Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société D...France a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôts sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 mars 2011 ainsi que des pénalités y afférentes.
Par une demande distincte, M. A...D...et Mme B...D...ont demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1301738, 1301743 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 16BX02569 le 1er août 2016, MmeD..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 juin 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2011 ainsi que des pénalités afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'administration a considéré que les frais engagés dans différents déplacements, cadeaux, magazines et frais de prospection et d'entretien d'espaces verts n'étaient pas dans l'intérêt de la société dont son mari était le gérant et dans laquelle elle exerçait en tant que cadre : les déplacements au Cap d'Agde avec son époux leur permettaient en effet d'inviter des clients les week-end dans un cadre purement professionnel et sont ainsi engagés dans l'intérêt de l'entreprise ;
- la liste intégrale des clients bénéficiaires de cadeaux de l'entreprise a été produite à l'administration ;
- les frais liés au " Club 41 " leur permettaient de susciter de nombreuses rencontres professionnelles et relèvent également de dépenses engagées dans l'intérêt de l'entreprise ;
- les frais de documentation correspondent à des lectures laissées dans le hall de réception pour les clients ;
- les factures " le Clos des Cèdres " et " Menu culture " résultent de l'entretien des espaces verts autour du siège de l'entreprise nécessaire au regard des espaces à entretenir ;
- par ailleurs, il appartient à l'administration de produire les factures de la société Sirmet relatives aux ventes de métaux non comptabilisées dont elle fait état ; à défaut, elle n'établit pas la réalité de ces ventes ;
- la pénalité de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la preuve que les frais de voyages et de déplacements, les frais de réception et de documentation seraient engagés dans l'intérêt de l'entreprise n'est pas établie ; en particulier, la liste des bénéficiaires des cadeaux offerts par l'entreprise n'a jamais été communiquée ; les abonnements à des magazines ont été adressés au nom de M. et Mme D...et non à celui de l'entreprise ; il n'est nullement établi que les frais de déplacement au Cap d'Agde, où les époux D...sont propriétaire d'un appartement, sont d'origine professionnelle ; le service a établi que les frais engagés au " Club 41 " pendant les week-end ne sont pas d'origine professionnelle ;
- le bénéficiaire des ventes de déchets de métaux non comptabilisés est la société Sirmet ainsi que l'ont confirmé la société Sirmet et M.D... lui-même ;
- les pénalités sont justifiées dès lors que l'ancien dirigeant de la société ne pouvait ignorer qu'il bénéficiait à titre personnel de dépenses comptabilisées en charge et, en outre, qu'il a appréhendé des produits non déclarés.
Par ordonnance du 2 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 5 décembre 2017 à 12 heures.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 16BX02688 le 5 août 2016, la sociétéD... France, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 juin 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2008 à 2011 et de la période du 1er janvier 2008 au 31 mars 2011 ainsi que des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
- l'administration a rejeté à tort la déductibilité en charge de nombreuses dépenses de cadeaux, voyages et déplacements et de prospection au motif qu'elles n'auraient pas été exposées dans l'intérêt de l'entreprise ;
- en effet, les factures d'achats de cadeaux ne sont pas répertoriées sur des listes pour des raisons de confidentialité ce qui n'empêchait nullement l'administration de trouver les noms des destinataires par le biais des factures de transporteurs ;
- les frais de documentation et d'abonnements à des magazines correspondent à des lectures laissées dans le hall de réception de l'entreprise pour les clients ;
- les notes de frais de déplacement et de restaurant au Cap d'Agde résultent de la nécessaire poursuite des relations professionnelles avec les clients ;
- la facture " Clos des Cèdres " à hauteur de 2 491 euros correspond à l'entretien des espaces verts de l'entreprise ; la facture " Menu culture " correspond à l'équipement de la tondeuse de l'entreprise ;
- les " sorties exceptionnelles " de stock s'expliquent par une méconnaissance du logiciel " CEGID tenue de stock ", des vols et des pertes et casses inhérentes à l'activité de toute entreprise ;
En ce qui concerne les suppléments d'impôt sur les sociétés :
- il appartient à l'administration de produire les factures relatives aux ventes de métaux non comptabilisées dont elle fait état ; à défaut, le redressement de ce chef n'est pas justifié ; lesdites ventes se produisaient seulement deux ou trois fois par an tout au plus ; les dates relevées par l'administration pour les ventes sont incohérentes ;
- les pièces justificatives s'agissant des dépenses de cadeaux, de mission et des déplacements au Cap d'Agde ont été fournies ; il en va de même des notes du " Club 41 ", étant précisé que ces frais occasionnent des rencontres nécessaires dans le cadre du commerce ;
- les " sorties exceptionnelles " ne correspondent pas à des ventes non comptabilisées, ainsi qu'il a été exposé en matière de TVA ;
En ce qui concerne les pénalités :
- elles ne sont pas motivées.
Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés le 17 janvier 2017 et le 13 juillet 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la preuve que les frais de voyages et de déplacements, les frais de réception de documentation et de prospection seraient engagés dans l'intérêt de l'entreprise n'est pas établie ; en particulier, la liste des bénéficiaires des cadeaux offerts par l'entreprise n'a jamais été communiquée ; les abonnements à des magazines ont été adressés au nom de M. et Mme D...et non à celui de l'entreprise ; il n'est nullement établi que les frais de déplacement au Cap d'Agde, où les époux D...sont propriétaires d'un appartement sont d'origine professionnelle ; le service a établi que les frais engagés au " Club 41 " pendant les week-end ne sont pas d'origine professionnelle ;
- le bénéficiaire des ventes de déchets de métaux non comptabilisés est la société Sirmet ainsi que l'ont confirmé la société Sirmet et M.D... lui-même ;
- les pénalités sont motivées et justifiées dès lors que l'ancien dirigeant de la société ne pouvait ignorer qu'il bénéficiait à titre personnel de dépenses comptabilisées en charge et en outre qu'il a appréhendé des produits non déclarés.
Par ordonnance du 2 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 5 décembre 2017 à 12:00.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL D...France, dont M.D..., gérant (décédé depuis) détenait 99,5 % des parts et dont son épouse tenait la comptabilité, exerce une activité de réparation d'équipements électriques. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2008 au 31 mars 2011, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôts sur les sociétés assortis des pénalités correspondantes.
2. L'administration a, en outre, regardé certaines des sommes réintégrées dans les bénéfices de la société comme des revenus distribués au profit du foyer fiscal de M. et Mme D... et les a taxées à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
3. La société D...France a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des suppléments d'impôt sur les sociétés et des pénalités afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 mars 2011 et des exercices correspondants. Par une demande distincte, les époux D...ont demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2011 et découlant du contrôle de la société D...France, ainsi que des pénalités afférentes.
4. Le tribunal, après avoir joint les deux demandes, les a rejetées par un jugement du 9 juin 2016. MmeD..., d'une part, et la société D...France, d'autre part, par deux requêtes distinctes, relèvent appel de ce jugement et réitèrent leurs conclusions de première instance.
5. Les requêtes n° 16BX02569 et n°16BX02688 présentées respectivement par Mme D... et par la société D...France présentent à juger des questions similaires. Par suite, il convient de les joindre afin qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur la requête n° 16BX02688 :
6. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ". Il est constant que la société D...France a expressément accepté par un courrier du 13 janvier 2012 les redressements notifiés par la proposition de rectification du 16 décembre 2011 pour l'année 2008. Par suite, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il incombe à la société D...France d'apporter la preuve qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier de l'exonération dont elle se prévaut. Elle a également tacitement accepté ceux qui lui ont été notifiés par proposition de rectification du 3 février 2012 au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 mars 2011 en ne répondant pas dans le délai légal de trente jours à ce courrier.
