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25/09/2018 | FRANCE | N°16BX02332

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2018, 16BX02332


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...et Mme D...C...ont demandé au tribunal administratif de Pau la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1402085 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 15 juillet 2016 et le 8 août 2018, M. E...A...et Mme D...C..., représentés par MeB..., demandent

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 19 mai 2016 ;

2°) de p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...et Mme D...C...ont demandé au tribunal administratif de Pau la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1402085 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 15 juillet 2016 et le 8 août 2018, M. E...A...et Mme D...C..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 19 mai 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des suppléments d'imposition en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition, que :

- l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle s'est poursuivi au-delà du délai d'un an prévu par l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ; M. A...n'a été destinataire ni de l'avis de vérification ni de la proposition de rectification ; l'administration n'a pas tenu compte du fait qu'il a quitté le domicile conjugal en 2010, a été incarcéré du 5 décembre 2011 au 18 février 2013 et de ce que le divorce a été prononcé le 11 mars 2014 avec effet au 31 décembre 2010 ;

- ils n'ont pas bénéficié du délai de trente jours pour répondre à la demande de renseignements adressée par le vérificateur ; ainsi, la garantie prévue par l'article L. 11 du livre des procédures fiscales n'a pas été respectée ;

- le vérificateur n'a pas organisé un débat contradictoire avec les requérants avant d'émettre la proposition de rectification ;

- la proposition de rectification du 19 avril 2013 ne comporte aucune information sur l'origine et la teneur des renseignements et documents que le vérificateur a obtenus auprès de tiers ; l'administration n'a pas non plus communiqué aux requérants ces documents et renseignements avant la mise en recouvrement des impositions ; les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'ont pas été respectées, d'autant que M. A...n'a pas été destinataire de la proposition de rectification ; c'est à tort que le tribunal administratif a écarté le moyen ainsi soulevé au motif que chaque époux a qualité pour suivre les procédures relatives aux impositions communes ; ainsi, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel a jugé, dans sa décision du 4 décembre 2015, que lorsque deux personnes auparavant soumises à imposition commune font l'objet d'une imposition distincte à la date de notification de l'avis de mise en recouvrement d'impositions supplémentaires établies sur les revenus perçus au cours de la période d'imposition commune, la garantie du droit au recours effectif impose que chacune d'elle soit mise à même d'exercer son droit de former une réclamation contentieuse dès lors qu'elle a informé l'administration du changement de sa situation matrimoniale ; il en résulte que l'avis de mise en recouvrement aurait dû être notifié à chacun des deux requérants ;

Ils soutiennent, en ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses, que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'il leur incombait d'établir l'exagération des bases des impositions litigieuses dès lors qu'ils ont bien contesté la proposition de rectification dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales ;

- ils ont produit des pièces établissant que M. A...a bénéficié de remboursements de frais et de compte courant qui ne constituent pas des revenus imposables.

Par des mémoires en défense, présentés le 12 janvier 2017 et le 17 août 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir, en ce qui concerne la procédure d'imposition, que :

- en vertu des articles 6 du code général des impôts et L. 54 A du livre des procédures fiscales, chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'imposition commune due à raison des revenus du foyer ;

- Mme C...a reçu le 16 juillet 2012, l'avis de vérification établi au nom des époux ; M. A...a reçu le 2 octobre 2012 un courrier d'information contenant l'avis de vérification ainsi qu'une demande de renseignement à laquelle il a répondu le 23 novembre 2012 ; Mme C...a reçu le 25 avril 2013 la proposition de rectification du 19 avril 2013 ; ce document, qui marque la fin du contrôle, doit être considéré comme ayant également été porté à la connaissance de M.A... ; par suite, le moyen tiré de ce que l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle des requérants aurait excédé le délai d'un an prévu par l'article L. 12 du livre des procédures fiscales manque en fait ;

- le vérificateur a pu rencontrer Mme C...au cours du contrôle et cette dernière lui a fourni des informations relatives à la période vérifiée ; des échanges par courriers ont également eu lieu entre l'administration et M.A... ; il en résulte que les exigences du caractère contradictoire de la procédure de contrôle ont été respectées ;

- la proposition de rectification énonce clairement les motifs des redressements envisagés ; quant aux documents dont l'administration a eu connaissance auprès de tiers, ils concernent la société Coulaoun et sont sans rapport avec l'examen de la situation fiscale personnelle des requérants ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales est donc inopérant ;

Il fait valoir, en ce qui concerne le bien-fondé de l'impôt, que :

- les salaires rehaussés concernent ceux de M.A..., ce dernier les ayant perçus de la société To Soft dont il était le directeur général ; les rehaussements résultent de la différence entre les revenus déclarés et le montant des crédits bancaires figurant sur les comptes de M. A... ;

- les pièces fournies par les requérants ne permettent pas d'établir que les sommes en litige correspondraient à des remboursements de frais divers non imposables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E...A...et Mme D...C..., ex-épouseA..., ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2010 et 2011. A l'issue de ce contrôle, l'administration a réintégré dans leurs revenus imposables les salaires perçus en 2010 par M. A...en sa qualité de directeur général de la société Open To Soft. Il en est résulté pour M. A...et pour Mme C...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dont ils ont demandé la décharge au tribunal administratif de Pau. M. A...et Mme C... relèvent appel du jugement rendu le 19 mai 2016 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " 1. Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels (...) les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles (...) ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention " Monsieur ou Madame " (...) ". Aux termes de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales : " (...) chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre. ".

