Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 29 novembre 2017, par lequel le préfet du Tarn lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, et a fixé le pays de renvoi, et l'arrêté du 22 mars 2018 par lequel il a prononcé son assignation à résidence.
Par un jugement n° 1800007 du 27 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 29 novembre 2017 en tant qu'il a fait obligation à M. C...de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, et la décision du 22 mars 2018 par laquelle il a prononcé son assignation à résidence.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 avril 2018, le préfet du Tarn demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800007 du 27 mars 2018 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Toulouse.
Il soutient que :
- M. C...n'étant pas lié par un lien matrimonial avec MmeA..., le tribunal aurait dû appliquer les dispositions du 1 de l'article R. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non l'article R. 121-1 alors inapplicable ; en vertu du 3° de l'article R. 121-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la qualité de membre de famille de M. C...ne pouvait être déduite du seul fait que ce dernier était titulaire d'un titre de séjour portugais, comme l'a pourtant estimé le tribunal, alors au surplus qu'il avait obtenu cette carte en raison de son mariage avec une ressortissante portugaise autre que MmeA..., avec laquelle il n'établit d'ailleurs pas l'ancienneté de sa relation ;
- la subordination de la délivrance d'une carte de séjour à une entrée régulière a été infirmée par la Cour de justice de l'Union européenne ; ainsi, en estimant que le séjour régulier de l'intéressé pendant trois mois sous couvert de sa carte portugaise en qualité de membre de famille d'européen lui permettait d'obtenir un droit au séjour, le tribunal a commis une erreur de droit ;
- l'arrêté est suffisamment motivé ;
- Mme A...n'exerce aucune activité professionnelle en France et ne démontre pas avoir des ressources suffisantes ; n'étant pas marié, l'intéressé ne peut être regardé comme un conjoint d'européen au sens de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; enfin, M. C...et Mme A...ne sont pas liés par un pacte civil de solidarité et n'établissent pas la réalité, la durée, ni la stabilité de leur relation conjugale, à défaut notamment de justifier de leur communauté de vie ;
- cette décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que sa compagne, qui ne travaille pas en France, pourra repartir avec lui hors de France, notamment au Portugal, pays dont elle a la nationalité ;
- la carte de résident permanent au Portugal ne vaut pas visa de long séjour dès lors qu'elle ne correspond pas au spécimen des cartes " longue durée UE " établi par la directive 2011/51/EU ;
- sa promesse d'embauche portait sur un contrat à durée déterminé limité à deux mois et vingt jours ; il n'avait d'ailleurs aucune qualification dans les métiers de la sylviculture et n'a trouvé cet emploi que par ses relations familiales, et non ses compétences ;
- M. C...n'ayant pas d'activité professionnelle ni de contrainte personnelle, en lui enjoignant de se présenter trois fois par semaine aux services de police du commissariat d'Albi pendant quarante-cinq jours, le préfet n'a pas entaché l'appréciation de la situation de l'intéressé d'une erreur manifeste ;
- le moyens tiré de l'insuffisante motivation de la décision ayant prononcé son assignation à résidence et celui tiré du défaut d'examen particulier de sa situation avant l'édiction de cette décision manquent en fait ;
- cette décision n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 mai 2018, M.C..., représenté par Me Peter, demande à la Cour de rejeter la requête du préfet du Tarn, subsidiairement d'annuler les décisions préfectorales des 29 novembre 2017 et 22 mars 2018 et d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ou, plus subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il existe un droit inconditionnel au séjour de trois mois en faveur des ressortissants européens et de leur entourage sur le fondement de l'article R. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur présentation d'un titre de séjour en cours de validité ; la directive européenne du 11 mai 2011 déterminant le spécimen des cartes " longue durée UE " n'a été transposée au Portugal que par une loi du 9 août 2012 et un décret du 18 mars 2013, alors que la carte de résident portugais lui a été délivrée le 15 juin 2011 ;
- comme l'ont relevé les premiers juges, la motivation de l'arrêté ne permettait pas d'établir que le préfet avait examiné la possibilité de l'admettre exceptionnellement au séjour, au titre du travail ; le préfet continue à ignorer les autres promesses d'embauche produites par l'intéressé, en particulier celle pour un contrat à durée indéterminée en qualité de sylviculteur ; le préfet n'a pas non plus tenu compte du contexte de la demande caractérisé par les difficultés de recrutement auxquelles était confrontée l'entreprise ni des nombreuses démarches administratives qu'elle avait accomplies ;
