Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Poitiers a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, de condamner solidairement M. H..., la société JLCG-Arquitectos, la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère, et la SA Bureau Véritas à lui verser les sommes de 216 209,41 euros TTC et 30 000 euros, assorties des intérêts capitalisés à compter de l'introduction de la requête, au titre respectivement de malfaçons dans la réalisation de travaux de peinture du théâtre-auditorium et d'un préjudice de jouissance et d'image, d'autre part, de déterminer le solde du marché du lot n° 21 et de condamner solidairement les mêmes personnes à lui verser à ce titre une somme de 245 440,84 euros TTC, assortie des intérêts capitalisés à compter de l'introduction de la requête.
Par un jugement n° 1202080 du 3 juin 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère, à verser à la commune de Poitiers une somme de 17 106,23 euros TTC, avec intérêts au taux légal et capitalisation, au titre du nouveau solde du marché, après prise en compte au profit de la commune de Poitiers, de la somme de 7 300 euros HT, soit 8 730,80 euros TTC, devant lui être versée en réparation des malfaçons affectant les façades Sud du théâtre-auditorium.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le 7 avril 2016 la commune de Poitiers, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 juin 2015 ;
2°) de condamner solidairement M. H..., la société JLCG-Arquitectos, la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère, et la SA Bureau Véritas à lui verser les sommes de 216 209,41 euros TTC et 30 000 euros, assorties des intérêts capitalisés à compter de l'introduction de la requête, au titre respectivement, de malfaçons dans la réalisation de travaux de peinture du théâtre-auditorium et d'un préjudice de jouissance et d'image ;
3°) de condamner M. H..., la société JLCG-Arquitectos, la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère, et la SA Bureau Véritas à lui rembourser les frais de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 4 021,04 euros TTC par une ordonnance du président du tribunal administratif de Poitiers du 22 février 2011 ;
4°) de condamner solidairement M. H..., la société JLCG-Arquitectos, la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère, et la SA Bureau Véritas à lui verser une somme de 245 440,84 euros TTC, assortie des intérêts capitalisés à compter de l'introduction de la requête, au titre du solde du marché des peintures du théâtre-auditorium ;
5°) de mettre solidairement à la charge de M. H..., de la société JLCG-Arquitectos, de la SA Debuschère et de la SA Bureau Véritas une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Poitiers soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le tribunal, en considérant que la liste des réserves détaillées dressée par zone et par lot, le 26 août 2008, ne pouvait être considérée comme la liste des réserves dont la réception avait été assortie, a statué ultra petita, dès lors qu'aucun des défendeurs n'avait jamais contesté que cette liste avait été annexée au procès-verbal de réception et avait constitué la liste des réserves ; en soulevant ce moyen d'office, sans avoir mis les parties à même de le discuter sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; le tribunal, en estimant que seule la liste des réserves dressée le 19 septembre 2008 avait été annexée à la décision de réception des travaux de peinture, a dénaturé les pièces du dossier dès lors que la liste des réserves est composée de plusieurs listes, la date du 19 septembre 2008 figurant sur la première page d'un document qui en comporte 126 ; le fait que le groupement BBM ait été visé à tort dans ces réserves est sans incidence dès lors que ces réserves visent nommément la société Debuschere et concernent l'intégralité des façades qui devaient être toutes repeintes en couleur gris ardoise ;
- il est également produit en appel, la liste des réserves non levées par l'entreprise Debuschere, dressée par l'architecte le 14 novembre 2008 ;
- la ville de Poitiers s'est toujours prévalue des réserves émises lors de la réception, réserves dont la teneur n'a jamais été contestée par la société Debuschere ;
- le tribunal a porté une appréciation erronée sur les mentions de l'annexe du procès-verbal de réception énumérant les réserves ;
- l'irrégularité du jugement est d'autant plus caractérisée que la commune en réponse aux conclusions du rapporteur public a produit devant le tribunal administratif une note en délibéré rappelant qu'aucun des défendeurs n'avait contesté que la liste des réserves comportant une partie dressée le 26 août 2008 avait été annexée au procès-verbal, l'expert relevant également l'existence de ces réserves ; le tribunal n'a en a pas tenu compte et n'a pas non plus statué sur les moyens invoqués, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle tiré du défaut d'assistance du maître d'ouvrage lors des opérations de réception ;
- si la cour comme le demande la commune, considère que la réception a été assortie des réserves listées les 26 août, 19 et 22 septembre 2008, la responsabilité contractuelle des constructeurs doit être engagée dès lors que les prestations effectuées par la société Debuschere ont donné lieu à des réserves générales lors de la réception des travaux, afférents aux façades ouest, est et sud de l'auditorium, et aux façades nord et sud du théâtre, ainsi que relativement aux murs et murets du parvis et , aux murs et murets du jardin des avocats ;
- il a été imparti à la société Debuschere un délai, jusqu'au 2 octobre 2008, pour reprendre ses ouvrages, ce qu'elle n'a pas fait, et dès lors en vertu de l'article 44-2 du CCAG, le délai de garantie peut être prolongé par décision du maître de l'ouvrage, jusqu'à leur exécution complète ; par lettre du 15 juillet 2009, la commune a imparti un nouveau délai à l'entreprise, pour réaliser les travaux, ce qui ne peut être interprété comme valant levée implicite des réserves dont la réception a été assortie ; tant que les réserves ne sont pas levées, les obligations contractuelles du constructeur relatives aux parties d'ouvrage réservées sont maintenues et les relations contractuelles se poursuivent jusqu'à ce qu'aient été expressément levées les réserves exprimées lors de la réception, ce principe étant applicable nonobstant l'intervention du décompte définitif, alors qu'en l'espèce, le marché n'a pas été soldé ;