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
S'agissant de la taxe déductible :
7. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction issue du décret n° 2007-566 du 16 avril 2007 applicable à compter du 1er janvier 2008 : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ".
8. Il résulte des dispositions de l'article 271 précitées du code général des impôts, interprétées à la lumière des paragraphes 1 et 2, 3 et 5 de l'article 17 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 devenus respectivement les articles 168, 169, 173 et 174 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit. Le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction. En l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti.
9. A l'issue de son contrôle, l'administration a remis en cause la déduction par la société D...France au titre de la période vérifiée de la taxe ayant grevé des dépenses de cadeaux, voyages, frais de réception, d'abonnements à des magazines, d'achat de documentation, de prospection en vue de rechercher des repreneurs, d'achats de produits d'alimentation et d'équipements de jardinage au motif qu'ils n'étaient pas engagés dans l'intérêt de la société mais relevaient de convenances personnelles de son gérant M. D.... Elle a également remis en cause la décision de la taxe ayant grevé des dépenses d'entretien d'espaces verts au motif que ces dépenses étaient excessives. La société D...France conteste ces réintégrations en faisant valoir que ces dépenses sont de nature professionnelle.
10. S'agissant des dépenses de cadeaux, il résulte de l'instruction qu'en première instance pas plus qu'en appel, la liste des bénéficiaires de ces cadeaux n'a pu être fournie par la société requérante. Ainsi alors que le nouveau dirigeant de la société M. F... a désigné M. et Mme D...comme bénéficiaires des sommes en litige et qu'il n'appartient pas à l'administration de procéder elle-même à des recherches pour justifier des frais ainsi engagés, ces dépenses de cadeaux ne peuvent ouvrir droit pour la société requérante à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée.
11. Il résulte également de l'instruction que les frais de déplacement et de restauration lors de voyages au Cap d'Agde exposés le week-end, alors que l'entreprise était fermée et que M.D..., ancien gérant de la société, y est propriétaire d'un appartement, ne peuvent être regardés, à défaut de tout élément produit à l'appui des affirmations de la société, comme liées à l'entreprise.
12. De même, si la société D...France soutient que les frais de documentation et d'abonnements à des magazines étaient exposés en vue d'une mise à la disposition de ses clients dans le hall d'attente de la société, il résulte de l'instruction, d'une part, que certains de ces magazines (de type Gala, Paris Match, Le Figaro), sans lien avec l'objet de l'entreprise, étaient envoyés directement à l'adresse personnelle de M. et Mme D...et qu'aucune erreur d'expédition de ces magazines n'a été démontrée, d'autre part, que l'administration a constaté sur place que les locaux de l'entreprise ne contenaient aucun espace assimilable à une salle d'attente. Ces frais ne peuvent ainsi être regardés comme pouvant donner lieu à la déduction de la taxe correspondante.
13. Par ailleurs, les frais de repas et de déplacements engagés par les époux D...et repris sur les factures du " Club 41 ", club privé de service de même que les achats de produits d'alimentation effectués le week-end ne sauraient davantage constituer, en l'absence de tout élément traduisant un lien entre ces dépenses et les besoins de la société, des dépenses liées à des opérations réalisées par l'entreprise ni comme des frais généraux. La société requérante ne saurait davantage contester la remise en cause par le service de la déduction des dépenses relatives à une prestation de recherche d'acquéreurs pour les parts sociales détenues à l'époque par les époux D...dans la SARL D...qui à l'évidence n'a pas été fournie à cette dernière pour les besoins de ses opérations taxables. Enfin, en se bornant à affirmer que la facture de l'entreprise " Menu culture " correspond à l'achat l'équipement de sa tondeuse sans produire de pièces étayant ses affirmations, la requérante ne fournit pas d'éléments traduisant un lien entre cette dépense et l'activité de l'entreprise.
