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09/05/2018 | FRANCE | N°17BX04097

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 09 mai 2018, 17BX04097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2017 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1704552 du 20 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2017, M.C..., représenté par Me A..., demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2017 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1704552 du 20 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2017, M.C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans le délai de soixante-douze heures.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation personnelle et familiale, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte dès lors qu'il justifie d'un hébergement stable en France et que ses attaches les plus proches sont également en France ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans prononcée à son encontre est excessive dès lors qu'il n'a jamais été destinataire d'un refus de titre de séjour ou d'une obligation de quitter le territoire français ; le préfet a ainsi commis une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en se rapportant à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 5 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 12 mars 2018 à 12 heures.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Catherine Girault a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...C..., ressortissant algérien né le 7 septembre 1992, a été interpellé le 17 octobre 2017 alors qu'il voyageait dans un train en provenance d'Espagne. Par arrêté du même jour, le préfet de la Gironde, après avoir enregistré le refus des autorités espagnoles de le reprendre en charge, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement du 20 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". La décision contestée vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 5, 19, 20 et 21 de la convention de Schengen du 19 juin 1990, l'article 24 du règlement n°1987/2006 du Parlement européen et du conseil du 20 décembre 2006 et les articles L. 211-1, L. 511-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté mentionne également que M. C...n'est pas entré régulièrement sur le territoire français, qu'il s'y est maintenu, qu'il n'a pas de domicile fixe ni de ressources et ne justifie pas de l'ancienneté de ses liens en France et qu'enfin, il est célibataire et sans charge de famille. Par suite, l'arrêté est suffisamment motivé en droit et en fait.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal du 17 octobre 2017, que M. C...est entré en France récemment en provenance d'Espagne, qu'il n'a pas d'emploi et pas de ressources et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel résident toujours son père ainsi qu'une soeur, un frère et une demi-soeur. Il apparaît également que M. C...est célibataire et sans enfants à charge. Dans ces circonstances, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

5. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 applicable à compter du 1er novembre 2016 : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;

6. Il résulte de ces dispositions, en vigueur depuis le 1er novembre 2016, que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ volontaire, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Par suite, seule la durée de l'interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

7. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté préfectoral contesté que M. C...a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui n'était assortie d'aucun délai de départ volontaire et qu'il n'a justifié d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, c'est à bon droit que le préfet de la Gironde a décidé de prendre à l'encontre de l'intéressé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français.

8. En second lieu, pour déterminer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet a examiné les critères mentionnés au point 6. Dans les circonstances de l'espèce, et alors même que M. C...ne représente pas une menace pour l'ordre public et qu'il n'a pas déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement, cette décision, prise après examen de sa situation personnelle, n'est pas entachée d'erreur d'appréciation.

9. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2018.

Le président-assesseur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président-rapporteur,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 17BX04097


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX04097
Date de la décision : 09/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : LAMPE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-05-09;17bx04097 ?
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