- l'expert a relevé que les désordres sont principalement dus au fait que la couleur choisie par l'architecte " est incompatible avec une réalisation durable ", et que l'expert a retenu à juste titre que l'entreprise avait activement participé à cette conception défectueuse, dès lors qu'elle a appliqué la peinture gris anthracite préconisée par l'architecte, sans réalisation de l'étanchéification du béton avec l'enduit de type I 3 prévu à l'origine, ce qui a eu pour conséquence la pénétration de l'eau dans le béton et l'apparition de coulures blanches sur les façades ; la société Debuschere a commis une faute en ne prévenant pas les architectes et le maître de l'ouvrage, de l'incompatibilité entre les couleurs choisies et les matériaux devant être utilisés ;
- la société a manqué à son devoir de conseil, n'a pas respecté les prescriptions techniques du marché, et a exécuté les travaux au mépris des règles de l'art et des prescriptions du document technique unifié 42.1 et du CCTP sur un support fissuré et non traité et ces malfaçons ont été signalées avant réception de l'ouvrage ;
- la responsabilité contractuelle de la société Debuschere est engagée notamment par application de l'article 1.1.4 du CCTP relatif à l'exécution des travaux de peinture ;
- la responsabilité de l'architecte doit être engagée, comme l'indique l'expert, dans la mesure où l'erreur de conception est matérialisée dans le non-respect du DTU 42 en tant que prescripteur dès lors qu'il existe une incompatibilité entre les produits prévus à l'origine et la teinte foncée choisie par l'architecte ;
- comme l'indique le rapport d'expertise, au cours de l'exécution des travaux, les architectes ont changé les prescriptions en cours de chantier et n'ont pas effectué les travaux correspondants qui leur auraient permis de détecter au plus tôt les désordres à venir ; que ce n'est que le 3 juin 2008 alors que la majorité des façades étaient peintes que les architectes se sont aperçus que l'entreprise n'avait pas respecté le marché en n'appliquant pas l'enduit de type I 3 alors qu'en vertu du CCAP du lot de maîtrise d'oeuvre, l'architecte est " tenu de faire respecter par l'entreprise l'ensemble des stipulations du marché de travaux et ne peut y apporter aucune modification " ; la responsabilité contractuelle des architectes, M. H... et de la société JLCG-Arquitectos architectes, est donc engagée.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle du bureau de contrôle :
- elle doit être engagée, au regard des articles L. 111-23 et R. 111-40 du code de la construction et de l'article 11 du CCTP ; la mission de contrôle technique a été confiée à la société Bureau Véritas par acte d'engagement du 19 avril 2001 et dans la limite de sa mission, sa responsabilité peut être engagée tant au titre de la garantie décennale que de sa responsabilité contractuelle ; en vertu du CCAP du lot " Contrôle technique ", les missions L, P1, PV, PH, Hand, S et AV visées par le décret du 28 mai 1999 et la norme NF P 03-100 ont été confiées au bureau Véritas ;
- la société Véritas a manqué à ses obligations dès lors qu'elle n'a pas vérifié la compatibilité des produits employés avec le DTU notamment entre l'application d'une teinte foncée et la pose d'un enduit polymère de type I 3, n'a pas mis en garde l'entreprise Debuschere quant à cette incompatibilité et quant aux risques d'infiltration et n'a pas vérifié les travaux réalisés par cette société, non conformes au DTU ainsi qu'aux prescriptions contractuelles et ne s'est pas aperçue que l'enduit polymère n'avait pas été appliqué ; l'expert a proposé de retenir une responsabilité d'un tiers pour la société Véritas ;
- si la cour devait retenir que la réception a été assortie des seules réserves listées le 19 septembre 2008, la responsabilité des architectes doit être engagée à l'égard de la commune, dès lors qu'ils n'ont pas dressé de liste des réserves complète et actualisée des défectuosités affectant les prestations réalisées par la société Debuschère, titulaire du lot n° 21 ; en soumettant à la ville une liste de réserves datée du 19 septembre 2008 ne comportant aucune réserve sur les travaux effectués par la société Debuschère, l'architecte a engagé sa responsabilité ; dans ces conditions, M. H... et la société JLCG-Arquitectos architectes devront être solidairement condamnés à indemniser la commune, de l'ensemble des préjudices subis.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la société Debuschère au titre de la garantie de parfait achèvement :
- elle doit être engagée sur le fondement de l'article 44.1 du CCAG Travaux dès lors que la commune n'a pas dénoncé des désordres durant l'année de parfait achèvement, mais a mis l'entreprise en demeure de remédier aux réserves non levées conformément au CCAG ; la commune a mis en demeure la société de reprendre l'intégralité des façades Sud durant l'année de parfait achèvement, ce qui était mentionné dans les réserves ; ces façades représentent une superficie de 819 m2 et le prix unitaire du coût de réfection s'établit à la somme de 83,87 euros TTC le m2, soit un total de 68 689,53 euros TTC . A cette somme doivent s'ajouter d'autres préjudices subis par la commune à hauteur de 67 506,87 euros hors taxes, et le préjudice d'image de 30 000 euros, soit une somme cumulée de 97 506,87 euros HT ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité décennale des constructeurs doit être engagée du fait des désordres affectant les murets bordant le parvis extérieur, les cages d'ascenseur et l'escalier Solférino ; les malfaçons sont généralisées et affectent toutes les façades, la mesure d'expertise ayant d'ailleurs été étendue de la seule façade Sud à toutes les façades du bâtiment ; le cahier des clauses techniques particulières du lot n° 21 précise à l'article 11.3, que " tous les travaux de peinture devront être couverts par une garantie décennale en ce qui concerne les revêtements dits extérieurs " ; un revêtement extérieur qui assure une fonction d'étanchéité constitue un ouvrage soumis à la garantie décennale des constructeurs ; en l'espèce, les désordres affectent l'étanchéité des façades, ce qui provoque non seulement des boursouflures et des cloques du revêtement, mais également des infiltrations dans le béton, ce qui génère des ponts thermiques à l'intérieur des bâtiments ; l'action du gel dans les fissures a entrainé leur éclatement et l'apparition d'épaufrures dont la présence est généralisée ; la jurisprudence du Conseil d'Etat considère que constituent des désordres de nature décennale, l'insuffisance de protection contre les infiltrations d'eau ; l'application sur les façades d'un enduit destiné à en assurer l'étanchéité constitue un ouvrage qui relève de la garantie décennale des constructeurs ; en l'espèce, la société Debuschère n'a pas mis en oeuvre le complexe d'étanchéité prévu par le CCTP constitué par deux produits, l'enduit PPP 844 SP, et le Monolastex ; l'étanchéité n'est pas assurée et l'expert relève que ces désordres sont évolutifs ; le jugement du tribunal administratif est contraire aux conclusions de l'expert lequel relève en page 7 de son rapport, que " ... la société Debuschère n'a pas posé l'enduit prévu mais effectué un simple ragréage puis peint selon la teinte finalement retenue. L'absence d'étanchéité des travaux ainsi réalisés a permis des infiltrations d'eau dans le béton entraînant des boursouflures et des coulures... " ; la commune est donc bien fondée à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs, que ce soit la société Debuschère, l'architecte ou le bureau de contrôle Véritas ; cette responsabilité, à l'égard de la commune, est une responsabilité conjointe et solidaire ; l'action contractuelle fondée sur la garantie de parfait achèvement et l'action décennale ont des délais qui se recouvrent pendant un an, et le maître de l'ouvrage peut opter pour l'un ou l'autre (CE, Section, 9 juin 1989, n° 73946, Syndicat intercommunal à vocation multiple de la région havraise), à l'expiration de la garantie de parfait achèvement, l'action décennale s'applique.
En ce qui concerne les préjudices subis par la commune :
- ils sont tout d'abord constitués par le coût des travaux de réfection, lesquels ne sauraient, comme l'indique l'expert, faire l'objet d'un abattement dès lors que les travaux ont pour seul objet de rendre l'ouvrage conforme à ses caractéristiques contractuelles ; la réfection à l'identique des façades n'est pas possible dès lors qu'il est techniquement impossible de réaliser la peinture foncée choisie par l'architecte ; la solution retenue par l'expert, consistant à procéder à un nettoyage des façades avant d'appliquer une couche d'accrochage, puis un revêtement résine dans lequel des microparticules de quartz ou de marbre noir sont incorporées, ne correspond qu'à la réalisation de travaux strictement nécessaires pour mettre en conformité le revêtement extérieur avec les spécifications du marché ; le devis retenu par l'expert ne comporte pas la réfection des murs des ascenseurs et des murets qui bordent le parvis ainsi que les escaliers, dont les travaux de reprise s'élèvent à la somme de 151 638,57 euros HT ; la commune n'étant pas assujettie à la TVA, les indemnités allouées doivent s'entendre hors taxes comprises, soit la somme de 181 966,28 euros TTC ;
- le tribunal, qui fait état d'une mesure d'instruction qui ne lui a jamais en réalité été adressée, a condamné le liquidateur de la société à lui verser la somme de 7 300 euros hors taxes, correspondant à 498,25 m2 de façades sur la base de 13,22 euros le m2, permettant de refaire à l'identique soit selon une méthodologie contraire aux règles de l'art ainsi qu'au DTU, des travaux qui seront inéluctablement affectés de désordres dès lors que le complexe d'étanchéité prévu contractuellement est incompatible avec une peinture de couleur foncée ; par ailleurs, la seule façade Sud correspond à une surface de 819 m2 et non de 498,25 m2 ;
En ce qui concerne les autres préjudices subis par la commune :
- la commune doit être indemnisée de la somme de 7 500 euros correspondant au coût de lancement d'une nouvelle procédure d'appel d'offres ainsi qu'au coût de maîtrise d'oeuvre afférent à la réalisation d'un dossier de permis de construire, soit la somme de 25 930,18 euros TTC ; à ces sommes doit être rajoutée la somme de 1 512 euros TTC, au titre du coût d'une mission de contrôle technique ; ces préjudices s'élèvent donc à la somme de 36 442,18 euros TTC et donc, pour le total des préjudices, à la somme de 218 408,47 euros TTC, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;
- par ailleurs, la société a subi un préjudice de jouissance et d'image dès lors que la charte couleur du théâtre a été définie par l'architecte et qu'il a justifié de la teinte grise anthracite dite " ardoise " au lieu et place de la teinte aluminium initiale, par un " clin d'oeil aux toits traditionnels poitevins " ; alors que le TAP est le plus grand établissement culturel de Poitiers, étant présenté comme un bâtiment d'exception, ayant été récompensé par plusieurs prix ; en conséquence, l'aspect dégradé du bâtiment occasionne un préjudice d'image à la commune ; les malfaçons généralisées affectant la peinture de l'ensemble des façades et des annexes portent atteinte à l'esthétique de l'ouvrage et ont pu nuire à sa fréquentation, et ont occasionné un préjudice d'image depuis la réception de l'ouvrage, soit depuis le 3 septembre 2008 ; ce préjudice ne pourra cesser que lors de la réception sans réserves des travaux de reprise.