14. Par suite l'administration a pu à bon droit refuser d'admettre la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée sur ces dépenses.
15. La requérante conteste également le refus de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée relative à la facture de l'entreprise " Le clos des cèdres " émise le 31 décembre 2009 qui concerne les travaux d'entretien de ses espaces verts. Pour contester la déduction de taxe sur la valeur ajoutée relative à cette dépense, l'administration a relevé que l'essentiel de la surface de son terrain était constitué d'aire de stationnement, que l'étendue de ses espaces verts ne pouvait justifier le coût excessif des prestations d'entretien recensées sur une période de deux ans alors que l'entreprise disposait d'une tondeuse. Il résulte toutefois de l'instruction alors que la société D...France produit plusieurs photographies établissant l'existence d'espaces verts entourant l'entreprise, que le service ne conteste pas que les prestations en litige ont effectivement été réalisées et qu'elles correspondent bien à des frais liés à l'activité de l'entreprise. La circonstance, à supposer établie, que les prestations en cause auraient été acquittées à un prix anormalement élevé au regard d'une gestion commerciale normale, ou que la société disposait d'un outillage de motoculture n'autorisait pas l'administration à refuser pour partie la déduction de la taxe opérée par la société, dès lors, ainsi qu'il a été dit, qu'elle n'allègue pas que les conditions énoncées par les textes applicables n'étaient pas remplies.
16. Par suite, la société D...France est fondée à réclamer la déduction du montant de taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses pour un montant en droits de 488,24 euros.
S'agissant de la taxe collectée :
17. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) ".
18. Au cours de son contrôle, l'administration a procédé à l'analyse des fichiers de gestion des stocks de la société requérante et a constaté que les ventes de certains articles avaient fait l'objet d'une " sortie exceptionnelle " et n'avaient ainsi pas été assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. A cet égard, en se bornant à soutenir que ces sorties de stocks sont peu importantes et s'expliquent par une absence de maîtrise du logiciel de comptabilité, ainsi que par des pertes, vols et casse, la société D...France n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la réintégration de ces sommes opérée par le service.
19. Par suite, l'administration est fondée à réintégrer les sommes correspondantes au titre de recettes non déclarées assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée.
En ce qui concerne les suppléments d'impôt sur les sociétés :
20. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter,40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. Les travaux en cours sont évalués au prix de revient. (...) ".
21. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 18, la société D...France n'est pas fondée à soutenir que la réintégration dans ses résultats imposables des " sorties exceptionnelles " de certains articles serait injustifiée.
22. En second lieu, la société D...France conteste la réintégration dans son résultat du produit de la vente de métaux non comptabilisés auprès de l'entreprise Sirmet. Il résulte toutefois de l'instruction que l'administration fiscale a pu obtenir par l'utilisation du droit de communication auprès de la société Sirmet les relevés d'achat de métaux effectués auprès de la société requérante. La société Sirmet a précisé qu'elle avait été rémunérée en espèces par M. D..., ce dernier ayant reconnu avoir procédé à des ventes de métaux. Dans ces conditions, en se bornant à soutenir que les quantités de métaux livrés apparaissant sur ces documents et les dates rapprochées de livraisons présenteraient un caractère incohérent, la société requérante n'apporte, à l'appui de ses allégations, aucun élément permettant de remettre en cause la réalité des montants de ces ventes.
23. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : (...) b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ; (...) e. Les cadeaux de toute nature, à l'exception des objets de faible valeur conçus spécialement pour la publicité ; f. Les frais de réception, y compris les frais de restaurant et de spectacles (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...) ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
24. A l'issue de son contrôle, l'administration a procédé au rehaussement des résultats imposables de la société D...France sur la période vérifiée au motif que les dépenses sus-évoquées de cadeaux, de voyages, de frais de réception, d'abonnements à des magazines, de prospection, d'achats de produits d'alimentation, d'équipements de jardinage et d'entretien d'espaces verts avaient été comptabilisées en charge alors que ces dépenses n'étaient pas engagées dans l'intérêt de la société mais à des fins personnelles par son ancien gérant M. D... ou étaient excessives s'agissant des dépenses d'entretien d'espaces verts.
