Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner une expertise à la suite de la décision du 10 décembre 2014 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Aquitaine a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service des douleurs ressenties à son avant-pied droit.
Par un jugement avant dire droit du 9 mai 2016, le tribunal administratif a ordonné une expertise médicale afin de déterminer si ces douleurs sont en rapport direct et certain avec l'accident de trajet dont l'intéressée a été victime le 15 janvier 2004.
A la suite du dépôt du rapport d'expertise, le 2 décembre 2016, Mme C...a demandé le 16 janvier 2017 au tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner une nouvelle expertise médicale.
Par un jugement n° 1500949 du 22 mai 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande et a mis à la charge, pour moitié de MmeC..., et pour moitié de l'Etat, les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 600 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2017, et des pièces complémentaires produites les 15 septembre, 23 novembre et 19 décembre 2017, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 mai 2017 ;
2°) d'ordonner une nouvelle expertise et de la confier à un médecin autre que le docteur Facchini ou, à défaut, de dire que les difficultés rencontrées au niveau de son membre inférieur droit, notamment l'apparition du syndrome de Morton, sont liées à l'accident de trajet dont elle a été victime le 15 janvier 2004 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la cour devra considérer le jugement attaqué comme entaché d'irrégularité s'il s'avère qu'elle-même et/ou son avocat n'ont pas été convoqués à l'audience qui s'est tenue le 2 mai 2017 ;
- elle souffre depuis treize années des séquelles de l'accident de service survenu le 15 janvier 2004 ; le docteur Blaquière a d'ailleurs conclu, à l'issue de l'examen médical pratiqué le 16 mai 2017 à la demande de l'administration, qu'elle devrait bénéficier d'un congé de longue maladie compte tenu de l'évolution prévisible de la pathologie dont elle souffre ;
- les deux rapports d'expertise réalisés par le docteur Facchini, expert judiciaire désigné par le tribunal administratif, se révèlent contradictoires ; le second rapport a été établi à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas eu communication des éléments remis à l'expert par le médecin de son employeur, lesquels ont pourtant entraîné le changement d'avis du docteur Facchini ; ce médecin a rédigé son premier rapport, qui lui était favorable, au vu de son entier dossier médical ; il ne ressortait d'aucune des pièces médicales que le syndrome de Morton serait lié à son diabète ; il s'agirait plutôt d'un problème mécanique puisqu'elle ne souffrait d'aucun traumatisme des pieds avant son accident ;
- eu égard à la contradiction entre les deux expertises, il appartenait aux premiers juges d'en ordonner une troisième, d'autant qu'ils ont considéré le rapport d'expertise comme un simple élément d'information ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté la demande d'imputabilité au service des souffrances endurées ; les expertises réalisées ne précisent pas l'origine du syndrome de Morton dont le diagnostic s'avère en général tardif par rapport à l'élément déclencheur ; dans son rapport du mois de septembre 2016, l'expert admet que la survenue de cette pathologie sur le pied droit peut être mise en relation avec l'accident de 2004 ; l'apparition des mêmes troubles sur le pied gauche ne saurait remettre en question cette analyse ; il serait opportun de déterminer si les douleurs de ce pied ne sont pas également liées au traumatisme subi en 2004, en ce qu'il a nécessité une immobilisation prolongée ainsi que l'utilisation de béquilles.
Par le mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2017, le ministre du travail conclut au rejet de la requête de MmeC....
Il fait valoir que :
- le jugement indique que les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
- le rapport d'expertise du 16 mai 2017 du docteur Blaquière, dont se prévaut Mme C..., ne reconnaît pas de lien direct et certain entre ses douleurs à l'avant-pied droit et l'accident de trajet survenu le 15 janvier 2004 ; il a été réalisé dans le cadre de l'attribution à l'intéressée d'un congé de longue maladie et non de la réouverture du dossier d'accident de service à la suite de ses diverses rechutes ; ce même médecin a d'ailleurs considéré, dans un rapport émis le 21 septembre 2017, que sa pathologie actuelle ne pouvait être rattachée à sa fracture de la malléole droite survenue 13 ans plus tôt ;
- l'existence de rapports d'expertise contradictoires peut être justifiée par la production d'éléments nouveaux, tels que des IRM ; la requérante ne saurait en tout état de cause se substituer à l'avis d'un expert judiciaire ;
- des expertises ont été menées par trois médecins différents qui ont tous conclu à l'inexistence d'un lien direct entre les troubles invoqués par Mme C...et son accident de trajet ; les très nombreux examens médicaux pratiqués, tous communiqués aux médecins agréés de l'administration et aux experts, ne démontrent pas de lien de causalité entre le syndrome de Morton et l'accident survenu en 2004.