En ce qui concerne l'établissement du décompte définitif :
- il appartient à la juridiction administrative de fixer ce décompte ; pour ce qui est des réclamations de la société Debuschère, cette société a réclamé 15 730,55 euros HT au titre de travaux de reprise imputables à des dégradations commises par d'autres corps de métiers, ces travaux doivent être pris en charge par les entreprises concernées, sauf comme l'a considéré le tribunal, pour ce qui est des travaux effectués par la société Kezia, à hauteur de 2 829,88 euros HT ; la commune accepte par ailleurs de prendre en charge la somme de 12 349,32 euros HT correspondant à des devis validés par le maître d'oeuvre ou le maître de l'ouvrage ; la commune accepte donc de prendre en charge les réclamations de la société Debuschère, à hauteur de 15 179,20 euros HT ; en revanche, la demande de la société relative à la somme de 11 205,09 euros HT doit être rejetée ; de même, il convient de soustraire la somme de 52 100 euros au titre des pénalités de retard, soit la somme de 35 500 euros correspondant à soixante et onze jours de retard pour la réalisation des façades ; alors que les prestations de ce lot auraient dû être exécutées à compter du 18 juin et achevées le 27 juillet 2007, en novembre 2007, les travaux n'avaient toujours pas commencé ; les pénalités sont constituées à hauteur de 5 000 euros pour les dix jours de retard pour l'exécution des façades en 2008, 11 000 euros correspondant à vingt-deux jours de retard du 20 mai au 10 juin 2008 pour le nettoyage des sols souillés dans les deux niveaux de parkings, 600 euros pour l'absence à la réunion de chantier du 10 juin 2008, 15 621,21 euros HT au titre des frais de nettoyage, 14 237,04 euros hors taxes, correspondant à des moins values, liées au fait que l'article 3.1 du CCTP prévoyait que les portes métalliques intérieures et extérieures devaient recevoir deux couches de peinture.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2015, M. H...et la société JLCG-Arquitectos, représentés par MeB..., conclut :
1°) au rejet des conclusions de la requête de la commune de Poitiers, en tant qu'elles sont dirigées contre M. H...et la société JLCG-Arquitectos ;
2°) à la condamnation de la société Debuschère, M. A...(économiste) et le bureau de contrôle Véritas à les garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ;
3°) à ce que la cour juge que les travaux de reprise ont été chiffrés par l'expert judiciaire à la somme de 134 581,93 euros TTC ;
4°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Poitiers, la somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. H...et la société JLCG-Arquitectos soutiennent que :
- contrairement à ce que fait valoir la commune, le tribunal administratif, pour rejeter les conclusions fondées sur la responsabilité contractuelle du fait des réserves posées à la réception, n'a pas statué ultra petita, n'ayant fait que constater que la réception des travaux avait été prononcée sans réserves, en ce qui concerne les désordres affectant les façades ;
- le tribunal n'avait donc pas à faire application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- par ailleurs, le tribunal n'a pas dénaturé les pièces du dossier en considérant que la liste de propositions de réserves établie le 26 août 2008, par l'architecte ne constituait pas la liste de réserves annexée au procès-verbal de réception du 25 septembre 2008, qui ne fait référence qu'à la liste établie le 19 septembre 2008 ;
- le jugement doit être confirmé en tant qu'il fait application de la garantie de parfait achèvement, le tribunal ayant à bon droit relevé que si les désordres litigieux n'avaient pas été dénoncés le jour de la réception, la commune avait adressé à l'entreprise une mise en demeure dans l'année pendant laquelle l'entreprise était tenue à la garantie de parfait achèvement de l'article 1792-6 du code civil ;
- la garantie de parfait achèvement incombait uniquement à l'entreprise Debuschère, et en tout état de cause, seule cette entreprise a commis des fautes en lien avec les désordres litigieux ;
- les désordres portent sur les peintures des façades du théâtre, n'ayant pas fait l'objet de réserves à la réception, mais ayant été dénoncés dans le cadre de la garantie de parfait achèvement et qui sont de deux ordres, les microfissurations du béton et la dégradation du coloris des façades qui sont dues à l'absence d'application par la société Debuschère de la sous-couche permettant d'éviter les microfissurations du béton avant la réalisation de la peinture et à la mise en oeuvre par la société, d'une peinture directement sur le béton sans couche d'étanchéification, ce qui a entraîné des pénétrations d'eau dans le béton, la présence de coulures blanches et un éclaircissement du coloris des façades.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2015, la société CCE Associés, venant aux droits de M.A..., représentée par MeG..., conclut :
1°) au rejet comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître des conclusions présentées par M. H...et la société JLCG-Arquitectos à l'encontre de M.A... ;
2°) à la condamnation solidaire de la société Debuschère, de M. H...et de la société JLCG-Arquitectos à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
3°) à la condamnation solidaire de la société Debuschère, de M. H...et de la société JLCG-Arquitectos à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société CCE Associés soutient que :
- le litige ne relève pas de la juridiction administrative dès lors que si le litige principal relève de la compétence de la juridiction administrative, pour être un litige d'exécution d'un marché de travaux publics, le recours en garantie entre membres d'un même groupement relève de la compétence de la juridiction judiciaire, ainsi que M. H...et la société JLCG en ont d'ailleurs convenu ; en effet, M.A..., économiste, est co-traitant du groupement de maîtrise d'oeuvre représenté par M.H... ; une action a d'ailleurs été engagée devant le tribunal de grande instance de Poitiers ;
- à titre subsidiaire, aucune responsabilité ne peut être imputée à M.A..., intervenu sur le chantier en qualité d'économiste de la construction, et ainsi que le relève le rapport d'expertise, il n'a commis aucune faute, l'expert n'ayant retenu qu'un vice de conception, et des fautes d'exécution de la part de l'entreprise chargée de la peinture qui n'a pas mis en oeuvre le complexe d'étanchéité prévu au CCTTP ; M. A...n'est pas intervenu dans le changement du choix de la peinture ; par ailleurs, il n'a en sa qualité d'économiste, aucune obligation de conseil lors des opérations de réception.