25. La société requérante soutient que les dépenses relatives à la facture de l'entreprise " Le clos des cèdres " émise le 31 décembre 2009 auraient permis d'assurer les travaux d'entretien de ses espaces verts. Il résulte toutefois de l'instruction que l'administration a relevé sans être sérieusement contredite que l'essentiel de la surface de son terrain est constituée d'aires de stationnement et de passage pour les véhicules et qu'ainsi l'étendue de ces espaces verts ne pouvait justifier le coût excessif et le nombre de prestations réalisées alors, au surplus, que la société disposait de sa propre tondeuse. Ainsi, à défaut de tout élément permettant de rattacher même pour partie ces dépenses à une gestion commerciale normale de l'entreprise, l'administration est fondée à refuser la déduction en charge de ces dépenses.
26. S'agissant des autres dépenses, ainsi qu'il a été dit précédemment, en se bornant à soutenir sans en justifier que ces dépenses constituaient des frais engagés dans l'intérêt de la société, cette dernière ne remet pas en cause l'ensemble des éléments précis et circonstanciés retenus par l'administration et rappelés aux points précédents du présent arrêt pour justifier des redressements en litige.
En ce qui concerne les pénalités :
27. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
28. Les propositions de rectification des 16 décembre 2011 et 3 février 2012 adressées à la société D...France visent l'article 1729 du code général des impôts et mentionnent les motifs de fait pour lesquels la bonne foi de l'intéressée n'a pas été retenue. L'administration rappelle que l'intéressée ne pouvait ignorer que les différents frais de voyages, déplacement, mission et documentation ne pouvaient correspondre à des frais professionnels. Elle ajoute que l'importance et la répétition de ces prises en charge par la société dont M. D... est le gérant et Mme D...la comptable établissent le caractère délibéré des manquements. Enfin, elle rappelle s'agissant de la vente des métaux non comptabilisés que cette pratique constitue une dissimulation volontaire de recettes par M. D...et mentionne le caractère important et répété des manquements sur la période vérifiée. Ce faisant, l'administration a suffisamment motivé l'application de la pénalité pour manquement délibéré.
29. Il résulte de tout ce qui précède que la société D...France est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a refusé d'admettre en déduction au titre de la taxe sur la valeur ajoutée les dépenses correspondant à la facture d'entretien de ses espaces verts en date du 31 décembre 2009.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
30. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros à verser à la société D...France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la requête n° 16BX02569 :
31. Les rectifications en litige ayant été effectuées suivant la procédure contradictoire, il appartient à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé des impositions en cause.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
32. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) ".
33. A l'issue des opérations de contrôle de la société D...France sur la période du 1er janvier 2008 au 31 mars 2011, l'administration a considéré que les dépenses dont le caractère professionnel n'était pas établi de même que les ventes réalisées sans avoir été comptabilisées constituaient des revenus distribués au nom du foyer fiscal de M. et MmeD..., et a procédé à des rehaussements d'impôt sur le revenu des intéressés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
34. Mme D...soutient que les dépenses de voyages, de réception, de repas, ont été engagées dans un cadre professionnel pour développer les relations d'affaires de la société et que les abonnements et achats de documentation étaient destinés à être mis à la disposition de ses clients dans le hall de la société. Toutefois, si la requérante produit une liste des bénéficiaires des cadeaux, cette liste ne permet de faire la corrélation entre les dépenses en cause et un bénéficiaire déterminé. L'administration doit, dans ces conditions, être regardée comme établissant le bien-fondé de l'imposition des sommes correspondant à ces achats de cadeaux. De même, dès lors que les notes de restaurant relatives aux séjours de fin de semaine des époux D...au Cap d'Agde, où Mme D...et son conjoint disposaient, ainsi qu'il a été dit, d'un appartement, mentionnaient dans la plupart des occurrences, seulement deux couverts, l'administration doit être regardée comme établissant sur ce point l'existence d'une distribution de revenus.