3. Il résulte des dispositions des articles 6-1 du code général des impôts et L. 54 A du livre des procédures fiscales que chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer et que les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont de plein droit opposables à l'autre. Le législateur a ainsi entendu donner à chacun des époux qualité pour suivre les procédures relatives à l'imposition commune due à raison de l'ensemble des revenus du foyer, même si, à la date du contrôle, les intéressés sont désormais séparés ou divorcés.

4. L'article L. 54 A du livre des procédures fiscales institue ainsi, entre les personnes soumises à imposition commune, une présomption irréfragable de représentation mutuelle pour la procédure de contrôle de l'impôt dû au titre des revenus perçus au cours de la période d'imposition commune. Cet article L. 54 A a fait l'objet d'une réserve d'interprétation de la part du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2015-503 QPC du 4 décembre 2015, laquelle ne concerne néanmoins que les impositions établies à compter de la date de ladite décision, ce qui n'est pas le cas des impositions en litige. Par suite, et en tout état de cause, les requérants ne sauraient contester la constitutionnalité de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales à l'appui de leurs conclusions à fin de décharge.

5. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas respecté le délai de trente jours prévu par l'article L. 11 du livre des procédures fiscales au profit du contribuable destinataire d'une demande de renseignement n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " (...) l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu (...) A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal. Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. (...) ".

7. Les requérants se sont mariés le 13 mars 2010 puis se sont séparés le 1er mars 2011, leur divorce ayant été prononcé par un jugement du tribunal de grande instance de Bayonne du 11 mars 2014 dont les requérants soutiennent qu'il fixe sa date d'effet au 31 décembre 2010. L'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle que l'administration a engagé à l'encontre des requérants, en 2012, couvre la période d'imposition commune à ces derniers allant du 13 mars 2010 au 31 décembre 2010.

8. Il résulte de l'instruction que l'avis d'examen de situation fiscale personnelle, établi au nom des deux époux, a été réceptionné par Mme C...le 16 juillet 2012. La proposition de rectification établie le 19 avril 2013 également au nom des deux époux, et qui marque la fin de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, a été notifiée à Mme C...le 25 avril 2013. Au regard de ces actes, qui sont opposables de plein droit à M. A...conformément à l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales, la durée du contrôle n'a pas excédé le délai d'un an prévu par les dispositions précitées de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales.

9. En quatrième lieu, les requérants soutiennent qu'ils n'ont pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire durant l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle et que l'administration ne leur a pas communiqué l'origine et la teneur des renseignements qu'elle a obtenus auprès de tiers en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Toutefois, à l'appui de ces moyens, les requérants ne se prévalent, devant la cour, d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à leur argumentation devant les premiers juges. Par suite, ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal administratif de Pau.

Sur le bien-fondé des impositions :

10. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. ". Aux termes de l'article 82 du même code : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits (...) ". Aux termes de l'article 83 dudit code : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées (...) : (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. ".

11. A l'issue de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle des requérants, l'administration a imposé dans la catégorie des traitements et salaires la somme de 278 219 euros perçue en 2010 par M. A...de la société Open To Soft dont il était le directeur général. Ce rehaussement correspond à la différence que l'administration a constatée entre, d'une part, les sommes déclarées par la société à titre de salaires versés à M. A...et les revenus déclarés par ce dernier et, d'autre part, le montant des crédits bancaires figurant sur les comptes de l'intéressé.

12. Les documents produits par les requérants tels que des notes de frais, un relevé de compte Air France ou encore un document intitulé " liste opérations banque enregistrées sur le compteA... " ne permettent pas de distinguer l'existence de dépenses de nature professionnelle exposées par M. A...pour le compte de sa société. C'est, par suite, à juste titre que le tribunal a jugé que " ces documents n'apportent aucune information sur le contexte dans lequel ces dépenses sont intervenues, permettant de justifier de leur intérêt pour l'activité de la société ". Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a regardé la somme de 278 219 euros en litige comme un revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l'année 2010.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...et de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A..., à Mme D...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 28 août 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2018.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02332
Date de la décision : 25/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELARL ACTE AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-09-25;16bx02332 ?
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