Par des mémoires, enregistrés le 5 février 2016 et le 10 mai 2016, la société Bureau Véritas, représentée par MeF..., conclut :
1°) au rejet de la requête de la commune de Poitiers ;
2°) à la condamnation de M. H...et de la société JLCG-Arquitectos à le garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
3°) à ce que soit mis à la charge de la commune de Poitiers la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Bureau Véritas soutient que :
- seule la responsabilité de l'entreprise Debuschère peut être retenue au titre de la garantie de parfait achèvement, le contrôleur technique n'y étant pas tenu ;
- le jugement du tribunal administratif doit être confirmé, en ce qu'il a mis le Bureau Véritas hors de cause ;
- la mission du Bureau Véritas, selon l'acte d'engagement du 19 avril 2001, est une mission comprenant notamment la mission " L " relative à la solidité des ouvrages et équipements indissociables, une mission " P 1 " relative à la solidité des équipements indissociables, une mission " PV " relative au récolement des procès-verbaux d'essais de réception des équipements et avis sur ces procès-verbaux ;
- la mission " P 1 " ne concerne que la solidité des éléments d'équipement dissociables, ce qui n'est pas le cas de l'enduit qui devait être appliqué avant peinture, la peinture n'ayant qu'un rôle purement esthétique, comme l'a jugé la cour de cassation dans un arrêt du 27 avril 2000 ; le Bureau Véritas ne saurait être mis en cause que pour manquement à une obligation de moyens et non de résultats et en l'espèce, il n'a commis aucune faute ;
- les conditions d'engagement de la garantie décennale ne sont par ailleurs pas réunies, faute pour la peinture de constituer un ouvrage ni même un élément constitutif de l'ouvrage ou un élément d'équipement dissociable, alors que de plus les désordres n'étaient pas cachés lors de la réception des ouvrages ;
- la solidité de l'ouvrage n'est nullement compromise et, dès lors, la responsabilité du Bureau Véritas ne peut être présumée sur le fondement de l'article L. 111-24 du code de la construction ;
- à titre subsidiaire, les demandes indemnitaires de la commune sont manifestement excessives, dès lors qu'en vertu de la jurisprudence du Conseil d'Etat, l'indemnité devant être versée au maître d'ouvrage doit être réduite si les travaux conduisent à la réalisation d'une plus-value ; en effet, si un revêtement superficiel doit être apposé, cette solution a un coût beaucoup plus important que celui qui était prévu à l'origine, qui ne correspond pas à l'enveloppe financière fixée initialement par la commune ; la mise en place de ce revêtement permettra au maître d'ouvrage d'économiser le coût de l'entretien et de la réfection ultérieure des peintures ; le préjudice lié à la privation de jouissance doit être écarté, dès lors que les désordres n'ont pas empêché l'utilisation du théâtre, des programmations, ni sa fréquentation, ces défauts esthétiques du bâtiment étant seulement extérieurs ; la ville ne justifie pas d'un préjudice lié à la perte d'image ;
- contrairement à ce qu'a retenu l'expert, une responsabilité à hauteur du tiers ne saurait être mise à la charge du Bureau Véritas, dès lors que la responsabilité des désordres incombe à la société Debuschère, qui n'a pas réalisé ce qui était prévu au CCTP et à la maîtrise d'oeuvre, qui a ignoré les règles du DTU 42 ; Véritas n'était pas tenu à une présence régulière sur le chantier, ni à des contrôles exhaustifs n'ayant qu'une mission de prévention des aléas, aucune obligation de résultat ne pouvant lui être imposée ; en tout état de cause, aucune condamnation solidaire ne peut être prononcée à l'encontre de Véritas ; en cas de condamnation, Véritas demande à être garantie de ses condamnations par M. H..., la société JLCG-Arquitectos et la société Debuschère, dont les responsabilités ont été mises en évidence par le rapport d'expertise.
