impositions en litige, et qui ne modifie ni le montant, ni le taux, ni les années d'imposition, ne l'a privée d'aucune garantie et n'a, en particulier, pas porté atteinte à ses droits de la défense. Ladite erreur, au caractère non substantiel, ne saurait par ailleurs justifier en l'occurrence une décharge des majorations assignées à la société requérante. Par suite, il n'y a pas lieu de faire application, ainsi qu'elle le suggère, des dispositions précitées de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des pénalités pour manquement délibéré :
6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livres de procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
7. Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir cette mauvaise foi, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt.
8. Lorsque le comportement du contribuable vise, au moment de sa déclaration, à différer volontairement et de manière réitérée le paiement de l'impôt dû, l'administration doit être regardée comme caractérisant le caractère intentionnel du contribuable de se soustraire à ses obligations fiscales. Une telle pratique a nécessairement pour effet d'éluder l'impôt et entre ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
9. Il résulte de l'instruction que la SCI Le Clos d'Abadie a omis, sur l'ensemble de la période de novembre 2010 à décembre 2011, de déclarer près du tiers de la taxe sur la valeur ajoutée collectée. Il est constant que, quand bien même la société s'acquittait de cette taxe au titre de l'exercice suivant, le différé de paiement pratiqué lui permettait de bénéficier d'avances de trésorerie au détriment du fisc, dans la mesure où l'exigibilité de la taxe n'intervenait que lors de l'encaissement du prix ou des acomptes. Or, ainsi que le relève l'administration, le montant de la taxe due apparaissait clairement en comptabilité, au crédit du compte " TVA à régulariser ". La dette fiscale de la société figurait ainsi au passif du bilan sur deux exercices consécutifs et la société, qui a souscrit de manière réitérée des déclarations minorées, ne pouvait ignorer l'existence des minorations au moment de ces souscriptions. Aussi, et alors que la société requérante ne peut utilement invoquer la faculté qu'elle aurait eu d'opter le cas échéant pour une évaluation provisoire des droits en application de l'instruction 8 A-1551 n° 9, l'administration doit être regardée comme établissant de sa part une volonté délibérée d'éluder l'impôt. C'est par suite à bon droit qu'elle a assorti les rappels de taxe de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Le Clos d'Abadie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la SCI Le Clos d'Abadie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Le Clos d'Abadie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Le Clos d'Abadie et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 avril 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGET Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX00555