Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...C...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 avril 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1703685 du 2 novembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 novembre 2017, MmeD..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa demande dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle a refusé de lui délivrer un titre de séjour au motif que M.D..., son époux, était sans emploi alors qu'il a retrouvé un emploi à durée indéterminée le 2 mai 2017 et, qu'au demeurant ni elle ni son époux ne constituent une charge pour le système d'assistance sociale de la France ;
- la décision méconnaît également l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du fait qu'elle dispose d'un droit au séjour en raison de la qualité de ressortissant européen de son époux ;
- le refus d'octroyer le titre de séjour est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car une telle mesure n'est pas dans une société démocratique nécessaire au bien-être économique du pays ;
- la décision est contraire à l'article 10 du Règlement UE 492/2011 du 5 avril 2011, à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi qu'aux articles L. 111-2, L. 131-1 et L. 131-1-1 du code de l'éducation alors que son fils est scolarisé en cours préparatoire, ce qui constitue une condition suffisante pour lui conférer un droit de séjourner en France.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 mars 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en se rapportant à ses écritures de première instance.
Par ordonnance du 31 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 14 mars 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union ;
- le code de l'éducation ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ;
- et les observations de MeB..., représentant Mme C...épouseD....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...D..., ressortissante marocaine née le 24 juillet 1990, est entrée en France en 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a ensuite bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " membre de famille d'un citoyen de l'Union " valable jusqu'au 24 novembre 2016 au motif que son époux, de nationalité espagnole, travaillait en France. Le 19 octobre 2016, elle a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 18 avril 2017, le préfet de la Gironde a refusé de renouveler son titre, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D...relève appel du jugement du 2 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2017.
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3° ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé au 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les ressortissants qui remplissent les conditions mentionnées à l'article L. 121-1 doivent être munis de l'un des deux documents prévus pour l'entrée sur le territoire français par l'article R. 121-1. L'assurance maladie mentionnée à l'article L. 121-1 doit couvrir les prestations prévues aux articles L. 321-1 et L. 331-2 du code de la sécurité sociale. Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. (...) La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour. Les ressortissants mentionnés au premier alinéa de l'article L. 121-1 entrés en France pour y rechercher un emploi ne peuvent être éloignés pour un motif tiré de l'irrégularité de leur séjour tant qu'ils sont en mesure de faire la preuve qu'ils continuent à rechercher un emploi et qu'ils ont des chances réelles d'être engagés ". Aux termes de l'article R. 121-6 du même code : " I. - Les ressortissants mentionnés au 1° de l'article L. 121-1 conservent leur droit au séjour en qualité de travailleur salarié ou de non-salarié : / (...) 2° S'ils se trouvent en chômage involontaire dûment constaté après avoir été employés pendant plus d'un an et se sont fait enregistrer en qualité de demandeur d'emploi auprès du service de l'emploi compétent (...) / II. - Ils conservent au même titre leur droit de séjour pendant six mois : / 1° S'ils se trouvent en chômage involontaire dûment constaté à la fin de leur contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an ; / 2° S'ils sont involontairement privés d'emploi dans les douze premiers mois qui suivent la conclusion de leur contrat de travail et sont enregistrés en qualité de demandeur d'emploi auprès du service de l'emploi compétent. ". Il résulte de ces dispositions que le titre sollicité par Mme D...est subordonné à la situation de son époux, ressortissant espagnol, lequel doit remplir les conditions du 1° ou 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tenant à l'exercice d'une activité professionnelle ou à la capacité de subvenir aux besoins de sa famille.