Par ordonnance du 22 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 11 janvier 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., qui exerce ses fonctions à l'unité territoriale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Aquitaine en qualité d'agent administratif, a été victime, le 15 janvier 2004, d'un accident de trajet à la suite duquel ont été diagnostiqués une fracture de la malléole interne de la cheville droite, trois plaies aux deux genoux et un léger hématome temporal gauche. Cet accident a été reconnu imputable au service. La date de consolidation de l'état de santé de l'intéressée a été fixée au 22 mars 2006 et le taux de son incapacité permanente partielle à 5 %. En 2014, la requérante a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de nouvelles douleurs ressenties au niveau de son avant-pied droit, en soutenant qu'elles étaient imputables à l'accident de trajet initial. Sa demande a été rejetée par une décision du 10 décembre 2014 de son employeur. Par un jugement du 9 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux, avant dire droit, a ordonné une expertise médicale afin de déterminer si les troubles à l'avant-pied droit dont elle souffre sont en rapport direct avec l'accident de service survenu le 15 janvier 2004. Mme C...relève appel du jugement du 22 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a, à la suite du dépôt du rapport de l'expert, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2014 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Aquitaine a rejeté sa demande d'imputabilité au service des douleurs susévoquées.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...). / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme C...a été avisée, par lettre recommandée du 27 décembre 2016 dont elle a accusé réception le 5 janvier 2017, de la date de l'audience du tribunal administratif de Bordeaux, prévue le 23 janvier 2017. De même, son avocat, qui s'est constitué le 16 janvier 2017, s'est présenté à l'audience. Cependant, à la suite d'une demande de pièces complémentaires adressée par le tribunal le 27 janvier 2017 afin de compléter l'instruction, ce dossier a fait l'objet d'une seconde mise au rôle le 2 mai 2017. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance transmis à la cour, ni même de la consultation de Sagace ou de l'application " télérecours ", que les parties aient été convoquées à cette seconde audience qui s'est tenue le 2 mai 2017. Ainsi, Mme C...n'ayant pas été présente ni représentée à cette audience, elle est fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation.
4. Il y a lieu de statuer immédiatement, par voie d'évocation, sur la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Sur la régularité de l'expertise :
5. Aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative : " Les parties sont averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise ; cet avis leur est adressé quatre jours au moins à l'avance, par lettre recommandée. / Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport. ".
6. Pour contester la régularité de l'expertise, Mme C...fait valoir que le dire du 7 octobre 2016 émanant de son employeur, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Nouvelle-Aquitaine, ne lui a pas été communiqué. Cependant, il ressort du second rapport en date du 12 octobre 2016 soumis au contradictoire que le contenu de ce dire y a été entièrement retranscrit et que l'expert a répondu point par point aux questions qu'il soulevait. Ainsi, la requérante a pu faire connaître ses observations avant la remise du rapport final daté du 30 novembre 2016, en se prévalant en particulier d'un courrier émanant du docteur Péan, expert près la cour d'appel de Bordeaux. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'expertise ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 10 décembre 2014 :
7. Il ressort des divers documents médicaux versés au dossier que le pied droit de Mme C... a subi un choc au cours de l'accident de service survenu le 15 janvier 2004. Si cette circonstance rend plausible l'existence de micro-traumatismes susceptibles d'être à l'origine des troubles douloureux de l'intéressée, il résulte de l'instruction que la requérante se plaint également désormais de douleurs au niveau de son pied gauche, lequel n'avait pourtant souffert d'aucun traumatisme particulier. Selon les résultats d'examens médicaux, et en particulier les IRM pratiquées les 23 et 26 septembre 2016, les souffrances ressenties aux deux pieds de l'intéressée sont provoquées par l'existence de névromes de Morton. Dès lors, et comme l'a relevé l'expert judiciaire, la pathologie présentée par MmeC..., en raison de son caractère bilatéral, ne saurait être regardée comme ayant un rapport direct et certain avec l'accident survenu le 15 janvier 2004. En outre, Mme C...ne peut utilement se prévaloir de l'expertise médicale effectuée le 16 mai 2017, à la demande de son employeur, par le docteur Blaquière, laquelle porte sur la possibilité de lui attribuer un congé de longue maladie mais ne se prononce pas sur l'origine de ses douleurs. Dans ces conditions, c'est à bon droit que, par la décision attaquée du 10 décembre 2014, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Aquitaine a rejeté la demande de Mme C...tendant à ce que ses douleurs ressenties à son avant-pied droit soient regardées comme étant imputables à l'accident de trajet dont elle a été victime.
8. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme C...n'est pas fondée à solliciter une nouvelle expertise médicale ni à demander l'annulation de la décision du 10 décembre 2014.
Sur les dépens :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif et s'élevant à la somme de 600 euros à la charge pour moitié de Mme C...et pour moitié de l'Etat.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500949 du 22 mai 2017 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 600 euros, sont mis à la charge pour moitié de Mme C...et pour moitié de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 juin 2018.
Le rapporteur,
Sabrina LADOIRELe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX02313