35. Mme D...soutient également que les frais de documentation et d'abonnements à des magazines étaient exposés en vue d'une mise à la disposition de ses clients dans le hall d'attente de la société. Il résulte toutefois de l'instruction, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que certains de ces magazines (de type Gala, Paris Match, Le Figaro), sans lien avec l'objet de l'entreprise, étaient envoyés directement à l'adresse personnelle de M. et Mme D...et qu'aucune erreur d'expédition de ces magazines n'apparaît, et que l'administration a, en outre, constaté sur place que les locaux de l'entreprise ne contenaient aucun espace assimilable à une salle d'attente. Dans ces conditions, quand bien même certains abonnements étaient adressés à la société, l'administration établit l'absence d'intérêt pour l'exploitation de ces abonnements. Par suite, c'est à bon droit que le service a imposé les sommes correspondantes entre les mains de M. et MmeD....
36. La requérante conteste également le montant retenu par l'administration au titre de ventes de métaux qui n'auraient pas été comptabilisées en faisant valoir qu'il n'est pas justifié, qu'il repose uniquement sur les dires de la société Sirmet et que les dates des ventes sont incohérentes. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a pu légalement obtenir par l'utilisation du droit de communication auprès de la société Sirmet les relevés d'achat de métaux effectués auprès de la société requérante. La société Sirmet a précisé qu'elle avait été rémunérée en espèce par M. D...et ce dernier a également reconnu, au cours du contrôle, avoir procédé à des ventes de métaux. En l'absence de tout élément de nature à contredire les éléments apportés par le service, ce dernier doit être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe du bien-fondé de l'imposition des montants correspondants.
37. De même, la requérante n'apporte aucun élément de nature à contredire les constatations du service établissant l'absence de tout lien des frais de motoculture relative à la facture Menu Culture avec l'entreprise.
38. Enfin, si Mme D...conteste la réintégration dans ses revenus de la facture d'entretien d'espaces verts comptabilisée le 31 décembre 2009, il résulte des tableaux annexés à la proposition de rectification relative à l'année 2009 que l'administration n'a pas pris en compte cette facture dans le calcul des rehaussements d'impôt sur le revenu des épouxD.... La requérante ne peut donc utilement contester une quelconque réintégration à ce titre.
39. Par suite, le service était fondé à réintégrer l'ensemble de ces sommes dans les bénéfices de la société et à les imposer entre les mains du foyer fiscal de M. et Mme D...comme des revenus distribués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts.
En ce qui concerne les pénalités :
40. En rappelant dans la proposition de rectification l'importance et le caractère répété des différents frais pris en charge par la société dont M. D...était le gérant et dont Mme D... tenait la comptabilité ainsi que la dissimulation volontaire et répétée depuis 2005 par M. D...de recettes résultant de la vente de métaux et en indiquant que ces éléments démontrent la volonté délibérée, de la part des intéressés, d'éluder une partie de l'impôt dû, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant apporté la preuve du caractère délibéré des manquements constatés et, partant, comme ayant établi le bien-fondé des pénalités litigieuses prévues par l'article 1729 du code général des impôts.
41. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 16BX02569 de Mme D...est rejetée.
Article 2 : La société D...France est déchargée en droits, intérêts et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés sur la période du 1er janvier 2009 au 31 mars 2011, à concurrence de l'admission en déduction d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 488,24 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges n° 1301738 - 1301743 du 9 juin 2016 est annulé en tant qu'il est contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la société D...France la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 16BX02688 de la société D...France est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société D...France, à Mme B...D...et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 28 août 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 septembre 2018.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 16BX02569, 16BX02688