Par ordonnance du 11 mai 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juin 2016 à 12 heures.
Un mémoire a été produit le 23 avril 2018 pour la société Véritas, mais n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la commune de Poitiers, et de Me E..., représentant M. H...et la société JLCG Arquitectos.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Poitiers a attribué, par acte d'engagement du 26 février 2001, le marché de maîtrise d'oeuvre de la construction du théâtre-auditorium de Poitiers, à un groupement solidaire dont le mandataire était M. H.... Le contrôle technique de l'opération a été confié à la SA Bureau Véritas par un marché du 6 avril 2001. Le lot n° 21 " Peinture et revêtements muraux " a été attribué à la SA Debuschère par un marché du 12 juillet 2004. La réception de l'ouvrage a été prononcée avec réserves le 25 septembre 2008, avec effet au 3 septembre 2008. Des désordres étant apparus sur les façades, une expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers à la demande de la commune. L'expert a rendu son rapport le 15 février 2011. La commune de Poitiers a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, de condamner solidairement M.H..., la société JLCG-Arquitectos, la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère, et la SA Bureau Véritas à lui verser les sommes de 216 209,41 euros TTC et 30 000 euros, assorties des intérêts capitalisés à compter de l'introduction de la requête, au titre respectivement de malfaçons dans la réalisation de travaux de peinture du théâtre-auditorium et d'un préjudice de jouissance et d'image, d'autre part, de déterminer le solde du marché du lot n° 21 et de condamner solidairement les mêmes personnes à lui verser la somme de 245 440,84 euros TTC, assortie des intérêts capitalisés à compter de l'introduction de la requête, au titre du solde du marché de peintures. Par un jugement du 3 juin 2015, le tribunal administratif de Poitiers a établi le nouveau solde du lot n° 21 du marché, à une somme de 14 302,87 euros HT, soit 17 106,23 euros TTC en faveur de la commune, et a condamné la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère, à payer à la commune de Poitiers cette somme de 17 106,23 euros TTC. La commune de Poitiers fait appel de ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas satisfaction totale.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, la commune invoque l'irrégularité du jugement au motif que le tribunal administratif, en considérant que la liste des réserves détaillées dressée par zone et par lot, le 26 août 2008, ne pouvait être regardée comme constituant la liste des réserves dont la réception avait été assortie, aurait statué ultra petita, dès lors qu'aucun des défendeurs n'avait jamais contesté que cette liste avait été annexée au procès-verbal de réception et avait constitué la liste des réserves. La commune fait valoir qu'en soulevant ce moyen d'office, sans avoir mis les parties à même de le discuter sur le fondement de l'article R 611-7 du code de justice administrative, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Toutefois, le tribunal, en considérant au point 3 du jugement que " (...) si la maîtrise d'oeuvre a établi, le 26 août 2008, un état des travaux défectueux ou restant à finir et si ce document relève un nombre important de malfaçons à reprendre, la liste des réserves dressée le 19 septembre 2008 et annexée à la décision de réception des travaux de peinture, à supposer qu'elle puisse être regardée comme un procès-verbal au sens des dispositions du cahier des clauses administratives générales Travaux, se borne à mentionner des défauts de nettoyage, des raccords à faire et des locaux intérieurs non peints ; que, s'agissant des défauts à reprendre sur les peintures réalisées, le document produit à l'instance ne mentionne que des travaux à l'intérieur du bâtiment ; que les autres travaux, et notamment les peintures des façades, doivent ainsi être regardés comme réceptionnés avec effet rétroactif au 3 septembre 2008 (...) " n'a fait que rechercher dans les pièces du dossier, pour répondre au moyen invoqué par la commune au titre de la responsabilité contractuelle, les points sur lesquels selon le tribunal, des réserves avaient été apposées lors de la réception des travaux, sans aucunement soulever d'office un fondement juridique autre que celui qui avait été invoqué.
3. En deuxième lieu, la commune invoque la dénaturation des pièces du dossier par le tribunal administratif, en ce que le tribunal administratif a jugé que seule la liste établie le 19 septembre 2008 avait été annexée au procès-verbal de réception et pouvait donc être regardée comme constituant la liste des réserves émises lors de la réception. Mais, en tout état de cause, le moyen de la dénaturation n'affectant pas en appel la régularité du jugement, le moyen doit être écarté.