- la mesure d'éloignement est insuffisamment motivée dans la mesure où elle ne précise pas le contenu des textes visés ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il entretient avec Mme A...une relation depuis le mois d'octobre 2016, ainsi qu'en attestent leurs amis ; ils résident en France ensemble, chez les parents de sa compagne ; il s'est intégré en France comme le montrent les promesses d'embauche dont il se prévaut ; il n'a plus de lien personnel en Angola dès lors qu'il réside au Portugal depuis le mois de mai 1981, et a passé son enfance dans un orphelinat ; s'il avait épousé une ressortissante portugaise en 2005, aucun enfant n'est né de cette union et ils se sont d'ailleurs séparés en 2015, leur divorce ayant été prononcé le 19 octobre 2017 ; le centre de ses intérêts personnels et professionnels se situe désormais en France où il a tissé des liens forts avec les parents de sa compagne et leur entourage ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; son curriculum vitae démontre qu'il a également occupé des postes d'encadrement dans des domaines variés, ce qui témoigne de sa polyvalence et de sa capacité d'intégration ; son expérience en boulangerie se limitait à une expérience au sein d'une usine ; enfin, les statistiques établies par pôle emploi montrent que le département du Tarn présente un taux de 100% de difficultés à recruter des sylviculteurs alors que la moyenne régionale est de 71%, et la moyenne nationale de 54,50 % ;
- la décision d'assignation à résidence est insuffisamment motivée ; Elle ne précise pas en quoi M. C...présenterait un risque de soustraction à ses obligations administratives alors qu'il réside à la même adresse depuis son arrivée sur le territoire national, où il a d'ailleurs reçu l'ensemble des documents afférents à sa situation administrative ainsi que ses promesses d'embauche ; il a répondu à toutes les convocations qui lui ont été adressées ; le préfet n'a pas non plus indiqué en quoi son éloignement demeurerait une perspective raisonnable alors qu'il justifie de sa vie familiale en France et de son intégration, notamment au plan professionnel ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par ordonnance du 30 avril 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 juin 2018 à 12h00.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 juin 2018 du Tribunal de grande instance de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) N° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- et les observations de Me Peter, représentant M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant angolais, est titulaire d'une carte de " résidence permanente " portugaise valable jusqu'au 24 avril 2021. Il a quitté le Portugal et est entré en France le 20 août 2017 avec sa compagne, une ressortissante portugaise. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié le 26 septembre 2017, en se prévalant d'une promesse d'embauche. Par un arrêté du 29 novembre 2017, le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par décision du 22 mars 2018, le préfet du Tarn a également prononcé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, en lui enjoignant de se présenter les lundi, mercredi et vendredi aux services de police d'Albi. Par un jugement n° 1800007 du 27 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, statuant selon la procédure prévue au III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a annulé l'arrêté du 29 novembre 2017 en tant qu'il a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, ainsi que, en conséquence, la décision du 22 mars 2018 par laquelle le préfet du Tarn a prononcé son assignation à résidence. Le préfet du Tarn relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté :
2. Pour annuler la mesure d'éloignement en litige, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a estimé, d'une part, que le préfet avait opposé à tort à M. C... l'absence de visa de long séjour, et d'autre part, qu'il n'avait pas procédé à un examen réel et sérieux de la possibilité de l'admettre exceptionnellement en France sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à défaut d'avoir pris en considération son expérience, sa polyvalence, les caractéristiques de l'emploi auquel il avait postulé et les besoins locaux avérés de main-d'oeuvre dans le secteur d'activité considéré. Le magistrat a ainsi estimé, en retenant ces deux motifs, que M. C...était fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour et a prononcé l'annulation de la mesure d'éloignement prise à son encontre et de la mesure d'assignation à résidence.
3. Dans sa requête d'appel, le préfet du Tarn se borne à contester le premier motif d'annulation retenu par le tribunal et tiré de ce qu'il aurait opposé à tort à M. C...l'absence de production d'un visa de long séjour, mais il ne conteste pas le second motif tiré de l'absence d'examen réel et sérieux de la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par l'intéressé sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, ce second motif entraînait également, à lui seul, l'annulation de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de l'intéressé.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le bien-fondé du premier moyen d'annulation retenu par le tribunal, que le préfet du Tarn n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions du 29 novembre 2017 faisant obligation à M. C...de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et la décision du 22 mars 2018 ayant prononcé son assignation à résidence.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. En application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Peter, avocat de M.C..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Tarn est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me B...Peter une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet du Tarn et Me Peter.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 juillet 2018.
Le rapporteur,
Sabrina LADOIRELe président,
Laurent POUGETLe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.
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N° 18BX01479