Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler le titre exécutoire du 10 mai 2013 mettant à sa charge la somme de 19 171,17 euros.
Par un jugement n° 1500807 du 15 septembre 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 novembre 2016 et 29 mars 2017, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) d'annuler le titre exécutoire du 10 mai 2013 et de le décharger de l'obligation de payer la somme de 19 171,17 euros ;
3°) de mettre à la charge du département de la Guadeloupe la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier ; ces deux mémoires en réplique produits avant la clôture d'instruction n'ont été ni visés ni analysés ; en outre, le jugement est entaché d'un défaut de motivation ;
- sa demande devant le tribunal administratif n'était pas tardive et la fin de non-recevoir opposée par le département de la Guadeloupe ne pourra qu'être écartée ;
- le titre exécutoire est entaché d'une incompétence de son signataire ;
- le titre exécutoire n'est pas suffisamment motivé dès lors qu'il n'indique pas les bases de la liquidation ni ne fait référence à aucun autre document ;
- la créance est prescrite en l'absence de titre émis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2017, le département de la Guadeloupe conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la requête de première instance était irrecevable comme étant tardive et que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 27 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget ;
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B...a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande en annulation de l'avis des sommes à payer du 10 mai 2013 émis par le département de la Guadeloupe pour un montant de 19 171,17 euros, en vue du recouvrement d'un prêt d'honneur qui lui avait été octroyé dans le cadre de ses études supérieures poursuivies de 1988 à 1994. M. B...relève appel du jugement du 15 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Sur la compétence du juge administratif :
2. Le " contrat de prêt d'études " conclu par l'intéressé avec le président du conseil général de la Guadeloupe stipulait, notamment, dans son article 1er, que le prêt était consenti " aux clauses et conditions déterminées par le règlement départemental d'aide aux étudiants " et que l'emprunteur s'engageait " à se conformer aux prescriptions réglementaires pouvant résulter de décisions du président du conseil général postérieurement à la signature du présent acte ". L'existence d'une telle clause confère au contrat en cause le caractère d'un contrat administratif. Dès lors, et contrairement à ce que soutient le département de la Guadeloupe, la créance dont le comptable poursuivait le recouvrement à l'encontre de M. B...est, elle-même, de nature administrative. Par suite, l'exception d'incompétence soulevée par le département de la Guadeloupe ne peut être accueillie.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande introductive d'instance :
3. Aux termes des dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : "2° L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale (...) pour contester directement devant la juridiction compétente le bien fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite (...) 4° Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple (...). ".
4. Si le département de la Guadeloupe se prévaut, eu égard aux dispositions précitées, de la tardiveté de la requête de M. B...dirigées contre le titre exécutoire du 10 mai 2013, il n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la notification de cette décision à l'intéressé. La circonstance que le département a respecté ses obligations en adressant le titre de recette sous pli simple, conformément aux dispositions précitées du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, n'est pas de nature à le dispenser d'établir que M. B...a été effectivement destinataire du titre en cause. Par ailleurs, le département n'établit pas que le requérant aurait reçu notification de deux lettres de relance datées des 2 août et 4 novembre 2013 ainsi que d'une opposition à tiers détenteur du 9 janvier 2014. Ainsi, le département de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif était tardive et par suite irrecevable.
En ce qui concerne l'indication des bases de liquidation :
5. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
6. Il résulte de l'instruction qu'une convention de prêt d'honneur a été passée entre le département de la Guadeloupe et M. B...pour permettre à ce dernier de poursuivre des études supérieures au titre de l'année universitaire 1988/1989. Cette convention a été renouvelée chaque année jusqu'en 1994. En l'absence de remboursement de cette somme, le département de la Guadeloupe a adressé à M. B...un avis des sommes à payer émis le 10 mai 2013. Ce titre exécutoire, qui ne se réfère à aucun autre document, comporte seulement la mention " recouvrement prêt d'honneur en date du 01/10/1988 de 19 171,17 euros ". Il ne peut, par suite, être regardé comme indiquant les bases de liquidation de nature à justifier la somme à recouvrer. Par suite et sans que le département puisse utilement faire valoir que l'intéressé ne pouvait ignorer le montant des sommes qu'il devait rembourser, le titre de recettes émis le 10 mai 2013 est insuffisamment motivé et ne satisfait pas aux exigences des dispositions précitées de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012. Dès lors, le titre de recette en litige doit être annulé. Par voie de conséquence, M. B...doit être déchargé de l'obligation de payer la somme de 19 171,17 euros.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens :
8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de la Guadeloupe demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le département de la Guadeloupe à verser à M. B...la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500807 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 15 septembre 2016 est annulé.
Article 2 : L'avis des sommes à payer émis et rendu exécutoire le 10 mai 2013 pour un montant de 19 171,17 euros est annulé et M. B...est déchargé de l'obligation de payer la somme de 19 171,17 euros.
Article 3 : Le département de la Guadeloupe est condamné à verser à M. B...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au département de la Guadeloupe. Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics et au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.
Le rapporteur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 16BX03792