4. En troisième lieu, toujours au titre de la régularité du jugement, la commune invoque le fait qu'elle a produit devant le tribunal administratif une note en délibéré du 22 mai 2015, dans laquelle elle faisait valoir qu'aucun des défendeurs n'avait contesté que la liste des réserves comportant une partie dressée le 26 août 2008, avait été annexée au procès-verbal de réception des travaux et que l'expert avait également relevé l'existence de ces réserves. Mais compte tenu, comme il est susmentionné, qu'il appartenait au tribunal indépendamment des arguments des parties, de rechercher dans les pièces du dossier, les points sur lesquels des réserves avaient été apposées lors de la réception des travaux, le moyen invoqué dans la note en délibéré du 22 mai 2015, qui a été visée le tribunal administratif, ne justifiait pas une réouverture de l'instruction. Il résulte de ce qui précède, que les moyens invoqués tirés de l'irrégularité du jugement doivent être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le principe de la responsabilité contractuelle pour faute :
5. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves. En l'espèce, comme le fait valoir la commune de Poitiers, et ainsi qu'il résulte de l'instruction, notamment des documents produits en appel par la commune, la liste des réserves à laquelle renvoie la décision du maître d'ouvrage, du 25 septembre 2008, valant réception des ouvrages, doit être regardée comme constituée tant par les réserves figurant dans le procès-verbal du 26 août 2008, établi lors des opérations préalables à la réception, que dans le procès-verbal dressé le 19 septembre 2008, lors de la réception des travaux. Dans ces conditions, la commune de Poitiers est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que le procès-verbal de réception des travaux de peinture ne renvoyait qu'à la liste des réserves contenue dans le listing établi le 19 septembre 2008, et non à celle établie le 26 août 2008, pour en déduire que les malfaçons sur les travaux de peinture des façades du théâtre de Poitiers n'auraient pas fait l'objet de réserves contractuelles. Il résulte de ce qui précède que les désordres affectant les peintures des façades du théâtre de Poitiers se trouvaient au nombre des réserves présentées par le maître d'ouvrage lors de la réception des travaux, et la commune de Poitiers est donc en droit de demander la condamnation solidaire des constructeurs dont les fautes ont concouru au dommage.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le marché signé par l'entreprise Debuschere prévoyait un enduit PP 844 Sp et du MONOLASTEX RE (enduit 13) produit nécessaire à l'étanchéification du support béton et destiné à la prévention d'apparition de microfissures sur les façades. Il est constant, que comme l'indique notamment le document technique unifié, et comme le relève le rapport d'expertise, compte tenu des risques d'élévation de température affectant les peintures de teinte foncée, le produit d'étanchéification prévu contractuellement, le MONOLASTEX RE (enduit 13), était incompatible avec une teinte foncée, en particulier avec la peinture gris anthracite choisie par le maître d'oeuvre en cours d'exécution des travaux et qui différait de celle de la peinture gris aluminium qui était prévue dans les documents contractuels. Les architectes, M. H... et la société JLCG-Arquitectos en faisant le choix en cours de chantier, d'une peinture techniquement inadéquate, ce qu'ils ne pouvaient ignorer, ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité contractuelle. Ils ont également commis une faute pour ne pas s'être rendu compte que l'entreprise Debuschère avait utilisé un enduit de lissage et non le produit d'étanchéification enduit 13 prévu par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP). Par ailleurs, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'entreprise Debuschère, en sa qualité d'entreprise spécialisée en peinture, a, lorsqu'elle a eu connaissance de la proposition de changement du choix de couleur, manqué à son devoir de conseil en ne signalant pas à la maîtrise d'oeuvre l'impossibilité d'application d'une teinte foncée sur l'enduit MONOLASTEX RE (enduit 13) prévu par le CCTP. Elle a aussi commis une autre faute en substituant à l'enduit imperméabilisant, un enduit de lissage, inadéquat, sans prévenir le maitre d'ouvrage, les architectes ni le contrôleur technique (Véritas). En ce qui concerne la société Bureau Véritas, dont la commune de Poitiers demande également la condamnation, cette société fait valoir que les missions " L " relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables, " P 1 " relative à la solidité des équipements non indissociablement liés, et " PV " relative au récolement des procès-verbaux d'essais de réception des équipements et avis sur ces procès-verbaux, qui lui sont dévolues par l'acte d'engagement du 19 avril 2001, ne concerneraient que la solidité des éléments d'équipement dissociables, et non la question de l'application de l'enduit qui devait être appliqué avant peinture, dès lors que la peinture n'aurait qu'un rôle purement esthétique. Aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes. ". Dès lors que la question de l'application de l'enduit avant peinture, affecte l'étanchéité des bâtiments, elle relevait de la mission de contrôle " L " relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables, et la société Véritas n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'aucune faute contractuelle dans sa mission de contrôle, ne pourrait lui être opposée. En l'espèce, la société Véritas a commis une faute consistant à ne pas avoir signalé à la maîtrise d'oeuvre et au maître d'ouvrage le fait que le changement du choix de la couleur de la peinture avait pour conséquence l'impossibilité d'application de l'enduit MONOLASTEX RE, (enduit 13) prévu par le CCTP, nécessaire à l'étanchéification du support béton et visant à prévenir l'apparition de microfissures sur les façades en béton.