4. Il ressort de la décision contestée, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, que le préfet de la Gironde, pour refuser la délivrance du titre sollicité, s'est fondé sur la circonstance que M.D..., époux de la requérante, était sans emploi et qu'il ne disposait pas des ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille. Il apparaît en effet que d'une part M. D...était à la date de l'arrêté attaqué, sans emploi depuis le 30 juillet 2016 et, d'autre part que les seules ressources dont il disposait étaient l'allocation d'aide au retour à l'emploi ainsi que des prestations sociales versées par la caisse des allocations familiales. Il ressort également des pièces du dossier que M. D...était en fin de droits depuis le 7 janvier 2017 et ne bénéficiait donc plus de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à la date de l'arrêté contesté. Enfin, si Mme D...fait valoir que son époux a retrouvé un emploi en contrat à durée déterminée le 2 mai 2017 en qualité d'agent de sécurité, cette circonstance est postérieure à l'arrêté attaqué. Ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, M. D...ne remplissait ni les conditions du 1°, ni celles du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en refusant de renouveler le titre de séjour de MmeD..., le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...a épousé M.D..., ressortissant européen de nationalité espagnole le 29 juin 2009, et deux enfants sont issus de cette union, Mohammed, de nationalité marocaine, né le 18 août 2011 et Hind, née le 13 février 2014, de nationalité espagnole. Mme D...est entrée en France le 16 mai 2015 avec ses enfants pour y rejoindre son époux. Elle a à ce titre bénéficié d'un titre de séjour en qualité de membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne. Toutefois, comme il a été dit précédemment, M. D...ne bénéficiait plus d'un droit au séjour en France et ne remplissait donc plus, à la date de l'arrêté contesté, les conditions nécessaires permettant à son épouse d'obtenir un titre de séjour sur ce fondement. Par ailleurs, MmeD..., qui ne résidait en France que depuis 2 ans à la date de l'arrêté contesté, a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 25 ans et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans ce dernier, où résident encore ses parents. Au demeurant, M. D...étant de nationalité espagnole, il n'est fait état d'aucune circonstance empêchant que la cellule familiale se reconstitue dans son pays. Dans ces circonstances, le préfet de la Gironde n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise la décision attaquée et n'a pas davantage entaché celle-ci d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de MmeD....
7. Aux termes de l'article 10 du règlement n° 492/2011/UE du 5 avril 2011 : " Les enfants d'un ressortissant d'un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre État membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire. / Les États membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions. ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne à la lumière de l'exigence du respect de la vie familiale prévu à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans les deux arrêts de sa Grande chambre du 23 février 2010, C-310/08 Ibrahim et C-480/08 Teixeira, que les enfants d'un citoyen de l'Union européenne, qui se sont installés dans un Etat membre alors que leur parent exerçait un droit au séjour en tant que travailleur migrant dans cet État membre, sont en droit d'y séjourner afin d'y poursuivre des cours d'enseignement général et que le parent qui a effectivement la garde de ces enfants, quelle que soit sa nationalité, est en droit de séjourner avec eux de manière à faciliter l'exercice dudit droit, sans que ce droit soit soumis à la condition qu'ils disposent de ressources suffisantes et d'une assurance maladie complète dans cet Etat.
8. Il ressort des pièces du dossier que le fils aîné de M. et Mme D...était scolarisé en classe de grande section de maternelle à la date de la décision attaquée. Si la scolarité de l'école maternelle fait partie de l'enseignement du premier degré en application de l'article L. 321-1 du code de l'éducation, la mission éducative de l'école maternelle, destinée à favoriser l'éveil de la personnalité des enfants selon l'article L. 321-2 du même code, comporte une première approche des outils de base de la connaissance, prépare les enfants aux apprentissages fondamentaux dispensés à l'école élémentaire et leur apprend les principes de la vie en société. Dans ces conditions, l'enfant de la requérante ne peut être regardé comme suivant des cours d'enseignement général, d'apprentissage ou de formation professionnelle au sens des dispositions précitées du règlement communautaire. Par suite, Mme D...ne pouvait prétendre à un droit au séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011.
9. A l'appui du moyen tiré de ce que l'arrêté méconnaîtrait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, Mme D...ne se prévaut, devant la cour, d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que, c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme D...à fin d'injonction et d'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mai 2018.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 17BX03692