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09/11/2018 | FRANCE | N°18BX01675

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 09 novembre 2018, 18BX01675


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eiffage Energie Guadeloupe, représentée par MeC..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner solidairement le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG), la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe (CAGSC) et la " SEMSAMAR " (société communale de Saint-Martin) à lui verser une provision de 427 124,34 euros au titre des prestations qu'elle a réalisées dans le cadre de l'opération de construction

et de raccordement de la station d'épuration 16.000 EH de Capesterre Belle-Eau...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eiffage Energie Guadeloupe, représentée par MeC..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner solidairement le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG), la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe (CAGSC) et la " SEMSAMAR " (société communale de Saint-Martin) à lui verser une provision de 427 124,34 euros au titre des prestations qu'elle a réalisées dans le cadre de l'opération de construction et de raccordement de la station d'épuration 16.000 EH de Capesterre Belle-Eau et une provision de 123 418,01 euros au titre des intérêts moratoires échus au 31 décembre 2017.

Par une ordonnance n° 1701270 du 26 avril 2018, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 11 mai 2018, la société Eiffage Energie Systèmes - Guadeloupe venant aux droits de la société Eiffage Energie Guadeloupe, représentée par Me C..., demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 26 avril 2018 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) de condamner solidairement le syndicat Ô'diles, nouvelle dénomination du SIAEAG, la CAGSC et la SEMSAMAR à lui verser une provision de 427 124,34 euros au titre des prestations qu'elle a réalisées dans le cadre de l'opération de construction et de raccordement de la station d'épuration 16.000 EH de Capesterre Belle-Eau et une provision de 134 648,62 euros au titre des intérêts moratoires échus au 11 mai 2018 ;

3°) de mettre à la charge du syndicat Ô'diles, de la CAGSC et de la SEMSAMAR une somme de 3 000 euros, chacun, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le fait qu'il existe un différend entre la maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'ouvrage déléguée ne saurait caractériser une contestation sérieuse sur l'identité du débiteur, la société requérante ayant sollicité une condamnation solidaire de toutes les parties défenderesses ;

- dès lors que la créance invoquée n'est contestée ni dans son principe ni dans son montant et que la responsabilité solidaire des parties défenderesses peut être recherchée, il n'appartient pas au juge des référés de prendre en compte le contexte institutionnel et contractuel pour refuser de faire droit à la demande de provision ;

- l'identité du débiteur est connue car, en vertu de la loi du 31 décembre 1975, le sous-traitant admis au paiement direct a toujours droit au paiement de ses prestations par le maître d'ouvrage du moment que ses demandes de paiement ont été faites régulièrement, ce qui est le cas en l'espèce ;

- l'obligation des parties défenderesses de régler à la requérante les sommes dues au titre des prestations ainsi que les intérêts dus n'est, en définitive, pas sérieusement contestable.

Par un mémoire enregistré le 13 juin 2018, le syndicat Ô'diles, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la partie perdante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

Il soutient que :

- l'action de la société Eiffage Energie Systèmes - Guadeloupe ne peut être dirigée à l'encontre de Ô'diles car il revient à la SEMSAMAR, en tant que maître d'ouvrage délégué, de rémunérer le sous-traitant avec les fonds de la CAGSC qui, depuis le 1er janvier 2014, se substitue à Ô'diles pour l'exercice de la compétence eau ;

- en cas de contestation relative à l'identité des débiteurs de la créance, la détermination des responsabilités respectives de la SEMSAMAR, de la CAGSC et de Ô'diles ne relève pas de l'office du juge des référés.