En ce qui concerne les préjudices :
7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres affectant sur une surface de 1 993 mètres carrés, la peinture notamment des façades du théâtre, s'élève selon le devis établi par la maîtrise d'oeuvre à la somme de 139 765,57 euros hors taxes, soit 167 718,57 euros toutes taxes comprises, correspondant à un coût de reprise des peintures égal à 83,87 euros le mètres carrés, cette solution permettant le maintien de la couleur gris anthracite souhaitée par la commune. Faute de contestation en défense, sur les surfaces, les techniques de réparation préconisées, et le coût unitaire au mètre carré figurant dans la solution proposée par la maîtrise d'oeuvre, il y a lieu de condamner solidairement M. H...la société JLCG-Arquitectos, la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère, et la société Bureau Véritas, à verser à la commune de Poitiers, la somme de 167 718,57 euros toutes taxes comprises, en réparation du préjudice relatif à la reprise des travaux de peinture. Si la commune de Poitiers demande également à être indemnisée des travaux de reprise de la peinture des murets et des cages d'escaliers, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux n'auraient pas déjà été compris dans le métré réalisé par l'architecte pour établir le devis, s'établissant, comme il est susmentionné, à la somme de 139 765,57 euros hors taxes, soit 167 718,57 euros toutes taxes comprises. La commune de Poitiers a également droit à la réparation des préjudices connexes, nécessités par la réalisation des travaux à effectuer pour remédier aux malfaçons, soit la somme de 7 500 euros afférente à la passation d'un nouvel appel d'offre, ainsi que les frais de maîtrise d'oeuvre correspondant à 14,25 % du montant des travaux qui s'élève à la somme de 25 930,18 euros toutes taxes comprises, les frais de contrôle technique d'un montant de 1 512 euros toutes taxes comprises. Le montant des sommes devant être mises à la charge des constructeurs s'élève donc à la somme totale de 202 660,75 euros toutes taxes comprises. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que malgré des désordres d'ordre esthétique ayant porté du fait de la mauvaise exécution des travaux de peinture, sur les façades du théâtre, contrairement à ce que soutient la commune, la fréquentation dudit théâtre en aurait été affectée. Dans ces conditions, et dès lors que par ailleurs, il est fait droit par le présent arrêt, au maintien demandé par la commune, de la peinture de type gris anthracite dans le cadre de la mise en oeuvre des travaux réparatoires, la commune n'est pas fondée à se prévaloir de l'existence d'un préjudice d'image et de jouissance, et les conclusions présentées à cet égard par la commune ne peuvent dès lors qu'être rejetées. Il résulte de ce qui précède que la commune de Poitiers est fondée à demander, au titre de la responsabilité contractuelle, la condamnation solidaire de la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère, M. H..., la société JLCG-Arquitectos et la société Bureau Véritas à lui payer la somme de 202 660,75 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 août 2012 et de la capitalisation des intérêts à compter du 14 août 2013. Compte tenu de ce que les conclusions présentées par la commune de Poitiers, tendant à l'engagement de la garantie décennale des constructeurs et à la responsabilité de l'entreprise Debuschère au titre de la garantie contractuelle de parfait achèvement, ne sont présentées par la commune de Poitiers qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ne retiendrait pas la responsabilité contractuelle des constructeurs, il n'y a pas lieu, compte tenu de ce qui précède, de répondre à ces conclusions.
Sur les frais d'expertise :
8. Les frais de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 4 021,04 euros TTC par une ordonnance du président du tribunal administratif de Poitiers du 22 février 2011 sont mis à la charge conjointe et solidaire de la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère, M.H..., la société JLCG-Arquitectos et la société Bureau Véritas.
Sur les conclusions d'appel en garantie :
9. En premier lieu, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des fautes respectives commises par les constructeurs, en décidant que M. H... et la société JLCG-Arquitectos devront être garantis des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 40 % par la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère, et à hauteur de 20 % par la société Bureau Véritas. La société Bureau Véritas sera garantie des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 40 % par M. H... et la société JLCG-Arquitectos et à hauteur de 40 % par la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère.
10. En second lieu, en ce qui concerne les conclusions d'appel en garantie présentées par M. H...et la société JLCG-Arquitectos contre M.A..., aux droits duquel vient la société CCE Associés, qui assurait les missions d'économiste au sein de la maîtrise d'oeuvre, ces conclusions contrairement à ce que soutient M.A..., relèvent de la compétence de la juridiction administrative dès lors que le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il résulte de l'instruction que la mission de M.A..., en sa qualité d'économiste consistant en la rédaction des pièces écrites des documents contractuels, notamment des devis, situations de travaux et décomptes, était étrangère au choix par les maîtres d'oeuvre d'une nouvelle teinte de peinture, ayant entraîné l'absence d'application de l'enduit d'étanchéification prévu contractuellement. Dans ces conditions, les conclusions d'appel en garantie présentées par M. H...et la société JLCG-Arquitectos contre M.A..., auquel vient aux droits la société CCE, ne peuvent être que rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : M. H..., la société JLCG-Arquitectos, la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère et la société Bureau Véritas sont condamnés solidairement à verser à la commune de Poitiers la somme de 202 660,78 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 août 2012 et de la capitalisation des intérêts à compter du 14 août 2013.
Article 2 : Les frais de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 4 021,04 euros TTC par une ordonnance du président du tribunal administratif de Poitiers du 22 février 2011 sont mis à la charge conjointe et solidaire de la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère, de M.H..., de la société JLCG-Arquitectos et de la société Bureau Véritas.
Article 3 : M. H... et la société JLCG-Arquitectos seront garantis de leur condamnation aux sommes mentionnées aux articles précédents à hauteur de 40 % par la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère, et à hauteur de 20 % par la société Bureau Véritas.
Article 4 : La société Bureau Véritas sera garantie de sa condamnation de la somme mentionnée aux articles 1 et 2 à hauteur de 40 % par M. H... et la société JLCG-Arquitectos et à hauteur de 40 % par la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère.
Article 5 : Le jugement n° 1202080 du 3 juin 2015 du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il est contraire à ce qui précède.
Article 6 : Le surplus de la requête de la commune de Poitiers et des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Poitiers, à M. D... H..., à la société JLCG-Arquitectos, à la société Bureau Véritas, à la SELARL Frédéric Blanc, ès qualités de liquidateur de la SA Debuschère, et à la société CCE Associés.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
M. Frédéric Faick, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 mai 2018.
Le rapporteur,
Pierre BentolilaLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au préfet de la Vienne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.
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N° 15BX02716