Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1705098 du 19 février 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 mars 2018, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étranger malade " ou " salarié ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle est fondée sur un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé vingt mois plus tôt ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il ne démontre pas que le système de santé en Géorgie lui offrirait un traitement approprié ; il est atteint de troubles anxio-dépressifs sévères, d'origine post-traumatique, en relation avec les souffrances endurées dans son pays d'origine et qui nécessitent le maintien du lien thérapeutique établi en France ;
- le préfet aurait dû lui délivrer une autorisation de travail sur le fondement des articles L. 313-10 1° et L. 313-14 du même code tel qu'interprétés par la circulaire du 28 novembre 2012 dès lors qu'il vit en France depuis plus de 5 ans, justifie de douze bulletins de salaire sur les 24 derniers mois, et d'une promesse d'embauche établie par l'EURL Sivri, toujours en activité, pour un poste de peintre en bâtiment ; la seconde promesse d'embauche émane de la société SRE qui est également toujours en activité ; malgré l'avis de la DIRECCTE, la situation de l'emploi ne pouvait lui être opposée ; ainsi, les deux décisions des 8 août 2016 et 28 juin 2017 lui refusant les autorisations de travail sollicitées sont illégales et ne sauraient donc fonder la décision de refus de séjour attaquée, du 26 octobre 2017 ;
- le refus méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il réside en France depuis 2008 et qu'il y a construit une vie privée.
Par ordonnance du 4 avril 2018 la clôture d'instruction a été fixée au 11 mai 2018 à 12h00.
Par un mémoire enregistré le 14 mai 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête de M.C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridictionnelle.
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- les observations de MeB..., représentant M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant géorgien, déclare être entré en France le 25 septembre 2008. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), le 27 mars 2009, il a bénéficié, à compter du 29 octobre 2013, d'un titre de séjour pour raison de santé, régulièrement renouvelé jusqu'au 28 octobre 2015. Le 14 septembre 2015, il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour et la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 26 octobre 2017, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire en fixant le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement du 19 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ".
3. D'une part, pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M.C..., le préfet de la Gironde s'est notamment fondé sur l'avis rendu le 2 février 2016 par le médecin de l'agence régionale de santé indiquant que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existait, dans son pays d'origine, un traitement approprié pour sa prise en charge. Le requérant soutient que le préfet ne pouvait néanmoins se fonder sur cet avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé le 2 février 2016, soit vingt mois plus tôt, et qu'il aurait dû le consulter de nouveau. Toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'état de santé de l'intéressé aurait évolué entre le 2 février 2016 et l'édiction de l'arrêté attaqué, le 26 octobre 2017. Aussi, en l'absence d'éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause le sens de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet a pu régulièrement se prononcer sur la demande de l'intéressé sans procéder à une nouvelle consultation de cette autorité. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
4. D'autre part, si le requérant verse au dossier plusieurs certificats médicaux, dont ceux émanant du Docteur Gaussares, psychiatre, établis les 24 mai 2011, 19 avril 2012 et 18 juin 2013, un certificat du Docteur Finckh, psychiatre, en date du 11 mai 2011, un certificat du Docteur Léal, médecin généraliste, du 21 juillet 2011, ainsi qu'un certificat établi par le Docteur Jezequel le 16 décembre 2015, lequel avait été transmis à l'agence régionale de santé dans le cadre de sa demande de titre de séjour, ces documents médicaux sont anciens et n'apportent aucune précision sur l'état de santé du requérant à la date de la décision attaquée ni sur l'existence d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, ces éléments ne sont pas de nature à contredire utilement l'avis du médecin de l'agence régionale de santé qui a estimé que le défaut de sa prise en charge médicale ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe, dans son pays d'origine, un traitement médical approprié à sa pathologie. Si l'intéressé soutient que ses troubles psychiatriques seraient liés aux évènements vécus en Géorgie, il n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation alors au demeurant que la demande d'asile qu'il avait présentée a été rejetée par une décision de l'OFPRA qu'il n'a pas contestée. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Gironde n'a ni fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la demande : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois (...) ". Aux termes de l'article L. 341-2 du code du travail, devenu l'article L. 5221-2 : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ".
6. Le requérant excipe de l'illégalité des rejets de ses demandes d'autorisation de travail présentées sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. En l'occurrence, le refus de séjour contesté n'a pas été pris pour l'application des refus d'autorisation de travail opposés les 8 août 2016 et 28 juin 2017, et motivés au demeurant par le fait que les entreprises ayant sollicité ces autorisations n'avaient pas répondu aux demandes de compléments d'informations que leur avait adressées la DIRECCTE, et n'en constitue pas la base légale. Par suite, l'exception tirée de l'illégalité de ces refus d'autorisation de travail ne peut être accueillie.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".
8. D'une part, M. C...ne peut utilement invoquer la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 susvisée, dès lors que les critères de régularisation y figurant ne présentent pas le caractère de lignes directrices susceptibles d'être invoquées mais constituent de simples orientations pour l'exercice, par le préfet, de son pouvoir de régularisation. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance par la décision attaquée des énonciations de cette circulaire ne peuvent qu'être écartés.
9. D'autre part, M. C...soutient qu'il réside en France depuis plus de neuf ans à la date de la décision attaquée et qu'il justifie de vingt-deux bulletins de salaire d'un montant supérieur au revenu minimum de croissance entre le mois de février 2013 et le mois d'avril 2016, ainsi que d'une promesse d'embauche. Toutefois, en estimant qu'il ne justifiait d'aucune circonstance exceptionnelle, ni d'aucun motif humanitaire, le préfet n'a pas entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En dernier lieu, l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. M.C..., s'il soutient qu'il réside en France depuis plus de neuf ans, ne produit aucun élément de nature à établir l'existence des liens personnels qu'il aurait tissés sur le territoire national. Il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident son épouse, ses enfants et ses parents et où il a lui-même séjourné durant au moins vingt-neuf ans. La seule circonstance qu'il ait travaillé en France ne lui ouvre pas droit au séjour. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
12. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction et d'astreinte, et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 juin 2018.
Le rapporteur,
Sabrina LADOIRELe président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01149