Par un mémoire enregistré le 27 juillet 2018 puis un mémoire enregistré le 8 novembre 2018, la SEMSAMAR, représentée par la SCP Payen-Pradines, conclut au rejet de la requête de la société requérante et à ce que soit mis à la charge de cette société le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne peut être recherchée sur le terrain contractuel par la société requérante, avec laquelle elle n'a pas de lien contractuel ;

- elle ne peut être recherchée sur le terrain quasi-délictuel dès lors qu'aucune faute n'est alléguée à son encontre et encore moins en dehors du contrat de mandat la liant au maître d'ouvrage ; la CAGSC, qui a perçu la subvention du FEDER et a fait perdre la subvention ONEMA en refusant de signer le protocole d'accord proposé par la SEMSAMAR, est seule débitrice des sommes dues à la société Eiffage.

La communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe, dûment prévenue par la lettre du greffe lui communiquant la requête de l'obligation de présenter sa défense par un avocat ou un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, a produit une lettre, enregistrée le 8 août 2018, par laquelle, précisant qu'elle n'est " pas assistée par un avocat dans cette affaire ", elle conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. A...D...en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la construction d'une station d'épuration sur la commune de Capesterre Belle-Eau, le Syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG), devenu Ô'diles, a conclu une convention de mandat de maîtrise d'ouvrage publique avec la société communale de Saint-Martin dite " SEMSAMAR " le 1er août 2011. Par un marché du 28 novembre 2011, le groupement constitué par les sociétés Getelec TP, Vinci environnement et Mick Théophile a été chargé des travaux de construction et de raccordement de cette station. La société Eiffage Energie Guadeloupe, devenue Eiffage Energie Systèmes - Guadeloupe, a été acceptée, dès l'attribution du marché, en qualité de sous-traitante de la société Getelec TP en vue de la réalisation de prestations d'électricité et ses conditions de paiement agréées par la SEMSAMAR pour un montant de 743 907,97 euros. Ce montant a été ramené à 739 794,36 euros HT par un acte spécial modificatif du 29 janvier 2014. Aucune des factures émises par la société Eiffage Energie Systèmes - Guadeloupe à compter du mois de juin 2013 n'ayant été honorée, elle a saisi le 27 décembre 2017 le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande tendant à obtenir la condamnation solidaire de la SEMSAMAR, du SIAEAG et de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes (CAGSC), qui a succédé au SIAEAG dans ses compétences en matière d'eau et d'assainissement pour ce qui concerne notamment la commune de Capesterre-Belle-Eau, à lui verser une provision de 427 124,34 euros au titre des prestations qu'elle a réalisées dans le cadre de l'opération de construction et de raccordement de la station d'épuration 16.000 EH de Capesterre-Belle-Eau et de 123 418,01 euros au titre des intérêts moratoires dus sur cette somme et échus au 31 décembre 2017. Elle fait appel de l'ordonnance du 26 avril 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande, en demandant la même provision au titre des prestations et une provision d'un montant de 134 648,62 au titre des intérêts moratoires arrêtés au 31 mai 2018.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".

3. L'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance dispose : " le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution ".

4. Il n'est en rien contesté que, comme elle l'affirme, la société Eiffage Energie Systèmes - Guadeloupe a exécuté les prestations qui lui incombaient en qualité de sous-traitant de la société Getelec TP admis au paiement direct et qu'elle a régulièrement présenté ses demandes de paiement à la SEMSAMAR, chargée de régler les entreprises intervenant sur le chantier. Dès lors, l'existence de la créance dont la société Eiffage Energie Systèmes - Guadeloupe se prévaut à hauteur de 427 124,34 euros, montant des prestations exécutées, n'est pas sérieusement contestable. N'est pas davantage contestable la créance qu'elle revendique à hauteur de 134 648,62 euros correspondant aux intérêts moratoires dus sur cette somme et échus au 11 mai 2018.

5. En premier lieu, la SEMSAMAR, qui a accepté la société Eiffage Energie Systèmes - Guadeloupe comme sous-traitant et agréé ses conditions de paiement, et qui était chargée, en vertu de la convention de maîtrise d'ouvrage déléguée, du règlement des prestations accomplies par les entreprises intervenant sur le chantier de la station d'épuration de Capesterre-Belle-Eau ne peut valablement opposer à la société Eiffage Energie Systèmes - Guadeloupe les difficultés qu'elle a rencontrées avec les maîtres d'ouvrages successifs pour obtenir les fonds nécessaires au financement du chantier. De telles difficultés peuvent en effet être invoquées par la SEMSAMAR dans le cadre de ses relations contractuelles avec ses mandants mais ne peuvent en revanche être valablement opposées à la société Eiffage Energie Systèmes - Guadeloupe qui est en droit de réclamer paiement à la SEMSAMAR des sommes qui sont dues au titre des prestations effectuées par elle.

6. En second lieu, la circonstance que le maître d'ouvrage délégué est chargé, en vertu de la convention de mandat qui le lie au maître d'ouvrage, d'assurer le règlement des prestations des entreprises, ne fait pas obstacle à ce que celles-ci recherchent ce dernier en paiement des sommes qui leur sont dues au titre de ces prestations, notamment lorsque ce maître d'ouvrage délégué, qui agit au nom et pour le compte de son mandant, est défaillant.

7. En l'espèce, il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 2 mai 2013 du préfet de la région Guadeloupe, le périmètre de la communauté d'agglomération Sud Basse Terre (CASBT), devenue par la suite communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes (CAGSC), a été étendu notamment à la commune de Capesterre-Belle-Eau à compter du 1er janvier 2014 et que, par un arrêté du même préfet en date du 27 février 2014, ladite communauté d'agglomération exerce à compter du 1er janvier 2014 les compétences " eau et assainissement " en lieu et place de la commune, laquelle est " retirée " du SIAEAG, ce retrait s'effectuant dans les conditions définies à l'article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales. Ainsi, à cette date du 1er janvier 2014, la CAGSC s'est substituée au SIAEAG comme maître d'ouvrage de la station d'épuration de Capesterre-Belle-Eau, alors que le chantier était en cours. Il résulte de la combinaison de ce qui vient d'être dit et de ce qui a été dit au point 6 ci-dessus, que la société Eiffage Energie Systèmes-Guadeloupe, qui n'a pas reçu paiement de ses prestations accomplies en tant que sous-traitant admis au paiement direct pour la somme déjà indiquée de 427 124, 34 euros, est en droit de rechercher la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes, substituée au SIAEAG dans les obligations du maître d'ouvrage à l'égard de cette société, en vue d'obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues ainsi que des intérêts moratoires y afférents.

8. Eu égard à ce qui précède, la société Eiffage Energie Systèmes - Guadeloupe est fondée à demander, d'une part, que la SEMSAMAR et la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes soient solidairement condamnées à lui verser une provision de 427 124,34 euros au titre des prestations accomplies, ainsi qu'une provision de 134 648,62 euros au titre des intérêts moratoires dus sur cette somme et échus au 11 mai 2018, soit une provision d'un montant total de 561 772, 96 euros, d'autre part, la réformation en ce sens de l'ordonnance attaquée.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SEMSAMAR et de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes le versement à la société requérante de la somme de 1 500 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de la SEMSAMAR et du SIAEAG présentées au titre de ce même article doivent en revanche être rejetées.

ORDONNE :

Article 1er : La société communale de Saint-Martin dite SEMSAMAR et la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes sont solidairement condamnées à verser à la société Eiffage Energie Systèmes - Guadeloupe une provision de 561 772,96 euros.

Article 2 : L'ordonnance n° 1701270, en date du 26 avril 2018, du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.

Article 3 : La société communale de Saint-Martin dite SEMSAMAR et la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes verseront chacune la somme de 1 500 euros à la société Eiffage Energie Systèmes - Guadeloupe en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Eiffage Energie Systèmes - Guadeloupe, au syndicat Ô'diles et à la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes et à la société communale de Saint-Martin dite SEMSAMAR.

Fait à Bordeaux, le 9 novembre 2018.

Le juge des référés,

Aymard de MALAFOSSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

5

No 18BX01675


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 18BX01675
Date de la décision : 09/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : CRAPART

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-09;18bx01675 ?
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